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17 septembre 2015

Last Days of Summer

A la sortie de Young Adult, nous faisions un petit point autobiographique pour avouer que notre plus grand regret dans la vie est sans doute d'être au rendez-vous à chaque sortie d'un nouveau film signé Jason Reitman. Après avoir vu Labor Day puis Men, Women & Children à quelques jours d'intervalle, on se dit que la malédiction est tenace, que nous sommes condamnés, tels des Prométhée modernes, à vivre une vie jalonnée par l’œuvre de Jason Reitman. On se pose alors la question du libre arbitre. A quel point sommes-nous maîtres de notre propre destin ? Et surtout, tout bêtement, comment choisissons-nous les films qu'on regarde ?... Car pour rappel Jason Reitman est... comment le traiter d'enfant de salaud poliment, et alors que son père Evan Reitman (auteur de Jumeaux, avec De Vito et Schwarzy, mais aussi de SOS Fantômes 1 et 2) nous a quelques fois fait marrer ?




Jason Reitman nous l'a faite à l'envers une fois encore. Suite à l'échec commercial inattendu de Labor Day, l'homme est allé présenter ses excuses publiques auprès d'un parterre de commerçants ambulants sur le marché de St Aubin. Et pourtant ce mélo minable pour mamans, inoffensif et scolaire, est son meilleur film, d'assez loin. On vous conseille aussi de le mater d'assez loin, avec un petit bouquin à portée de main, la sono à fond, une immense baie vitrée face à vous, offrant le spectacle d'un grand paysage dans lequel se perdre, et le vieux chocolat chaud à l'ancienne, épais comme du cambouis, disposé sur la tablette non loin, qu'on peut attraper juste en tendant le bras, ainsi que les galettes bretonnes au beurre demi-sel qui fondent dans le lait sans se désagréger ni éponger toute la tasse en un seul voyage. Dans ces conditions-là, on peut sans doute passer un super moment devant Labor Day, ou d'ailleurs devant n'importe quel navet. C'est plutôt les traducteurs français qui auraient dû s'excuser, car le titre original, "Fête du travail", autrement dit "1er mai", est légèrement trahi par le titre "français" : Last Days of Summer, aka "Derniers jours d'août". 




L'affiche, qui entretient un amalgame pernicieux avec les Noces Rebelles de Sam Mendes, met en avant Kate Winslet, les mains plongées dans la farine, et, collé à son dos, Josh Brownie, préparant sans doute un sacré brolin. C'est un clin d’œil à la scène clé du film, largement commentée sur les réseaux sociaux, où Kate Winslet et le taulard qui lui redonne goût à la vie concrétisent la nouvelle famille qu'ils forment avec le larbin de Winslet, âgé de 14 ans, en se lançant dans une production industrielle de brownies. C'est un travail à la chaîne que nous dépeint Reitman, suivant les grands préceptes de John Ford et son fameux "fordisme", chacun a sa tâche, chacun se spécialise dans un artisanat, dans un savoir-faire, un geste. A sauver dans tout ça, une assez jolie scène où les personnages vont faire les courses en famille. Seul bémol, Josh Brolin n'est pas tout à fait tranquille, de par son passif d'ancien taulard : il a sa liste, il s'y tient, mais il zone dans les rayons sa casquette vissée sur le crâne pour passer incognito sous les caméras de surveillance, et il semble très très anxieux. Sans ce détail, cette scène serait vraiment une belle scène de courses.




