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30 octobre 2013

Les Petits mouchoirs

Mille fois évoqué, jamais critiqué. Jusqu'à aujourd'hui... Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet fait partie de ces serpents de mer insaisissables que nous avons souhaité placarder au mur des dizaines et des dizaines de fois sans jamais sauter le pas. C'était jamais le bon soir pour vider un sac si plein à ras bord de ressentiment et, disons-le très simplement, de haine. Ces sentiments-là, on essaie de les chasser quand ils se pointent, comme tout bon citoyen européen. Mais là il faut mettre des mots sur ces émotions qui nous assaillent quand on prononce les mots "petits", "mouchoirs", "Guillaume" ou encore "Canet". Il faut appeler un chat un chat, et mettre toute cette bile noir sur blanc. Sauf que la question demeure, et qu'elle est double : comment peut-on concentrer autant de merde en 2h34 de film, et comment, en réponse, parvenir à concentrer toute la chaux que le film a accumulé en nous depuis trois ans maintenant afin de la déverser dans un seul article (et pire, dans les 140 caractères permis par Twitter pour faire l'annonce de cet article) ? On ignore comment c'est possible, mais on tente le coup, histoire de se sentir un peu plus légers demain matin au moment de planter nos louches dans nos bols de Weetabix. Juste un mot sur les Weetabix en passant, ces plaques de blé complet compacté, ces petits pavés de foin séché, concentré et pressurisé : si un jour nous était confiée l'occasion d'échanger quelques paroles avec le dénommé Guillaume Canet, nos mots seraient aussi secs, cassants et peu digestes qu'un paquet de Weetabix oublié au soleil sur l'asphalte du parking d'un vieux Lidl désaffecté en plein mois de juillet, ce fameux jour où il a fallu abandonner une provision pour pouvoir fermer le coffre.




Par où commencer ? Peut-être par le commencement. Le film s'ouvre, rappelez-vous, par un véritable plan-séquence de haute volée qui suit Jean Dujardin (Ludo dans le film), en boîte avec son ami Gilles Lellouche (zéro dans la vie), où il enchaîne les mojitos jusqu'au petit matin, drague trois pétasses, se pisse sur les bottes, fait deux pas chassés sur le dancefloor puis, la caméra toujours collée à ses épaules de brocard, titubant vers la sortie, portable à la main, dit "A demain !" au videur - et faut-il être paumé pour sortir ça en sortant de boîte à 6h du matin - avant de rejoindre son scooter, frêle deux roues qu'il chevauche laborieusement tout en continuant à dodeliner des hanches... et le fameux Ludo de s'éloigner à toute berzingue, tandis que les pulsations sonores de la boîte de nuit s'estompent et que le bruit strident de sa vespa au pot trafiqué nous perfore les tympans (l'acteur en rajoute une couche en imitant les accélérations de son moteur avec des bruits de bouche qui produisent sur son visage un rictus à la fois benêt et démoniaque ; il pousse aussi des cris de supporter dans un Paris encore endormi, meuglant au rythme de Seven Nation Army des White Stripes en tendant son poing aux quelques boulangers déjà sur le pied de guerre), jusqu'à ce qu'au détour d'un croisement basique au possible (deux routes qui se croisent perpendiculairement), mais venu à point nommé, un six tonnes (dont le chauffeur sort lui aussi vraisemblablement de boîte de nuit, puisqu'il conduit également à toute allure et une sandale dehors en chantant la même chanson célèbre) éjecte notre homme hors du plan et le condamne au hors-champ à une vitesse supersonique (il n'est pas impossible que les habitants de Mars, s'ils existent, aient vu l'événement pratiquement en simultané tant sa vitesse est fulgurante - ceci expliquerait a fortiori le silence de plomb qui continue d'émaner de Mars, dont on comprend qu'elle soit "not interested").




La phrase ci-dessus, qui mesure bien ses six pieds de long, vous paraît peut-être un poil lourde, mais elle est là pour prouver à Canet qu'on peut tous en faire autant. Avec un peu de patience et en plaçant les articulations au bon endroit tout en déguisant plus ou moins la technique (chez nous, une simple question de ponctuation), on peut faire une phrase-séquence, dite "phrase-paraphet" en littérature, sans le moindre souci ! On sent que Guillaume Canet a tourné ce plan-séquence avec un œil rivé sur la définition la plus minimale possible de la mention "plan-séquence" dans Le Petit Robert 2004, comme le médiocre acteur autoproclamé réalisateur, cinéaste, auteur même, qu'il est, en quête de reconnaissance et sûr d'obtenir ses galons de metteur en scène génial par un soi-disant morceau de bravoure, en l’occurrence ce triste plan-séquence de pure épate ne réclamant qu'une longue coordination, quelques techniciens collaboratifs et une poignée de biffetons mal dépensés (sans oublier un routier frais et dispo, et c'est peut-être ce qui suscite le plus d'admiration chez nous). La scène ne nous a tiré qu'un rire franc et massif, à la manière d'un autre accident de scooter dans un autre film français réalisé par un autre nullard, à savoir celui de Julie Ferrier dans Paris de Klapisch. Dès l'ouverture de son grand œuvre définitif sur le thème de l'amitié, Canet nous montre tout l'amour qu'il a pour ses personnages, de la pure et simple chair à canon destinée au pare-buffle d'un camion tel qu'on n'en croise que dans certains bleds perdus de l'Arizona. C'est une chance qu'on ait pouffé lors de cet épisode immanquable de "Paf le iench", car le reste du film nous a déprimés pour des semaines. Après cet éclat inaugural, nous sommes restés collés au fond du canapé avec un dégoût ultime pour tout ce qui allait s'étaler à l'écran pendant les deux heures et trente minutes (...) à venir.




Le don de Canet c'est de parvenir à nous rendre détestables des gens qui nous sont d'habitude tout acquis. En l'occurrence on parle uniquement de François Cluzet, déjà sali par son implication dans Ne le dis à personne, le précédent Canet. Dans Les Petits mouchoirs on a envie de l'étrangler, de lui tordre le cou, comme à tous les autres acteurs en présence, sauf que pour Cluzet cette envie est née devant les films de Canet et s'est à chaque fois éteinte avec (même si elle a tendance à se repointer en douce quand l'acteur, en interview, qualifie son jeune ami de "meilleur réalisateur du monde"), alors qu'elle était déjà bien installée et a tranquillement perduré en ce qui concerne tous les autres membres du casting. Tous ces gens, les Dujardin, Lellouche, Cotillard, Magimel, Lafitte, Bonneton, Arbillot et compagnie, qui se présentent avec ce film et tant d'autres comme les jeunes pousses du cinéma français, les jeunes artistes en merde du nouveau millénaire, les étendards de toute une génération, méritent de se réveiller chaque matin face à un cobra venimeux tenu difficilement par un marabout africain fatigué et en manque de sommeil, sur le point de piquer du nez. Ils incarnent tous - sauf Dujardin qui joue le cadavre exquis de l'affaire, véritable prétexte aux superbes vacances de ses meilleurs amis - de purs sacs à merde, des nids d'inhumanité et de connerie qui nous font regretter la genèse du soleil. Cluzet est clairement le connard en chef de la bande, qui traite avec mépris et insultes son meilleur ami homosexuel, maltraite ses enfants, malmène des animaux, hurle sur ses camarades, défonce des cloisons à coups de tête, dédaigne sa femme et ne respecte aucune règle du bien vivre ensemble. Son personnage est une enflure absolue, et tous les autres, qui ne valent guère plus cher, gravitent autour comme autant de vermisseaux misérables et d'ascaris lumbricoides aimantés par la pourriture et le mal. Ce qui n'a pas empêché la France de se rendre en masses dans les salles pour assister à ce sous-feuilleton tv choral empesté d'idées marécageuses, de personnages infects, de sentiments médiocres, le tout enveloppé dans une mise en scène sordide qui nous fait revoir avec amertume ce jour sombre où un homme des cavernes s'est levé le cul en disant à ses potes : "On sort de la routine, on va tenter un truc !"




Il est des films qui permettent de faire le tri dans son entourage. Nous espérons de tout cœur que celui-ci n'en fasse pas partie, sans quoi c'en serait fini de la vie sédentaire, des espaces urbains et des salles des fêtes ; l'humain s'en retournerait à une existence solitaire et nomade faite de cueillette, de chasse et de pêche, ainsi que de projets sur le très court terme. Depuis ce film, Guillaume Canet n'a cessé d'évoluer sur tapis rouge. On lui a ouvert les portes de Cannes et celles de l'Amérique. James Gray l'a accueilli chez lui, a partagé son pain avec lui. James Caan lui a obéi en acceptant de foutre le feu à sa carrière pour un second rôle minable dans Blood Ties. Le réalisateur frenchy promu artiste international est reçu sur tous les plateaux télé français tel le messie. Si Canet venait à caner, sa place au panthéon est toute réservée. Pire que tout, il existe un coffret dvd "Guillaume Canet". Avec Les Petits choirmous, cet individu a pourtant commis l'un des pires crimes cinématographiques qui soient. Un "phénomène" selon la presse, ou plutôt un monument érigé à la beaufferie, la profession de foi d'une génération maudite et éternellement salie, le manifeste d'une bande d'acteurs qui s'est insolemment installée au cœur de la maison du cinéma français, s'est essuyé les pieds sur le tapis et n'est pas près de rendre les clés, pire, qui a érigé la complaisance, l'auto-satisfaction, le mépris des autres et la lourdeur en principes.


Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet avec François Cluzet, Gilles Lellouche, Jean Dujardin, Marion Cotillard, Pascale Arbillot, Benoît Magimel, Laurent Lafitte, Valérie Bonneton et Mathieu Chédid (2010)

28 octobre 2013

Malavita

Jouons au fameux jeu du "ni oui ni non". Irons-nous voir ce film au cinéma ? Non.


Malavita de Luc Besson avec Robert De Niro et Michelle Pfeiffer (2013)

26 octobre 2013

Vorace

Été 98. Alors que Zizou et toute sa bande plongent le pays dans la liesse, sort dans les salles françaises et en catimini le 4ème long métrage d'Antonia Bird, et malheureusement son dernier, puisque la réalisatrice britannique est décédée hier, le 25 octobre 2013, à l'âge de 54 ans. Repartie travailler à la télévision après la sortie de Vorace, Antonia Bird aura quand même eu le temps de marquer les mémoires des fans de cinéma de genre, et notamment grâce à cette ultime et très méritante livraison cinématographique. On ignore si la cinéaste était végétarienne ou non, mais tout porte à croire qu'Antonia Bird a voulu d'une manière ou d'une autre purger son malaise face à la barbaque en nous faisant croquer de la chair fraîche dans un film d'horreur old school qui met en scène des cannibales puisant leur force dans la consommation effrénée de viscères humains. A partir d'un scénario a priori épuisé jusqu'à la corde par un nombre incalculable de séries B plus ou moins ridicules, la cinéaste parvint à signer une œuvre inventive, originale et intemporelle.




L'action se déroule durant la guerre américano-mexicaine. John Boyd (Guy Pearce), un officier fraîchement décoré pour avoir pris à lui tout seul un avant-poste ennemi, mais manifestement perturbé par son fait d'arme entaché de lâcheté et faisant face à un gros cas de conscience, se retrouve parachuté au fin fond de l'arrière pays, dans un fort de Californie dont la garnison est presque intégralement composée de rebuts de l'armée. Les divers personnages nous sont présentés en quelques coups de pinceaux avec une efficacité certaine et un humour appréciable. Le film s'anime avec l'arrivée de Colqhoun (Robert Carlyle, acteur fétiche d'Antonia Bird), un pionnier traumatisé, en loques et épuisé, qui raconte à ses hôtes les actes de cannibalisme auxquels se sont livrés certains de ses compagnons de voyage égarés après avoir trouvé refuge dans une grotte. Aussitôt, le colonel Hart décide de lancer une expédition pour secourir d'éventuels rescapés.




Le voyage des soldats ne manque pas de faire monter la pression et de distiller des indices sur la véritable identité de Colqhoun, auquel Robert Carlyle insuffle toute sa folie naturelle. L'acteur chipe pratiquement le premier rôle à Guy Pearce. Et pourtant l'acteur de Memento, qui incarne un anti-héros et joue presque en retrait, misant tout sur son regard azuréen et sur son élégante beubar de trois jours, tient là son meilleur rôle. La séquence-phare du film survient alors quand l'équipée parvient à la grotte et se retrouve piégée par le véritable cannibale de l'histoire (la fin de ce paragraphe révèle des éléments-clés de l'intrigue), Colqhoun lui-même qui, après avoir creusé le sol de ses mains comme pour trouver refuge, en extirpe des poignards et se met à massacrer la majeure partie de la troupe. Robert Carlyle livre une prestation littéralement habitée pour manifester la folie de son personnage et le suspense à deux vitesses mis en place par Antonia Bird fonctionne à merveille : Guy Pearce et un lieutenant s'enfoncent dans l'obscurité de la grotte en craignant d'y rencontrer un malade puis en ressortent à toute allure pour affronter celui qui les a conduits dans ce traquenard. Après quoi la cinéaste relâche et relance soudain le rythme de la séquence, non sans humour, lorsque Colqhoun se retrouve face au peureux de la troupe (Jeremy Davies) et lui dit, le regard habité, "Cours !", avant que ne s'emballe une mélodie endiablée pour accompagner la course poursuite des deux personnages.




Comment ne pas être pris aux tripes par la bande originale composée par Damon Albarn (aidé par Michael Nyman), plus inspiré que jamais, y compris sur ses side-projets Blur et Gorillaz. Dès le début du film, la musique épouse les images de Bird, ces grands paysages enneigés, et surtout colle à l'ambiance inquiétante de l'ensemble du film (notamment quand elle est mêlée aux ricanements crispants de Carlyle en voix off), avec de temps à autres dans ces mélodies une certaine pointe d'ironie, une forme de décalage et de dérision qui désarment la tension et font régulièrement respirer le récit. Comment ne pas être séduit par la légende de Wendigo, qu'une indienne raconte à Boyd, cette histoire d'un homme devenu surhomme en mangeant la viande de ses semblables. Le film perd bien le rythme de temps en temps, et la fin est un peu poussive lorsque Colqhoun revient au fort en Colonel Ives, mais Vorace fait clairement partie des rares réussites d'un genre balisé et sombrant souvent dans le ridicule, sans aucun doute grâce à la conviction de son auteure et de ses acteurs. On laisse le soin aux amateurs des gender studies de mettre à jour le sous-texte sur l'homosexualité masculine que le film contient de toute évidence, et on se contentera pour conclure de dire que c'est un film de genre de qualité - chose qui ne court pas les rues aujourd'hui - qui mérite plus que jamais d'être revu à la hausse.


Vorace d'Antonia Bird avec Guy Pearce, Robert Carlyle, Jeremy Davies et David Arquette (1998)

24 octobre 2013

The Roommate

Minka Kelly. Leighton Meester. Si vous ignorez qui se cache derrière ces petits noms, vous ne comprendrez pas qu'on puisse être tombé dans les griffes de ce film. Le peu de personnes qui l'ont vu à ce jour ont deux couilles et peu de fierté. Nous en faisons partie. On a pourtant longuement hésité à écrire cette critique, d'abord parce que le titre est très difficile à orthographier ("The Roommate", deux "o", deux "m", deux "chiennes"), sans doute le seul mot du lexique mondial avec deux "o" et deux "m" accolés, ensuite parce qu'on craignait de tomber dans le piège habituel qui consiste à axer la critique sur le physique plutôt avantageux des deux actrices principales, comme cela nous arrive encore trop souvent. En même temps l'affiche y invite, qui dit "Which one will you get ?", question rhétorique qui s'annule de facto puisque Minka Kelly et Leighton Meester se ressemblent comme deux gouttes d'eau.


In bed with Minka Kelly, à gauche, et Leighton Meester, à droite. Même si c'est Vaio© qui reste le mieux éclairé dans ce plan, notebook qui à lui tout seul en dit long sur le budget du film.

Concentrons-nous donc plutôt sur l'histoire. Minka Kelly, du haut de ses 33 ans, débarque à la fac après avoir eu son bac L avec mention Assez-Bonne. Arrivée dans une cité universitaire anonyme du campus, elle découvre qu'on lui a automatiquement attribué une colocataire, la fameuse "roommate" du titre. Au départ, les deux jeunes femmes se découvrent quelques atomes crochus, à base de marques connues qu'elles apprécient de concert (elles raffolent toutes les deux de la firme H&M), de groupes indés adulés (The Shins, notamment) ou de plats tout préparés qui font toujours mouche (avec un gros faible pour le cassoulet "La Belle Chaurienne"). Mais très vite, Minka Kelly réalise que sa nouvelle meilleure amie présente quelques symptômes typiques du sociopathe avéré. Tout commence quand cette dernière invite l'innocente Minka au vernissage d'un peintre contemporain à l'esprit putain de torturé, dont les œuvres consistent en un étalage de barbaque peu éclairé. Minka se fend d'un poli "Ah oui, j'aime bien son style", mais sa grimace de mauvaise actrice dit bien qu'elle a reniflé l'embûche. L'étau se resserre. Très vite l'entourage de Minka fond comme neige au soleil. Le gros chien des quais qu'elle avait rencontré dans un concert de The Shins et sur lequel elle fondait quelque espoir génital s'éclipse comme par enchantement.... Le petit chat qu'elle avait recueilli dans les détritus fait quant à lui ses adieux dans un dernier "MIAOU !" tragique avant de retourner d'où il venait : dans la benne à ordures la plus proche. Et puis vient ce moment où, non contente d'avoir écarté son petit copain et son chat, Leighton Meester se met à porter les slips sales de Minka Kelly, et se fait graver sur le sein le prénom de la sœur jumelle défunte de sa malheureuse victime. C'est là que Minka Kelly se met à chercher une autre coloc sur LeBonCoin.fr.


La vie d'Adèle, Chapitre 0.

