Vous ne savez pas pour qui voter en 2012 ? Matez ce film et vous aurez envie de voter à droite. Ne le matez pas du coup. Je suis trotskiste-marxiste-léniniste-maoiste de cœur mais y’a de quoi prendre les gauchos comme Klapisch en grippe avec une telle somme de poncifs populistes et démagogiques déballés le plus mochement du monde dans un scénario qui a tout de la prise d'otages. Le film raconte l’histoire de France (Karin Viard), une mère de famille qui élève seule ses enfants et qui travaille comme ouvrière dans une entreprise du nord de la France. Dès le début de l’histoire elle est licenciée suite à la délocalisation de l’usine dans laquelle elle travaillait et se reconvertit en femme de ménage chez des particuliers. C’est comme ça qu’elle rencontre un trader plein aux as (Gilles Lellouche) qui vit seul dans un appartement de 18 000 mètres carrés en plein Paname et qui n’a de considération que pour son emploi à la Bourse de Paris, où il empoche des millions tous les jours et en trois clics. Petit-à-petit une relation se noue entre eux, notamment quand le trader demande à France, qui a une fibre maternelle très prononcée, de s’occuper de son fils de six ans (issu d’une relation d’un soir avec une femme que le père ne fréquente absolument pas), gamin dont il n’a strictement rien à foutre et à qui il refuse même d’adresser la parole.
De simple femme de ménage l’héroïne devient donc nounou à temps plein et son salaire passe du simple au triple, car le trader a la main lourde et la bourse pleine. S’engraissant donc de plus en plus et à vitesse grand V, France délaisse peu à peu sa nombreuse famille, ses mille enfants aux cheveux gras, et reste à Paris chez son généreux (elle est très naïve, et les personnages abrutis ça gonfle...) employeur pour s’occuper nuit et jour de son enfant. Ce faisant elle tâche de rapprocher le père de son fils, aide le trader dans ses affaires, lui sert de confidente et de loin en loin couche avec. Mais au petit matin elle entend son nouvel amant raconter leurs exploits sexuels à un collègue au téléphone en ces termes : « Tu sais ma bonniche ? Ben ça y est je l’ai niquée. J’en avais trop envie sur ma vie. Je l’ai quén ça y est ! Sur la tête de moi ça c’est fait. Et c’était bien en plus, bizarrement, c'était pas mal... zarbement. Elle est bonne, gros nibards et tout et tout. Je l’ai bouillavée. Mais garde ça pour toi, quén une femme de ménage c pas un projet, pas trendy. Si tu me pouccaves je te marrave ! » (sic.). Vexée, France emmène quand même le fils du trader en promenade dans un parc, conscience professionnelle oblige, puis en pleine conversation téléphonique avec celui qui vient de la « bouillave » elle perd l’enfant de vue et s’inquiète, mais le retrouve finalement. Sauf qu’elle ne le dit pas au père. Elle lui fait croire qu’elle l’a réellement perdu et raccroche avant de tracer prendre le train avec le gamin pour retourner dans son village nordique. C’est un kidnapping. Le trader est désespéré (il comprend enfin qu’il a un fils, c'est bouleversant). France lui demande de venir récupérer son gosse dans l’usine où elle travaillait et où est justement organisé un spectacle de danse auquel participe l'une de ses douze ou treize filles. France affirme au trader qu'elle lui « prépare une surprise ». Mais on ne saura jamais laquelle vu que le trader rapplique avec des fourgons de flics, récupère son gamin et regarde l’héroïne se faire embarquer sans dire un mot…