C'est le genre de scène qu'on regarde avec bonheur si on n'a pas fait les courses depuis un bail. La scène qu'on mate en faisant soi-même sa liste, et pour une fois on notera de changer l'ampoule grillée de l'entrée de notre T1, morte depuis un bail, et qui a fait dire à nos parents, lors de leur première visite de l'appart, le jour de l'état des lieux : "C'est cool, t'as donc une cave, t'es dans les bonnes conditions pour réussir ton année à l'université, pour tout péter à la fac, t'as un bon lieu de travail, ici". Mais aussi les sacs congélation ! Ces foutus sacs congélation qu'on oublie à chaque fois, et qui seraient bien utiles pour se débarrasser des plats qu'on a laissé pourrir sur notre comptoir américain, ainsi que du chat du voisin. On pense même à rajouter un ultime tiret sur la liste pour la petite touche légumineuse : le petit corbac (c'est comme ça qu'on appelle les cornichons) qui te sauve une tartine de pâté un peu fade et qui permet de respecter la règle des cinq ou six fruits et légumes par jour, vu que tu te fais cinq ou six corbacs par jour. Les petits aigre-doux de chez Amora, ils sont bons... Ils rappellent le goût du Big Mac, la grosse tranche de lard du Big Mac. Mieux, si y'a des Malossol au Liddl, ça te fait un repas complet. Quand on a appris que le corbac était une petite courgette, gros big up pour la courgette dans notre cœur (on savait pas que ça pouvait être si bon ! Pourquoi diable les faire vieillir ?). Bref, Jason Reitman a au moins le mérite de nous remplir le frigo.




A la fin du film le spectateur n'est pas malheureux que les amants se retrouvent. On se dit : "tant mieux pour eux", et c'est bien le signe que tout cela fonctionne à peu près. On aurait aimé consacrer le dernier paraphet à établir une relation de causalité entre ce film et deux autres longs métrages contemporains, issus du même pays (beaucoup de points communs donc), à savoir Joe et Mud. Mais en dehors du gamin obnubilé par une vieux taulard, très peu de rapports... Ça se passe l'été le plus souvent... On trouve un pistolet au moins dans chaque film, mais ça marche pour tous les autres films ricains... On va peut-être changer de paragraphe du coup. C'est une piste, vous nous voyez contents de l'ouvrir (nous sommes pionniers sur cette approche analytique du film), on est les premiers à nommer cette mouvance (peut-on parler de mouvance ?), à pointer du doigt ce phénomène, on sera ravis si on finit en note de bas de page à la fin DU mémoire de master 1 qui sera consacré à ce sujet en 2168, quand l'étudiant de base inscrit en fac de socio car refusé en fac de ciné suite à la mise en place d'un numerus closus impliqué par la réduction des budgets de l'université aura eu le recul suffisant pour se rendre compte de ce lien qu'on pointait déjà un siècle avant lui, presque deux siècles...




Le mea culpa de Jason Reitman, qui avait signé un film propre sur lui, mauvais mais appliqué, tel un cancre qui sue sur sa rédac de fin d'année pour dérocher enfin une note non-négative, ce mea culpa est d'autant plus triste et incompréhensible qu'il range automatiquement Jason Reitman dans la catégorie des fumiers pur jus. Défendre son film contre vents et marées ? Assumer un peu ce qu'on vient de chier ? Non... Pas quand on n'a pas de roustons... Autant directement chialer et lécher le sol devant quelques maraîchers qui n'ont rien demandé. Reitman ne doit pas être au courant que, dans l'histoire du ciné, une poignée de films sympas n'ont pas reçu l'accueil escompté et mérité. Exemple : Titanic, que l'on est à peine en train de remettre à sa place d'assez bon film. Idem pour Autant en emporte le vent qui, malgré un petit coup de pouce de l'Académie des Oscars, n'a pas marché, et qui finalement a eu droit à sa petite édition collector, puis à son bluray... Certains malins ont flairé un public potentiel pour ce truc, surfant sur la vague Obama pour sortir le film de l'oubli.




Après cet échec très mal vécu par Jason Reitman, qui affirme avoir passé une après-midi entière dans sa chambre, coupé du monde, la porte fermée à clé de l'extérieur, avec l'intégrale de Leonard Cohen en boucle sur son Itunes, le cinéaste avait à cœur d'enchaîner très très vite avec un sujet qui l'obsédait, à savoir le médium qui nous permet de suivre sa carrière de si près : internet. 


Last Days of Summer (Labor Day) de Jason Reitman avec Josh Brolin et Kate Winslet (2014) 

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