Vous vous demandez sans doute comment tout cela se termine. Résolution classique. Échange de coups de feu, intervention inespérée du petit copain rencontré au concert de The Shins, véritable canis ex machina du métrage, et puis une balle perdue qui vient faire sauter l'opercule crânien de la démoniaque Leighton Meester et conclure un film qui n'aura pas tenu ses promesses "sexy". Nous avons vu The Roommate parce qu'en tant que cinéphiles, nous tenions à avoir un pied dans l'actualité. En effet, des raisons personnelles nous empêchent d'aller voir La Vie d'Adèle en salles, et on pensait avoir trouvé là, après des recherches considérables sur le net, un équivalent à la Palme d'Or d'Abdellatif Kechiche. Peut-être même le Chapitre 0 des fameuses aventures homosexuelles de ces deux jeunes femmes qui découvrent la vie, un prequel au coming of age lezbdo dont tout le monde parle. C'est raté. Le réalisateur de ce film (sorti dix ans jour pour jour après la catastrophe d'AZF) se nomme Christian E. Christiansen. Avec un blaze pareil, il aurait pu mener l'équipe nationale de football du Danemark vers les sommets et succéder à la génération Laudrup, au lieu de ça il a choisi de filmer des femmes de footballeurs. Ça se défend.


The Roommate de Christian E. Christiansen avec Leighton Meester et Minka Kelly (2011)

22 octobre 2013

Micmacs à tire-larigot

Ça en a la couleur, ça en a l'odeur, ça en a la texture, ça en a l'aspect, mais ce n'est pas de la pisse, c'est bien de la merde. Pure chienlit que ce film. En 2009 déjà, après seulement trois films réalisés en solo, cinq réalisations en comptant les films faits avec Caro, l'univers de Jeunet tournait plus à vide que jamais, l'ancien réalisateur de pubs et de clips n'avait déjà plus aucun tour dans son vieux sac quetchua troué et ne faisait que se répéter, voire se parodier lui-même. Avec Micmacs à tire-parigot, Jeunet s'est foutu de sa propre gueule, paraphant et signant sa propre fin. Pourtant, et la sortie de son nouveau film l'affirme, Jeunet n'est pas fini, ou alors au pipi, d'où la couleur principale de ses longs métrages : le jaunâtre, ici porté à un degré d'horreur inégalé. L'homme n'est en odeur de sainteté que dans le hall of fame perso et bien rance d'Albert Dupontel, autre réalisateur frenchy maniéré et plein de tocs, d'ailleurs souvent directement empruntés au cinéma de Jeunet.


 Les films de Jeunet, des films "riches visuellement" selon Dupontel Albert.

Sauf qu'avec ce cru 2009, on est au-delà du toc, ça n'a même plus de nom, on est au-delà de la "recette", du "système". Tout y est : les filtres vert bouteille et/ou jaune caca d'oie, les personnages complètement débiles, le goût affirmé et exagéré pour tout ce qui peut être minable et bancal, moche et boiteux, un scénario immonde, une mise en scène désolante et des vannes plus que pourries. Avec tout ça, on cherche quel est l'innocent sur le plateau qui ne mérite pas d'aller passer douze ans sur les bords de la Kolyma. Sombre, sombre chose que ce film qui a fait un bide sans équivalent au box office et qui aurait mérité pire (si pire était possible). L’œuvre ressemble grosso modo à ses personnages, vilains, trépanés (Dany Boon), soi-disant doués pour un truc ridicule au point de ne faire que ça en boucle (des gadgets ; des calepins d'expressions franchouillardes pour Omar Sy, pitoyable ; du cirque). Ah ça, ils sont uniques en leur genre, y'a pas à dire ! Ce film c'est le remake de Freaks sauf que le réalisateur fait partie de la troupe. La phrase leitmotiv du script, la voici : "C'EST DE LA RéCUP' !". La messe est dite.


Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet avec Dany Boon, Omar Sy, Julie Ferrier, André Dussollier, Yolande Moreau, Michel Cremades et Dominique Pinon (2009)

20 octobre 2013

Alien la résurrection

En ces temps où Prometheus ne fait déjà plus du tout jaser, il est bon de se rappeler l'état de déliquescence dans lequel se trouvait la saga Alien avant sa sortie, qui n'a fait que l'enterrer plus profond encore. Il a fallu 15 ans après le quatrième film (sorti en 97) pour parvenir à relancer la machine, et pas question de s'inscrire dans sa suite, il fallait revenir en arrière pour ne surtout pas marcher dans les pas de Jeunet. Si Ridley Scott et James Cameron se disputent vaguement la mainmise sur la franchise, et si Fincher lève le doigt une fois de temps en temps pour rappeler qu'il a mis la main à la pâte vite fait, Jeunet quant à lui, la french touch de la série, a été contractuellement invité à fermer sa gueule à tout jamais par la Fox, qui emploie encore aujourd'hui dix gorilles sur Paris pour cerner la rue Lepic afin de veiller au motus du cinéaste français daltonien, convaincu d'avoir filmé tous ses films en rouge et bleu alors qu'ils sont vert et jaune...



Quand on pense à Jeunet on est triste toute une journée. Pourtant ce film-là, lorsqu'il est sorti, en 97, on l'a tous vu en salles. Poulpard avait 47 ans à l'époque et il nous avait emmenés au ciné dans sa Nissan Micra qu'il surnommait "La Taupe" parce qu'elle était aveugle, comprendre sans phares ni essuie-glaces. Nous venions fraîchement d'atteindre l'âge légal pour voir ce film interdit aux moins de 12 ans. Nous étions donc extrêmement impressionnables, et Poulpard le premier. Bref on était tous excités comme des poux à l'idée de voir un épisode de la saga Alien au ciné, réalisé par un frenchy de surcroît. A l'époque nous n'étions que peu regardants sur un scénario signé Joss Whedon, l'auteur de Dawson Creek, pour un film qui devait initialement être réalisé par Danny Boyle, le plus mauvais cinéaste du monde, qui s'est plus tard vengé de ce rencard manqué avec la science-fiction en réalisant Sunshine, le film au script le plus inique ever. Déjà à l'époque, l'idée de ressusciter Ripley, ça nous paraissait un peu fort de café, mais tout comme les scénaristes de Prometheus nous étions prêts à tracer un trait sur 300 ans de Darwinisme pour en prendre plein la vue, prêts aussi à oublier que des scientifiques capables de voyager dans des vaisseaux spatiaux démentiels, de se mettre en hyper-sommeil et compagnie depuis des lustres, puissent en chier des ronds de chapeaux pour torcher un clone humain qui n'ait pas la tronche à la place des pieds et vice versa.



Malheureusement Jeunet avait réuni toute sa fine équipe : Dominique Pinon, Ron Perlman et Yolande Moreau, qui joue le bâtard alien à la fin du film ainsi que certains des clones foirés de Sigourney Weaver (ceux qui ont un nombril sur le front et les panards à la place des oreilles, opération casting payante qui a permis à l'équipe du film d'économiser des milliards de dollars en trucages et maquillage). Côté technique, on retrouvait Darius Khondji, directeur de la photo passionné par le vert bouteille qui avait déjà officié dans Delicatessen et La Cité des morbacs perdus, mais aussi Pitof, le spécialiste des effets spéciaux, acteur porno gay à ses heures perdues, "une couille et une queue" étant son slogan de travailleur du X. Bref, on retrouvait toute la patte Jeunet dans ce film, car c'était l'époque où Hollywood, quand il était de bonne humeur, laissait encore une petite marge de manœuvre aux réalisateurs en général et aux réalisateurs overseas en particulier. Ainsi tous les personnages sont-ils des débiles profonds, y compris quand ils sont généraux ou scientifiques de renom. Ils ont tous une pire tronche en biais et des tricks physiques indésirables : les épaules ultra velues de Dan Hedaya, la tronche enfarinée de l'enfant de la lune Brad Dourif (homonyme de Brad Pitt à quelques lettres près), etc. Et puis il y a les détails inutiles et agaçants, des chaussettes rayées de Winona Ryder au maillot à l'effigie du FC Sochaux Montbéliard de Ron Perlman en passant par les gadgets idiots, qu'il s'agisse pour le général Hedaya de souffler son haleine de chacal sur une porte pour l'ouvrir ou des pistolets du pirate black accrochés à ses poignets, sans compter les gags à tiroir et autres gestes cools, à l'image de Ripley qui joue au basket et tire un panier à trois points en tournant le dos au jeu et en faisant un doigt d'honneur au spectateur, et ainsi de suite... Et puis il y a ce plan vulgaire et inutile sur le cul en bombe de la femme du chef des pirates, Kim Flowers, un garçon manqué qui avait signé là son arrêt de mort sur pellicule, bref tout un tas de choses qui insultent le genre et tant de monde au-delà du genre.