Dire que certains journaux sérieux se sont extasiés de la séquence finale et de sa symbolique digne d'une rédaction enflammée d'élève de 5ème, où l’héroïne, astucieusement prénommée France (…) donc, est emprisonnée dans un fourgon de police que ses collègues d’infortune ouvriers bousculent en espérant l’en faire sortir, scandant son prénom en chœur. "France ! France ! France !". Ne m’appelez plus jamais France ma parole. Et Klapisch termine son film par un arrêt-sur-image sur Karin Viard qui rit en pleurant, enfermée dans le fourgon molesté par la foule en liesse. C’est vrai que Ma part du gâteau est sorti quasiment en même temps que Potiche d’Ozon, qui se terminait sur une Catherine Deneuve débarrassée de sa triste condition de ménagère après avoir remplacé son puissant mari à la tête d’une grosse entreprise, chantant la solidarité et la force tranquille (suivez mon regard) sur une estrade, portée par les hourras d’une foule de femmes. De là à comparer les deux films et à se toucher sur ces cinéastes « bien de leur temps » qui montrent la France d’aujourd’hui, celle où les femmes valent mieux que les hommes et où Ségolène Royal, aussi conne soit-elle, nous fait plus rêver que celui qui l'a battue en 2007, y’a pas trois kilomètres. Mais bon sang ces deux films sont d’innommables navets, ne l'oublions pas avant de les mettre en parallèle pour se féliciter de leur engagement, ce sont deux grosses daubes comme tous ceux de leurs deux auteurs, et ces scènes finales sont non seulement niaises, faciles, et laides, mais ridicules et pathétiques. En montage alterné à cette séquence du fourgon, Klapisch filme l’autre personnage principal du film, le trader, poursuivi sur la plage par les potes ouvriers de l’héroïne qui veulent se le faire, le caillasser un bon coup. Une chance que Klapisch le roi du pitch ait choisi de faire son arrêt-sur-image moisi sur Viard et de nous épargner la reprise du final des 400 coups (je pense que Cédric K. n’a même pas eu cette idée) avec Gilles Lellouche courant sur la plage pour échapper à des ouvriers, que le réalisateur nous présente au passage comme autant de brutes avides de baston. Dès le début du film, Klapisch annonçait la couleur avec un plan-séquence servant de générique d’ouverture et présentant la vue subjective d’un gâteau d’anniversaire (rapport au titre !), comme dans toutes ces pubs pour des assurances ou pour des banques. C’est le genre de plan dont on ne revient pas, dont on ne se remet pas. On demande à son voisin de nous pincer pour s’assurer que c’est bien vrai. Pince-mi et pince-moi matent un film de Klapisch et ils auront beau se déglinguer la tronche pour se réveiller et sortir de ce cauchemar, ils n’y couperont pas. Devant ce plan-séquence en vue subjective d’un gâteau, comme devant tout bon film de Klapisch, plus que jamais on s’écrie : « Il a osé ! », et de rajouter, dans ces cas-là, « ... l'enflure… ».
Un mot sur Gilles Lellouche pour terminer. Il joue un gros connard de première dans ce film. Non seulement un connard (un salop, c’est le méchant du film), mais un gros con, en prime, un abruti, un mec pas fini. Klapisch essaie de nous le rendre un peu plus aimable (histoire de sauver les meubles, vu que son héroïne bêtasse et vulgaire ne l’est guère davantage), en nous le présentant comme un type qui se réfugie dans son travail et dans l’argent la faute à une peine de cœur terrible. Cet homme-là a vécu une idylle avec une anorexique également fan de pognon qu’il a perdue quelques années plus tôt, et il ne parvient pas à s’en remettre et à l’oublier. Un flash-back nous présente la vie idéale de ce couple heureux, qui a déraillé suite à une tromperie de Lellouche d’ailleurs, ce dont il souffre, mais il n’a jamais eu l’idée de s’excuser, et quand Viard lui conseille de le faire il réagit comme si cette idée ne lui avait jamais effleuré l’esprit et refuse aussi sec : « J’ai pas à m’excuser, c’était juste un coup d’un soir, j’étais bourré, elle le sait bien quand même cette conne »… Voici le flashback : Lellouche et sa fiancée s’habillent au matin dans un hôtel grand luxe et ont une discussion passionnelle : « Tu viens avec moi couler une boîte pour se faire gras de pognon ? – Non aujourd’hui j’ai pas trop envie, suis crevée, j’ai plus envie d’aller couler une autre boîte aussi mais solo. Ad’taleure ! ». Voilà l’histoire d’amour sur laquelle nous sommes censés pleurer. On sent déjà dans ces scènes et dans toutes les répliques que j’ai rapportées jusqu’ici avec une scrupuleuse exactitude à quel point Lellouche incarne un con intersidéral, un débile mental.