Le clou du film c'est le "fils" alien, né du nouveau système reproductif de la reine alien devenue mammifère via son jumelage avec Ripley. Le rejeton de ce nouveau mode de gestation, verdâtre lui aussi, est une sorte d'alien humanoïde à gueule de fouine, avec un nez retroussé ridicule au dernier degré et des yeux chassieux insupportables. Spielberg s'était paraît-il inspiré de son chat pour décrire E.T. au marionnettiste Carlo Rambaldi, en charge de le façonner, et assez fier de lui Jeunet s'est inspiré de son propre sexe au repos pour enfanter cette créature ignoble, qui chiale pendant des heures devant sa maman Ripley et finit absorbée par une fuite dans la coque, qui lui fabrique une second trou du cul in extenso. A la fin, on voit le vaisseau de Ripley et de ses potes idiots s'approcher de la planète Terre, de Paname plus précisément, de la tour Eiffel (en faisant pause et zoom on peut voir Amélie Poulain en train de graver MMM sur le sommet), et on se dit qu'on peut voir dans cette scène sans doute imposée par la prod une allégorie du retour express de Jeunet en France, expédié en colissimo recommandé après le crash annoncé de son film en bois. On prie pour que personne ne fasse jamais un numéro 5 ou alors en niant sciemment et consciencieusement la participation de Jeunet à cette saga, qui n'aura été qu'une vaste mascarade. Il y a 15 ans que le film est sorti et personne n'a trouvé la pirouette permettant de poursuivre la franchise sans devenir fou. Il a fallu rebrousser chemin, et ça aura donné Prometheus (LOL).


Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet avec Sigourney Weaver, Dominique Pinon, Winona Ryder, Ron Perlman, Gary Dourdan et Dan Hedaya (1997)

18 octobre 2013

Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain

Film avec date de péremption, et pour le coup ultra périmé. On vous propose aujourd'hui un regard décalé sur un film retardé, un film d'attardé en vert et rouge, un film qui a fait passer Mathieu Kassovitz pour un boloss, ne l'oublions jamais, lui qui a chipé le rôle au pied levé à Pierre Richard, qui avait encore un problème de chaussures dépareillées le jour du casting et qui ne s'est donc pas pointé. Ce film, on l'a tous bien aimé à sa sortie, il faut savoir faire preuve d'honnêteté. Si Twitter avait existé à l'époque le film se serait retrouvé en top tendance pendant trois mois, le Petit Journal de Yann Barthès aurait fait des micro-trottoirs sentant le trottoir pour donner l'avis de trois vieilles illuminées et de deux adolescentes trépanées sur le film tout en se foutant ouvertement de leurs gueules. Sauf qu'en fait si ce film sortait aujourd'hui il ne ferait pas 8 millions d'entrées mais seulement 80 000 (en comptant large), parce que c'est le film d'une époque, sorti pile au bon moment avec son portrait rétro d'un Montmartre bourré de bons sentiments et baigné par la musique rance, franchouillarde et déprimante à souhait de Yann Thiersen. Jeunet a eu le pif de faire sortir son manifeste jambon-beurre tout en accordéons juste après France 98, dans un éphémère pays black/blanc/beur de pacotille où tout était possible et qui aimait se regarder le nombril en faisant du reubeu de service l'épicier sympa, du black un absent de marque et des visages pâles de purs crevards fiers de connaitre par cœur la fine fleur de tous les dictons gaulois, car glanant via ce petit manuel du bon français parlé un ticket aller-retour gratos pour tirer une autiste blanche comme neige.



C'est l'ancêtre de la série Bref, le film des petits plaisirs (quoi de mieux dans la vie que faire des ricochets ? Jeunet répond "Que dalle !", lui qui a sans doute réalisé le film de chevet de la famille Delerm au grand complet), le film des petits riens, un catalogue d'anecdotes à la con, des "j'aime, j'aime pas" à n'en plus finir... Avec cette ribambelle de goûts et de dégoûts bien idiots et bien communs, Jeunet s'est assuré que tout le monde puisse s'identifier sans forcer, comme savent le faire les rédacteurs d'horoscopes, ou les administrateurs de ces "pages" facebook et les auteurs de ces tweets à la con que tout le monde "like", "retweet" et "+1" à qui mieux mieux, du genre : "J'aime l'odeur de la colle et de l'essence, et j'aime bien l'odeur du gazon fraîchement coupé, par contre je déteste mais alors je déteste l'odeur de la merde". Ca me rappelle mon tonton Scefo, qui m'a annoncé, tout fier, à propos de mon petit cousin de 3 ans : "Il est très propre fils, il supporte pas d'avoir le cul huileux". Ce qui m'a beaucoup surpris vu qu'en général moi j'adore ça. Putain tonton... Jeunet a aussi fait un fond de commerce des questions cons, et on en retient une, qui demande combien de couples sont en train de se dégommer en ce moment même à Paris, avec une galerie d'illustrations gentillettes de femmes en train de jouir sous les impacts péniens de leurs époux ou amants. Bizarrement toutes sont bien traitées et heureuses, tout ceci se passe dans une atmosphère de félicité complète, alors qu'on sait trop bien que la plupart du temps ce n'est que ruines et désolation : on ne parle pas forcément de viols ou d'agressions, encore que, mais d'actes consentis et néanmoins voués à mettre à mal la survie du couple sur le long terme si un effort de réflexion est fait lors de la phase post-coïtum, qui peut se révéler néfaste pour l'amour propre du sujet et pour celui voué au conjoint. Et pourquoi, alors que Paris est la capitale des appartements loués en airbnb à des tournages porno, ne voit-on pas au moins une femme penchée sur une table de salon en verre (pour permettre au caméraman filmant la scène des angles impossibles en contre-plongée et en apnée), le pied d'un mec appuyé sur la nuque ? Même sans caméra et sans production, certains types se laissent emporter par la passion et par tout ce porno à profusion sur le web, et alors le cerveau reptilien prend le pas sur toute inhibition et sur toute galanterie, et en pareilles circonstances si l'homme est un loup pour l'homme il en devient surtout un pour la femme.



Qui ne s'est pas amusé à reproduire cette autre anecdote du film où Tautou prend son nain de jardin en photo devant tous les monuments du monde grâce à des montages photoshop afin de bercer d'illusions son père sénile, mais en remplaçant le nain de jardin par son propre gland ? Honte à moi si je suis le seul à avoir envoyé ça à la fille que je convoitais à l'époque, mais j'avais douze ans, lâchez-moi. Un seul critique, Serge Kaganski, a su s'élever contre ce film à sa sortie, et pour de plutôt mauvaises raisons. Pourquoi ne pas avoir tout simplement mis en avant la médiocrité de la mise en scène, la minceur de l'histoire, l'iniquité des personnages, la présence de Dominique Pinon, l'usage des filtres, le sur-jeu des comédiens et ainsi de suite ? Le seul acteur qui s'en tire c'est Rufus, qui joue tout de même sous un pseudo. Ce film, c'était le summum de Jeunet, la concrétisation d'un style, la prolongation d'un court métrage réalisé à six ans, Foutaises (titre assez visionnaire), et contenant déjà tout Jeunet, dans lequel on voyait Dominique Pinon dire "j'aime ci et j'aime pas ça" pendant vingt-cinq minutes. Dans ce petit film prémonitoire, ressorti en bonus sur le dvd d'Amélie Poulain par un Jeunet plus opportuniste que jamais, et qui depuis ne cesse de répéter ses tics et ses tocs en espérant tirer le jackpot une seconde fois, Dominique Pinon se plaint notamment de la goutte d'eau qui remonte de la cuvette quand il la torpille d'un étron trop sec, le séant éclaboussé par sa propre merde. Jeunet faisait alors un gros plan sur le visage vineux de Dominique Pinard assis en tailleur sur les chiottes et grimaçant au moment de recevoir une vague énorme suite à un déchargement terrible en off... tout ça parce que le même Pinon adore aussi ouvrir lentement l'opercule du pot de nutella de 750 grammes spécial Noël en écoutant le chuintement que cela produit, et casser la croûte de la crème brûlée avec le dos de sa petite cuillère, ou encore s'enfoncer directement des flambys entiers dans le gosier. Tu m'étonnes qu'en bouffant les œufs avec la coquille pour le petit croustichoc sensas' que ça promet sur le palais ce mec-là chie des bombonnes de merde à défragmentation, de véritables mortiers de fèces qui lui inondent le dos.



Ce film c'est tout Jeunet. Caro avait alors foutu les voiles, disparu à tout jamais, planqué dans l'annuaire entre mille et une "caro(line)" anonymes. Jeunet a notamment voulu refaire son miracle, son bunker de la dernière rafale, amasser un second pactole avec Micmacs à tire-parigot : Dany Boon dans le rôle principal, et Omar Sy qui essayait déjà de sortir du SAV. Toujours ce sens du casting payant, à condition qu'il paye... Rappelons que sur le tournage d'Amélie Poulain Jeunet a su se brouiller avec Jamel Debbouze, l'ami de tous, l'homme le plus consensuel du PAF. Quand vous demandez des nouvelles de J-P Jeunet à Jamel il vous balance sa seule main valide dans la figure, puis la seconde aussi, mais en prenant de l'élan pour qu'elle tombe sur vous comme une vieille liane. Malheureusement pour Jeunet cet autre film tout vert et jaune bourré à craquer de petites idées rachitiques n'est pas tombé au bon moment, et a logiquement fait un four sans nom. Jean-Pierre Jeunet s'en est donc pris au téléchargement illégal, alors qu'aucun quidam n'a même eu l'idée de mettre son navet en partage. Il s'est adressé aux critiques auxquels il reprochait de ne faire que critiquer au lieu de mettre la main à la patte, bref il nous a sorti tous les fondamentaux de la langue de pute et de la gueule de bois, allant jusqu'à reprocher à la Fox de ne pas avoir correctement remasterisé le bluray de son Alien 4, qui n'est pourtant qu'une parodie de lui-même. Nous faisons partie des nombreux fans de la saga qui ont acheté le coffret de la tétralogie et qui ont utilisé les deux skeuds "bonus" et "film" de l'opus Jeunet pour en faire des répulsifs à corbeaux afin de protéger les cerisiers de nos parents. Ces épouvantails son et lumière sont d'une efficacité redoutable car les ornithorynques ne supportent pas les reflets verts et jaunâtres de ce film pisseux. Pied de nez à Hitchcock, expert en séduction, qui avait su faire un chef-d’œuvre de l'effroi avec des volatiles alors qu'on fout les j'tons à des oiseaux avec une horreur de film. Jean-Pierre Jeunet, sache que toute ta filmographie orne nos cerisiers, et tu en serais sans doute ravi, toi qui adores les anecdotes à la mords-moi-le-noeud, les gadgets à tiroirs, les histoires de petits riens, mais que dis-tu quand les petits riens en question sont tes films bectés par des piafs survoltés, grossis aux OGM par nos parents qui eux aussi deviennent fous à cause de tes films diffusés en imax dans leurs champs ?


Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Jamel Debbouze, Rufus, Yolande Moreau, Armelle, Dominique Pinon, Isabelle Nanty (2001)

16 octobre 2013

Un Long dimanche de fiançailles

"C'est beau le sépia !" s'écrie-t-on devant cette affiche, sur laquelle on peut apprécier la taille de guêpe d'Audrey Tautou. Tout rapproche Un long dimanche de fiançailles, film jaune, d'Avatar, film bleu : Audrey Tautou a un piebot là où Sam Worthington a un corps bot ; Mathilde et Manech semblent séparés par le destin, tout comme Na'ari et Jack Skully le sont par la barrière des espèces ; dans les deux films la guerre éclate, il y a un amant dans chaque camp et un arbre au milieu du champ de bataille. Attardons-nous sur l'arbre du film de Jaunet : c'est sur ce tronc calciné, le dernier d'un no man's land en ruines, théâtre de la désolation des fameuses tranchées de 39-40 (la "guerre froide"), que Manech immortalise son amour pour Mathilde. Il ne trouve rien d'autre à foutre sous la mitraille des boches que d'utiliser son menton contondant pour graver trois lettres dans l'écorce : "MMM". Le nom de ses céréales préférées ? La marque de sa grosse bagnole ? Le nouveau stade flambant neuf du Mans ? Le prochain Parti de Bayrou ? Non, on le saura à la fin du film, ces trois M signifient "Mathilde aime Manech" et/ou "Manech aime Mathilde". Il n'y a que peu de "n" dans "Manech", mais il y en a des tonnes chez le spectateur...


J-P Jeunet, qui a vu Spielberg justifier avec dérision la cicatrice au menton d'Harrison Ford par un revers de coup de fouet dans la gueule de River Phoenix au début d'Indiana Jones 3, a voulu expliquer la fossette béante sur la joue d'Ulliel par une blessure de guerre, sauf que l'acteur a déjà la tronche balafrée au début du film, avant de partir au front... un goof de plus dans la carrière de Jeunet Jean-Pierre.

Retour sur une scène-clé, celle du massage fessier en plan aérien, astucieusement placée en exergue dans la bande-annonce du film par un distributeur zélé, à une époque où la planète ciné n'avait d'yeux que pour Amélie Poulain, la jeune parigote coincée, seule dans son vieil appart vert, occupée à parler aux gargouilles du coin de la rue et à remplir son journal intime avec les histoires d'un vieux con qui n'arrêtait pas de lui répéter : "Breteaudau ! Pas Bredauteau !". C'est Jeunet, coiffé d'une perruque, qui a offert son propre derrière dans le plan ci-dessous, afin de préserver son actrice, acceptant de devenir doublure-cul le temps d'un plan par conséquent pan&scanné. Aussitôt que nous avons aperçu la dark star de Jeunet dans ce plan fatidique, nous eûmes pavillon en berne, et il ne sera dressé à nouveau que lorsque le nouveau Zidane apparaîtra balle au pied lors de l'Euro 2035.


Vous croyez que c'est une table de massage sous Audrey Tautou sauf que c'est la queue de castor du figurant chargé de lui masser l'arrière-train, croyez-le ou non la doublure-fesses est littéralement couchée sur sa verge.

Petit retour sur un gimmick du film que l'on retrouve compilé dans la bande-annonce et qui a ravagé les cerveaux de nombreux cinéphiles. On voit tous encore dans nos têtes Audrey Tautou claudiquant dans les blés et murmurant : "Si j'arrive au croisement avant le facteur, Manech est vivant". Depuis ce film on n'arrête pas de se répéter cette phrase en se lançant des défis du même genre : "Si j'arrive à éplucher cette patate d'une seule épluchure, Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à retenir ma respiration jusqu'au prochain tunnel, Manech est vivant..." ; "Si je réalise la crotte parfaite (qu'est-ce que la crotte parfaite ? c'est la crotte oblongue, d'un seul tenant, qui file si vite qu'on n'a pas besoin de se torcher et qui se meut d'elle-même poliment dans le conduit d'évacuation sans avoir besoin de tirer la chasse), si je réalise la crotte parfaite Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à m'enfourner cette orange dans la gueule d'un seul bloc sans gerber et sans perdre l'amour de ma compagne au petit déjeuner, Manech est vivant !" ; "Si j'arrive à me taper Ocean eleven, Ocean Twelve et Ocean Thirteen en commençant par Sexe, mensonge et vidéo sans me suicider, Manech est vivant !" ; "Si Hougo Lloriss parvient à garder ses cages inviolées durant les 5 premières minutes du premier match de groupe de la coupe du monde 2014, Manech est vivant !" ; "Si Benzema marque un but, c'est que Manech est vivant" ; et "Si j'arrive à finir cet article ici, c'est que Jean-Pierre Jeunet ne m'a pas fait foutre en taule pour avoir critiqué son film". Depuis notre prison on chialera : "Mathilde aime Manech... Manech aime Mathilde...", et on gravera des M&Ms partout en essayant de devenir les nouveaux prophètes de Jacques Audiard.


Un Long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou et Gaspard Ulliel (2004)

14 octobre 2013

Avatar

Avatar si vous matez bien c'est un palindrome, ça se lit dans les deux sens : "avatar", "ratava", c'est pareil. Première phrase de l'article et déjà on frappe fort. Cameron a réussi à faire 14 ou 15 milliards de dollars de recettes (ajusted for inflation) avec des schtroumpfs. Bien qu'assis sur le toit du monde, Cameron a quand même mis 12 ans à imposer ce projet, ce qui laisse songeur. En fait c'est qu'il attendait que de gros ordinateurs parviennent à rendre possible sa vision unique. La première fois qu'il a pensé au film James Cameroun avait cinq ans, et depuis son histoire n'a pas changé d'une ride ! Les effets spéciaux ont évolué entre-temps, pas son cortex cérébral. Peu importe à vrai dire parce que ce film EST une révolution. Tout le monde l'a dit et répété quand il est sorti : "C'est du jamais vu, c'est le renouveau du cinéma". D'un point de vue technique sans doute, mais en ce qui concerne le récit et la mise en scène faudra revoir la copie : on nage dans le classicisme le plus mollasson et le film est officiellement tout ce qu'il y a de moins nouveau au monde. Un cul-de-jatte, Jack Skully, réapprend à courir dans sa tronche et va fumer des mauves avec des kangourous bleus pour donner un sens à sa vie. Dans le rôle de l'homme-tronc, Sam Worthington, qui n'est pourtant que bras et jambes dans la vie et dont le cerveau n'a encore jamais servi. Dans celui du poiscaille humain, Zoé Saldana. Le casting a pas mal bougé entre la naissance de l'idée et sa réalisation. Quand Cameron s'est attelé sérieusement au projet, après le triomphe de Titanic, il songeait à un gros acteur noir typique des années 80 pour incarner l'héroïne Na'av'i, il pensait plus précisément à Pam Grier ou Giant Coucou. Il pensait aussi, pour le rôle du trépané tétraplégique, à un acteur comme Don Cheadle, qui a été au top du box office américain pendant deux semaines après son rôle de Boromir dans Le Seigneur des anneaux 2 : Les deux tours.


Don Cheadle apprenant par téléphone qu'il n'est pas retenu pour le rôle de Naa'ri.