Jusqu’à la fin on croit que Klapisch va sauver son personnage en lui accordant le bénéfice d’une rémission possible dans les bras de l’ouvrière maternelle et humble. Mais non, le réalisateur fonce dans le manichéisme et dresse un portrait sans nuances de ses personnages archétypaux et bêtes à se damner : l’ouvrière est et reste l’éternelle victime qui se laisse prendre pour une conne (ce qu’elle est), et le trader est et demeure l’enfoiré de première (ce qu'il est aussi) qui la baise juste pour le kiff, qui est ravi d’apprendre qu’il a dégommé la vie de celle qu’il vient de baiser en faisant couler, avant le début du film, la boîte dans laquelle elle bossait, et qui ne se rend même pas compte de ce qu’il dit ! On comprend en effet encore mieux à quel point le personnage incarné par Lellouche est un connard absolu quand il est tout heureux d’apprendre à Viard que c’est lui qui a coulé sa boîte et qui l’a foutue au chômdu (ce qu'il découvre en même temps qu'elle) : « Tu travaillais pour cette boîte ? Tu déconnes ? Le monde est putain de petit ! Si c’est pas FOU ça ?! Le monde est vraiment putain de petit. C’est chtarbé la vie… Les coïncidences et tout ! Ta race ! Ca me troue moi ! ». Il est fort Gilles Lellouche, il est doué il faut le dire, pour jouer le gros con. Il le fait extrêmement bien, au point que ç’en est presque émouvant. Jouer le gros gros con c’est quelque chose qu’il fait à la perfection, il est doué dans ce registre, c’est clair. Incarner le con de base ça lui va comme un gant, il sait faire, il est bon, y’a pas à dire, on ne peut pas lui enlever ça, c’est son terrain de prédilection, c’est sa came, c'est son truc, il aime ça. Il incarne avec munificence les cons de tous horizons. C'est pas donné à tout le monde. On devrait écrire une thèse sur les comédiens capables de jouer avec génie les cons, mais pas seulement les idiots, les cons détestables aussi, les sales cons. Poissonnier criard vulgaire, sexiste et débile dans Paris, ou trader puissant, égoïste, cruel et débile ici, tous les types de cons finis sont acquis à notre comédien de génie. Le con c’est son rayon et Gilles Lellouche s’inscrit à ce titre dans une belle tradition de Lel(l)ouch(e).
Ma Part du gâteau de Cédric Klapisch avec Gilles Lelouch et Karin Viard (2011)
Bon bah ça y est je vais voter à droite. Il a l'air insoutenable, autant que les autres de ce gars, vous vous êtes marrés sur Paris mais putain pas moi !
RépondreSupprimerAu moins dans les années 90, il restait un semblant d'espoir dans les films sur la "crise" (Ma petite entreprise, Romuald et Juliette, Une époque formidable). Un espoir humaniste, pas sociétal mais un espoir néanmoins.
RépondreSupprimerSi Ozon et Klapisch sont "de leur temps" ça doit signifier qu'il n'existe plus aujourd'hui aucune sorte d'espoir. Fais moi rêver !
Quid de l'affiche ou d'aucuns ont lu "Ma Part du Ga au" sans rien comprendre ?
RépondreSupprimerBien vu Joe G. !
RépondreSupprimerLes mecs, je vous admire. Vous vous tenez au courant de l'actualité des Ozon, Klapish et Royal. Alors que, moi, pfffffffffffffffffff ... je m'en fous et je m'en porte très bien. Ton article, Rémi, ne me donne pas envie de changer de ligne de conduite.
RépondreSupprimerDu génie, cet article, entre la conversation téléphonique et pince-mi et pince-moi, j'ai lol'd à pleins tubes !
RépondreSupprimerMerci :)
RépondreSupprimerDur tout ça pour ce film inégal, mais pas mauvais.