Ce film prouve s'il était besoin que James Cameron est un grand écolo devant l'éternel. Après s'être lamenté de la pollution des eaux du Pacifique par le naufrage du Titanic (le film aux 11 statuettes nous a également mis en alerte sur les dangers de la fonte des glaces avec cet iceberg géant perdu au milieu de l'océan en plein mois d'août sous un cagnard gros comme ça), Cameron a voulu réaliser un film entier à la gloire des indiens de l'espace, un peuple primitif à sauvegarder pour mieux rire de lui et de ses fougères plantées sur le crane. Yannick Noah passe incognito dans le film, pieds nus, sans maquillage, les dreads en vrac, il fume ses propres pets au fond d'un plan de coupe. Le film est un hymne à Gaïa, à la nature mère nourricière. Cameron est allé chez son pote Peter Jackson, dans les studios Weta en Nouvelle Zélande, pour qu'il lui dessine des pissenlits volants, des tas de trucs incroyables, inimaginables puisqu'issus d'une planète étrangère, comme, par exemple, des aigles affrontant des tractopelles. On a encore envie de chialer en repensant aux noms des Naa'vi, le truc le plus "original" (bien que pompé sur les sonorités sioux et comanches) dans ce film supposé nous présenter un monde complètement autre et finalement peuplé de chevaux, d'oiseaux, de plantes et de clebs sauvages. L'héroïne Naa'vi se prénomme Naa'ri, et son frère, qui meurt heureusement dans la bataille finale : Tsu-té. Tsu-té ! Jack Skully gueule "à tes souhaits" dès qu'il est évoqué dans une conversation...


Les habitants de Pandora sont une allégorie des Indiens d'Amérique avec un zeste de coutumes africaines, or ils sont mi-hommes mi-animaux, méditez là-dessus. Cameron dénonce les crimes de son peuple et rêve de sauver cette tribu sauvage comme on rêve de sauver les phoques ou les baleines blanches. Il reste du chemin à faire dans la mentalité ricaine...

Un point sur le scénar, même si on l'a déjà rapidement évoqué. L'histoire se situe en l'an 2000 et suit donc un tétra, soldat de seconde classe en fauteuil roulant, qui profite de la mort de son frère jumeau, chercheur militaire, pour s'expatrier sur une planète lointaine nommée Pandora. Là-bas les humains, qui ont donc, rappelons-le, maîtrisé la vitesse de la lumière, sont néanmoins toujours dépendants de vulgaires caillasses pour alimenter les piles de leurs vaisseaux, mais il y a un couac : ces pierres sont situées sous un grand arbre qui abrite une population d'indigènes bleus amoureux de la nature, amateurs de sport équestre et de tir à l'arc, des bons sauvages animés par la sympathie et la bienveillance. Les humains, menés dans leur expédition par Giovanni Ribisi, le frère de Phoebe dans Friends, tentent de les éjecter de deux façons. La méthode douce, défendue par Sigourney Weaver, consister à les infiltrer en prenant leur apparence, en se faisant donc passer pour des avortons, histoire de leur demander avec hypocrisie de tracer la route. La méthode rustre, prônée par le colonel Ribéry, la gueule déjà fendue en deux par le Turak, consiste quant à elle à les mitrailler au napalm pour avoir les coudées larges. Sam Worthington (accompagné de Michelle Rodriguez, on ne le dit jamais assez), navigue entre ces deux méthodes et finira bien entendu par se rallier à la cause des gentils crétins amateurs de champignons et de peintures rupestres. Et Cameron avec eux, évidemment, qui se veut un humaniste pacifiste, même s'il semble prendre autant son pied à filmer les connexions psychiques des Na'avi avec les animaux et les arbres de Pandora à l'aide de leurs queues qu'à filmer les énormes tanks des soldats bousillant le petit monde de Narnia.


Cameron vante les mérites d'une communion pacifique avec la nature, il loue l'écologie et dénonce la politique colonialiste militariste des États-Unis, mais on voit bien dans ce film comme dans tous ceux qu'il a réalisés que sous cette piètre couverture bienpensante ce qui le botte au fond c'est les gros canons, les treillis camouflage et l'odeur du napalm au p'tit déj entre deux bols de Quaker Oats.

Nouveau couac : Sam Worthington tombe amoureux de Zoé Saldana, aka Naas'Ri, la Naa'Vi que tout le monde sur Pandora tirerait volontiers et qui court de branche en branche avec la grâce d'un marsupial. Dans une métaphore de la dépendance aux jeux vidéo-ludiques (le phénomène "Otaku" au Japon, phénomène "Poulpard" ici en France, notre acolyte étant collé depuis deux ans à GTA 4 et depuis trois semaines à GTA5, dont il tente d'exploiter chaque coin de rue pour faire exploser à l'écran toute la hargne qu'il contient si bien les rares fois où il met un pied dans la rue), Sam Worthington est accro à son avorton agile et alerte et ne veut plus le quitter pour retourner habiter son corps de légumineux, et pour cause puisque son avatar lui permet en prime de tirer un coup. Il commet l'impensable avec Naacer'I, en connectant son chibre à celui de sa nouvelle égérie dans un acte de zoophilie que seul le talent de James Cameron parvient à nous faire avaler. Le vrai souci de Worthington c'est que la méthode de Sigourney Weaver, qui lui permettrait de continuer à s'envoyer en l'air peinard avec sa chtroumpfette, sera effective dans grosso modo 300 ans d'infiltration et de négociation au coin du feu. La scientifique elle-même piaffe d'impatience. Alors que la méthode dure peut se régler en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, à coup d'ogives nucléaires chirurgicalement placées sur l'arbre magique des aborigènes. C'est tout le dilemme du personnage et on s'en bat franchement les glaouis.


Le film est peut-être aussi une allégorie de l'équipe de France de football vu que les bleus sont bêtes comme leurs pieds et condamnés à se faire dégommer au premier tour.

Flashback : décembre 2009, comme tout le monde on va au ciné voir cette merde annoncée en 3D. On en ressort ni déçus ni heureux. On en a pris plein les mirettes mais on n'a rien compris. On vient de nous ressortir le scénario de Danse avec les loups et on était censés ne pas s'en rendre compte ? La seule différence ? Le méchant s'appelle ici Turak. Si le film a battu tous les records, on détient quant à nous un record perso, nos paires de lunettes 3D ont fait tout le tour de la ville pour être rentabilisées, utilisées par une chiassée d'enflures qui crevaient d'envie de voir le film suite à un bouche à oreille d'enfer mais que les 2 euros de supplément bloquaient à l'entrée du ciné. Nos voisins de séance peuvent en prime se targuer d'avoir vu le film en 4D, la dimension olfactive en plus et pour gratos, qu'ils ont attribuée à la sueur en relief de Turak mais qui provenait en réalité de nos flatulences, conséquence d'une plâtrée de bolo' balls de chez panzani, une vraie tuerie. Si on ajoute à ça qu'on a chacun retiré nos puma liga vieilles de deux ans - trois heures de film obligent par une journée d'été caniculaire passée without socks in the shoes - la quatrième dimension était totale. Quand on va au cinoche pour plus deux heures on emporte toujours avec nous notre glacière pleine de bières mais on nous l'a confisquée à la caisse ! Malgré cette grosse contrariété Avatar est passé comme une lettre à la poste, ce n'est qu'après coup, dès le tour de manège terminé, qu'on se dit que ce n'était quand même qu'un long et faible western écologique simpliste à la noix. On l'a revu une fois depuis et, nous pouvons le dire, le film est encore pire décortiqué en plan aérien scène par scène par Antoine Kombouaré. On a eu la chance d'assister à une master class de Kombouar' sur Avatar au forum des images et ça a duré une semaine, pire que ses analyses d'après match dans 100% toof. Maintenant jouons-la franc-jeu, le film, on l'a en blu-ray disc, on l'a revu après Prometheus histoire de se nettoyer, on foncera voir Avorton 2, Avorton 0, et tous les autres, au moins pour comprendre pourquoi les Naa'vi n'ont que quatre membres alors que tous les autres animaux de Pandora en ont six, pourquoi est-ce qu'ils respirent par le nez alors que toutes les autres formes vivantes de leur planète respirent par le cou, pourquoi est-ce que les N'aavi sont bleus alors que les autres créatures de leur bout de caillou sont uniformément violettes... Comme dirait Audrey Tautou dans Un Long dimanche de fiançailles (retitré "Mathilde et Manec, Manec et Mathilde" au Québec) : "J'veux compendre ! J'VEUX COMPENDRE !".


Avatar de James Cameron avec Sam Worthington, Sigourney Weaver, Zoé Saldana et toute la fine équipe des Schtroumpfs (2009)

12 octobre 2013

C'est la fin

Attention, Seth Rogen passe derrière la caméra ! Il est épaulé par son fidèle acolyte, Evan Goldberg, avec lequel il a déjà co-écrit le scénario de The Green Hornet. Autant dire que les deux hommes devraient se trouver en cabane pour ce grave délit commis en réunion, déjà sanctionné par des critiques assassines et des scores désastreux au box office. Mais il n'en est rien, ils sévissent encore ! Evan Goldberg est ce que l'on peut appeler un homme de l'ombre de la clique Apatow, il s'est confortablement installé dans la bande en signant le script de Superbad. Avec This is the End, Evan Goldberg et Seth Rogen débarquent avec la ferme intention de réaliser un film culte. Cette intention est tellement évidente qu'elle annihile rapidement l'air de ne pas y toucher, insouciant et un peu foufou, que le duo essaie de se donner. Pour faire bref, leur film se veut tellement cool que ça en devient très vite fatigant.