RépondreSupprimerKlaspich est une des pires raclures du cinéma international. Ses films sont parmi les pires qui existent. :-)
RépondreSupprimerArnaud, je connais un peu les lascars (ouais les lascars), et ils s'envoient vraiment des films comme ça dans des moments de faiblesse collective. J'avais l'idée d'un article que j'écrirai peut-être un jour sur la genèse des articles, au travers le film "Le Marquis". C'est fascinant comment ils se retrouvent à matter ça, un concours de circonstance incroyable.
RépondreSupprimer:D
RépondreSupprimerOn attend ton papelard, Vincent ! :D
RépondreSupprimerCe film est terrrrrrrible, le genre à s'envoyer en l'air pour se rappeler pourquoi on déteste Klapisch et toute se Klique !
RépondreSupprimerSA Klique
RépondreSupprimerVincent, j'attends cet article avec impatience.
RépondreSupprimerJ'aime autant Klapish que je déteste Lelouch...quel dilemne!
RépondreSupprimerVous regardez de sacrées daubes, quand même...
RépondreSupprimerJe le suis d'un œil là. Ça passe sur Canal. Heureusement qu'il y a du feu à côté dans la cheminée, autrement j'aurais tracé ma route ! A-FFREUX !
RépondreSupprimerDeux ans après la parution de ce texte, je viens d'entendre Klapish dans l'émission « Projection privée », sur France Culture. Si vous voulez avoir une idée du nombre de lieux communs, de médiocrités intellectuelles, de sentences démagogiques et d'auto-complaisances éhontées que ce triste individu peut débiter à la minute, allez-y « peau d'caster », cela vaut le détour. Si, d'ici deux siècles, quelques personnes s'intéressent encore au cinéma (ce n'est pas certain) ou l'envisagent au moins comme un symptôme de son époque, il y a fort à parier (ou à espérer) qu'ils considéreront la façon dont les clés du cinéma français ont été données à partir de 1990 à des Klapish, Audiard, Canet, Nicloux, Jeunet, Honoré, Ozon, j'en passe et des pires, comme un signe certain de décadence esthétique, intellectuelle et morale.
RépondreSupprimerÀ propos de ce film en particulier, je reviens à ma marotte, les titres de films : comment peut-on passer un à deux ans à écrire, produire, préparer, tourner, postproduire et promotionner un film qui porte un titre aussi disgracieux que « Ma part du gâteau » ? Comment ?! Cela contribuerait presque à rendre mystérieux quelqu'un comme Klapish, qui est pourtant par ailleurs d'une transparence à toute épreuve.
RépondreSupprimerTes commentaires, c'est toujours un petit régal ! Même si là en l'occurrence ça aide pas à voir la vie en rose :)
RépondreSupprimerThanks, Félixérémi !!! :)
RépondreSupprimer(Faites gaffe, phonétiquement cela fait un peu penser à « Joyeux Revenu Minimum d'Insertion »...)
« Ma vie en rose », ce pourrait être le titre du prochain Klapisch, non ?
Quant à cet autre titre, « Ni pour ni contre, bien au contraire », tout y était : observation facile, second degré à la petite semaine (« le second degré, ça ne vaut que pour les équations », disait Daney en substance) et, en conséquence, premier degré révélateur du trait essentiel de C.K. : la médiocrité.
Ce n'est pas pour s'envoyer des fleurs réciproques, mais ces gens-là, qui trustent une part majeur du cinéma français, MÉRITENT qu'on DISE DU MAL D'EUX. Je veux dire par là que je ne crois pas que la « dent dure » et la critique vacharde qui vous caractérisent parfois (mais pas toujours, loin de là !), vous l'auriez pratiquée en des temps cinématographiques plus heureux : ce sont les temps qui courent qui exigent de l'avoir, cette dent dure. Et à tous ceux qui diront « ah oui bien sûr comme toujours c'était mieux avant », « vous n'êtes pas constructifs », « soyez d'abord capable de faire le quart de ce que fait Klapisch et après on en reparlera » (au secours, même le centième je ne voudrais pas en être responsable) ou « il est plus difficile de faire rire que de faire pleurer », je réponds... oh, non, je ne réponds rien, finalement.