Il y a quelques années, ces acteurs nous paraissaient pourtant bien sympathiques. A part Seth Röntgen avec son physique et sa subtilité de sanglier trépané traqué par une meute de chiens de chasse audois. Faut pas se moquer du physique mais parfois certaines personnes dépassent à pieds-joints la frontière de l'animalité.

Seth Rogen accueille donc son vieux pote Jay Baruchel à Los Angeles. Tous deux se rendent à la pendaison de crémaillère de James Franco, où d'autres acteurs et quelques starlettes en vogue les attendent. Mais cette giga teuf est soudainement interrompue par l'Apocalypse qui élimine la plupart d'entre eux et condamne le petite groupe restant à vivre en autarcie, dans la baraque de James Franco, avec une réserve de vivres très limitée. Le long métrage de Rogen et Goldberg se présente donc comme une sorte de parodie des films de fin du monde, il met en scène une ribambelle d'acteurs dans leurs propres rôles, ou plutôt dans une version fictive d'eux-mêmes, amenés à devoir cohabiter. Avec ce point de départ qui se veut "énorme" et original, tout comme il permet de réunir un "casting de dingue" (je reprends les termes du dossier de presse), les auteurs veulent déjà s'attirer la sympathie de leur audience. Il faut rester cool, avant tout. Les effets spéciaux sont carrément hideux pendant ladite Apocalypse ? Pas grave, c'est trop cool aussi !


Derrière Michael Cera, qui pose le cul en bombe avec l'intention de subir un assaut anal, on peut distinguer Tony Parker et Vincent Lagaf', plutôt intéressés par le postérieur de la créature blonde au centre de l'image (qui n'est autre que Katy Perry). Anecdotique, au fond à droite Frédéric Beigbeder discute avec Adèle Exarchopoulos, histoire de rameuter un public soi-disant "plus exigeant"...

Si tout cela était drôle, ça ne me poserait aucun problème, ou en tout cas beaucoup moins. Hélas, ce film condense tout ce qu'il y a de pire dans l'humour Apatow, avec son déluge de références indigestes qui sont autant de coups de coude dans les côtes du spectateur, et sa galerie de personnages trépanés dont on est supposé trouver trop mignon le côté encore enfant. Devant tout ça, on a simplement la triste impression de contempler un petit groupe rigoler en vase clos, une petite bande de potes s'amuser entre eux et se regarder le nombril. On imagine que le tournage a été, pour tout le monde, une sacrée partie de plaisir, des vraies vacances, pleines de rigolades et de moments de déconne. On se dit qu'ils ont dû bien s'amuser. Entre eux, toujours, bien que tout cela transparaisse fort peu à l'écran. On a en effet affaire à une farce qui n'amuse pas grand monde en dehors de ses propres auteurs, un peu de la même façon que I'm still here, la pochade ridicule de Casey Affleck et Joaquin Phoenix, mais en pire, car cela concerne cette fois-ci beaucoup plus de monde, et tous ont l'air de trouver ça génial. Malgré la soi-disant amitié qu'elle essaye de nous vendre, la bande d'acteurs ne dégage aucune alchimie particulière. Aucun "personnage" ne fait la différence. Seul Danny McBride se fait parfois remarquer, et encore... Tous sont abaissés au niveau de médiocrité de Seth Rogen, que son physique ingrat et sa voix insupportable auraient dû condamner à des rôles de second plan dans des films minables. Cet homme aurait dû se contenter de humer le fabuleux pet de John C. Reilly dans Step Brothers...


C'est après les désistements successifs de Daniel Radcliffe, Mila Kunis et Nabilla que Seth Rogen s'est tourné vers Emma Watson, la hit girl prognathe du tout Hollywood, pour ce rôle en or de 2 minutes. Vous retrouvez tous ces gens dans le dernier clip d'Arcade Fire !

Ce film idiot m'a notamment été insupportable parce que Seth Rogen et sa bande jouent sur l'attente du public, voire l'étrange besoin pour certains, de les voir dans leurs propres "rôles", c'est-à-dire, en réalité, celui que chacun veut bien se donner. Le film est un vaste programme de séduction, mené avec une connivence détestable par ses auteurs et acteurs, où chacun vise, de force, à rendre définitivement familière l'image qui est construite de lui-même et qui, bien entendu, correspond exactement à celle fantasmée par le public, à savoir celle d'une bande de potes, méga cools, un peu fêlés et complètement perchés, mais avant tout méga cools et cultivant les mêmes références que ledit public, dans un dédale de clins d’œil abominables. Avec ses guest stars en pagaille qui ont l'air de faire des pieds et des mains pour quelques secondes devant l'objectif, This is the End laisse une impression désagréable. On sent qu'il s'agit avant tout d'une triste entreprise nauséabonde où chacun a d'abord visé à peaufiner son image, dans un esprit "donnant-donnant" assez pénible. Rihanna, tout comme Michael Cera, Emma Watson, Channing Tatum ou les Backstreet Boys, doivent en ressortir encore plus cool qu'il n'y sont entrés. C'est la fin des haricots !


C'est la fin d'Evan Goldberg et Seth Rogen avec Seth Rogen, Jay Baruchel, James Franco, Danny McBride, Jonah Hill et Craig Robinson (2013)

9 octobre 2013

Conjuring : les dossiers Warren

Véritable phénomène au box office mondial cette année, The Conjuring est l’œuvre d'un cinéaste qui semble avoir compris ce que recherchent aujourd'hui les spectateurs de films d'horreur. Je ne me lance pas dans de grandes déductions, je m'appuie seulement sur le buzz provoqué à sa sortie et les chiffres, qui font de The Conjuring le plus grand succès du cinéma d'horreur depuis des lustres, derrière L'Exorciste et Le Projet Blair Witch. James Wan avait déjà su engranger les dollars et conquérir les foules avec Insidious, son précédent film, où les fantômes, les démons et les maisons hantées servaient aussi de décorum. Insidious s'insérait dans la même logique, le même schéma, souvent résumé, chez les critiques francophones, par l'expression bien pratique et assez juste de "train fantôme". La surenchère tape-à-l’œil, l'accumulation frénétique d’effets-chocs et l'empilement jusqu’au-boutiste de poncifs usés jusqu'à la corde sont en effet le fond de commerce de James Wan, qui ne vise rien d'autre que le sursaut immédiat.


Quand je vous dis qu'il faut se méfier des cinéastes qui font trop gaffe à leurs looks... Visez un peu la chevelure de James Wan, je veux la même !

N'étant pas spécialement amateur de ce cinéma d'horreur-là, c'est naturellement avec une certaine crainte que j'ai lancé The Conjuring. Force est pourtant de reconnaître que la première heure du film fonctionne plutôt bien. Passée une scène d'introduction inutile qui, à la manière du sous-titre français ("les dossiers Warren"), laisse envisager un film d'horreur à sketchs - format qui serait d'ailleurs peut-être plus approprié au savoir-faire et au style de James Wan - on suit les déboires d'une famille nombreuse venue s'installer dans une ferme isolée qui s’avèrera méchamment hantée. Durant, disons, les trois premiers quarts d’heure, nous quittons rarement la demeure et strictement tous les incontournables du film de maison hantée se succèdent à un rythme trépidant. C'est une énumération sans faille. Tout y passe.


Manque le clebs. Pour vous donner une idée, il a le regard du père et la tignasse de la mère.

C’est d’abord le iench de la famille qui ne veut pas rentrer dans la maison, s’agrippant de toutes ses forces sur le perron et aboyant à en perdre haleine, comme s’il sentait une présence néfaste. C’est d’ailleurs le seul point noir d’un déménageot qui se passe sans souci. Une fois la famille emménagée, par contre, les choses se gâtent rapidement. Des portes qui claquent, le parquet qui grince, des horloges qui s'arrêtent toujours à une heure fixe, des cadres qui tombent des murs avec fracas, on découvre un sous-sol caché (il suffisait de faire le tour de la maison pour découvrir les énormes soupiraux et suspecter sa présence, mais il faut croire que les nouveaux proprios n’ont jamais eu cette curiosité…), des gros bleus apparaissent pendant la nuit sur le corps de la maman (Lili Taylor, qui n’a pas besoin de ça), on croise des reflets étranges dans les miroirs et on trouve de drôles d'objets près de cet arbre mort à la forme ultra menaçante planté non loin. Bref, je pourrai continuer longtemps, mais je ne souffre pas de la même maladie que James Wan. C'est bien simple, ce dernier n'oublie strictement aucun des effets attendus dans un tel contexte. Tout y passe, je vous dis !


"On vient de gagner 150m² de surface habitable, chérie ! On a une putain de cave ! Les enfants, dites adieu à vos lits superposés."

James Wan paraît tout à fait conscient que son audience a certainement déjà vu tout ça ailleurs, il fait parfois même des clins d’œil innocents et pas méchants, mais il vise l'originalité par cette accumulation acharnée et ce rythme rapide, sec, sans temps mort. Si vous aimez les films d'horreur psychologiques, qui prennent le temps de construire une ambiance étouffante et apportent un soin particulier à leurs personnages, alors The Conjuring n'est clairement pas fait pour vous. C'est au bout de 45 minutes de film que je me suis rendu compte que la famille en proie aux phénomènes paranormaux comptait cinq enfants. Cinq filles qui sont de simples pantins que James Wan aime placer ici ou là selon la situation et l'effet recherché. J'étais pourtant prêt à faire mon mea culpa car si tout cela n’a rien d’original et encore moins de génial, ça se suit sans déplaisir. Le "train-fantôme" fonctionne à plein tube. Les résultats faramineux au box office me sont expliqués par cette première partie.


Il faut garder à l'esprit qu'il n'existait pas encore de lampe de poche dans les années 70.

Et puis vers l'heure de film, quand les Warren, c’est-à-dire les véritables chasseurs de fantômes incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga, débarquent dans la maisonnée pour commencer leur enquête, tout se délite et part en vrille. Le film bascule définitivement dans un grand n’importe quoi terriblement agaçant. Ce triste basculement s’opère à cet instant crucial où, en général, un film de maison hantée classique doit trouver une explication, en levant progressivement le voile sur les évènements terribles survenus dans ladite maison, jusqu’à leur résolution dans le présent. Mais ça, ça n’est pas du tout ce qui intéresse James Wan. En un clin d’œil, Lorraine Warren regroupe coupures de journaux et vieilles photos pour expliquer toute l’histoire à son compagnon, apparemment habitué, et à nous autres, sur le cul ! Une sorcière sataniste vachement rancunière est dans le coup ; comme quoi, nous avons bien fait de les noyer. Le scénario est totalement manichéen. Une fois débarrassé de cela, James Wan peut alors continuer son train-train habituel, dans un déluge de scènes de trouille qui iront crescendo jusqu’à la fin, et réussiront à atteindre des sommets de ridicule. Il s’engage sur les terres savonneuses du film de possession démoniaque, en embrassant encore une fois tous ses clichés, et cela commence à faire beaucoup. Une force invisible traîne l’une des filles par les cheveux. Patrick Wilson improvise un exorcisme pathétique en lisant du latin avec toutes les difficultés du monde et un accent dégueulasse. Lily Taylor campe une bien vilaine possédée. Un duo de techniciens (avatars du cinéaste lui-même et de son scénariste habituel, Leigh Whannell), engagés pour filmer les Warren, viennent ajouter leurs cris au brouhaha général. La suggestion qui dominait la première partie du film est définitivement abandonnée au profit du grand guignol. On pourrait en rire, on est surtout très gênés.


Drôle d'époque où les abat-jours faisaient par contre office de jupe longue... Notez la tronche de cake de Patrick Wilson en plein cours magistral, faisant tout pour être pris au sérieux dans son costume de magicien.

Le film perd alors toute sorte d’impact et devient d’une superficialité assommante, à l'image de cette reconstitution maniaque des années 70. En plus de voler la photographie des films d'horreur de cette période, James Wan surmaquille, surdéguise et suréquipe ses acteurs. Déjà fort peu charismatique au naturel, Patrick Wilson est ainsi condamné à porter des rouflaquettes ridicules et à conduire un Volkswagen Type 2 flambant neuf (vous savez, ce fameux van tant apprécié des hipsters). Tous les habits des comédiens ont l'air de fraîchement sortir de la friperie Groucho (une super adresse à Toulouse que je vous recommande chaudement, soit dit en passant !) ou d'avoir été spécialement conçus pour l'occasion. Aucun n'a l'air à l'aise à l'intérieur, à commencer par le père de famille et sa collection de chemises à carreaux trop cintrées. Sans parler des traces de pli dues à l'acharnement des techniciens au fer à repasser... Tous les décors visent aussi à faire immédiatement penser aux années 70, des tapisseries de mauvais goût en passant par la grosse télé à l'écran bombé placée bien en évidence. La musique vient évidement renforcer cet effet, bien qu'elle aurait pu être encore plus présente. Cette reconstitution est en fin de compte aussi superficielle et fabriquée que la peur suscitée par ces jumps scares incessants que James Wan met en scène. Elle contribue à nous éloigner du film, à nous placer en tant qu'observateur de la mécanique mise en place et à constater le soin apporté dans l'attraction créée par le réalisateur. L'étiquette "inspirée d'une histoire vraie", pourtant lourdement rappelée au début du film et lors du générique final, où de véritables photos des personnes impliquées dans ce fait divers apparaissent à l'écran avec le nom des acteurs les incarnant à côté, n'a ainsi aucune espèce d'incidence. Tout sonne si faux et calculé...


Vera Farmiga a de beaux yeux et prend un plaisir évident à les rouler dans tous les sens.

The Conjuring est également doté d’une propagande religieuse franchement embarrassante, qui pourrait passer sans vrai souci si elle n’était pas aussi grossièrement amenée. Quand le père de famille avoue, un peu honteux, qu'ils ne sont pas croyants et qu'aucune de ses filles n'est baptisée, Patrick Wilson lui répond du tac-o-tac "Revoyez votre copie", lui expliquant ensuite en une paire de phrases lapidaires que quelques crucifix, un peu d'eau bénite et une foi chrétienne retrouvée pourraient bien les sauver. C’est un aspect très secondaire dans l’ensemble, mais il mérite tout de même d’être pointé du doigt car il est représentatif de l'extrême manque de finesse de James Wan. Il faut aussi dire que son film n'est pas non plus aidé par des dialogues lamentables, parfois assez gênants. Comment peut-on avoir peur d'un esprit démoniaque quand celui-ci est comparé, de la bouche du démonologue en personne, à un vieux chewing-gum qui serait bien décidé à rester collé à la semelle de votre godasse ? On a connu plus flippant, on a connu des monologues un peu plus inspirés. Mais il faut croire que James Wan ignore totalement que l'on peut aussi faire peur par le seul langage, par les mots, quand ceux-ci sont correctement écrits et prononcés par des acteurs doués. Je ne lance toutefois pas la pierre à Patrick Wilson, qui fait ici beaucoup d’efforts, ça se voit.


C'est Papy Wilson qui a dû tirer la tronche en découvrant où était passé son fameux gilet jacquard.

James Wan multiplie les effets de manche, les angles impossibles, les mouvements de caméra étonnants et les plans-séquences. C'est souvent osé et l'effet recherché est parfois atteint, cela correspond tout à fait à ce cinéma d'horreur qui s’échine à en mettre plein la vue et à ne laisser aucun répit à son audience, mais ça n'est pas fait avec une réelle vision de cinéaste. Cela vise seulement l'effet immédiat, il n'y a rien que l'on puisse retenir, il n'y a aucune image à laquelle on repensera en fermant les yeux avant de se coucher, ou dans le noir lors d'une de ces escapades nocturnes, animé par une fringale tardive, avec le frigo comme objectif. Ces films-là ne laissent pas de trace. Ils font peut-être peur sur le moment, mais ne laissent aucune marque dans l'imagination ni ne l’émoustillent. Pour cela, il faut être plus talentueux, plus patient, plus ambitieux, et viser un peu plus haut que le porte-monnaie du public.


Le grand Max Von Sydow peut pioncer tranquille, la relève ne lui arrive pas à la cheville.

S'il y mettait plus d'humour, plus de relâchement et plus de folie, James Wan pourrait un jour réaliser un film d'horreur véritablement sympathique. Il lui faudrait pour cela trouver cet équilibre qui lui manque cruellement, ou choisir son camp une bonne fois pour toutes. Il pourrait se placer aux côtés d'un Peter Jackson ou d'un Sam Raimi, produire l'équivalent d'un Braindead ou d'un Evil Dead. Il ne grimperait pas spécialement dans mon estime, car il persisterait dans un registre que je n’affectionne pas beaucoup, mais il trouverait au moins à mes yeux une certaine cohérence. Pour l'instant, je le perçois surtout comme un imposteur, opportuniste et malin, sans réel intérêt, bien plus proche du forain que du cinéaste. C'est tout de même dommage car, aujourd'hui, aucun autre réalisateur spécialisé dans le genre ne jouit d'un tel statut et ne peut bénéficier d'une telle marge de manœuvre. Alors il y a un léger mieux, il faut l'avouer. Mais quand on part de zéro, c'est toujours plus facile et, avec The Conjuring, James Wan finit tout de même par retomber complètement dans ses insupportables travers et semble même vouloir faire sien ce style si lucratif. En fait, il s'installe progressivement comme le réalisateur préféré de ceux qui n'aiment pas le cinéma d'horreur.


Conjuring : les dossiers Warren de James Wan avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lili Taylor et Ron Livingston (2013)