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30 mars 2009

Valse avec Bachir

En gros ce film ça consiste à jongler entre la réalité et la fiction, en faisant un documentaire en bande dessiné. Le film est une suite d'interviews de témoins historiques dessinés à main levée, le tout pour aboutir sur de vraies images d'archives, au ralenti, de cadavres qui ne valsent plus du tout sur l'air du violon que le réalisateur a mis là pour nous rappeler de chialer. Donc autant dire que le postulat de départ fout le camp dans les ultimes minutes du film. L'idée n'était pas mauvaise. Le type s'est dit qu'il dessinerait son film pour se permettre une représentation osée de la mémoire, de ses variations sur un même thème, de ses jongleries permanentes, de son art d'envahir la réalité voire de la modifier. Malheureusement il expose laborieusement son idée et il l'oublie dans un coin. Idée par ailleurs un peu niaise. Ce qu'il en fait est tout aussi faisable, peut-être même davantage, en filmant la réalité et en ayant trois idées pour la distordre, précisément par les mêmes moyens qu'il emploie dans ses dessins, des travellings, des mises au point et du montage. L'idée n'était pas mauvaise mais elle n'était pas bonne du tout quoi... Le film m'a carrément plombé !



Non le vrai problème c'est qu'on sent que le réalisateur veut nous montrer quelque chose, il pointe son sujet du doigt, littéralement : y'a son index dans le plan, pendant tout le film, en train de pointer grosso modo le centre de l'image, ou les personnages en présence.



Je sais pas si je suis le seul à l'avoir remarqué, mais personnellement ça m'a gêné tout le long. Encore plus quand il se rappelle qu'il a deux mains, et donc deux index...


Valse avec Bachir de Ari Folman (2008)

Yes Man

Voir ce film, c'est comme retrouver un vieil ami... L'ami de longue date, d'après-midi rieuses, de soirées éternelles, de grasses mat', de petits-déj' salés-sucrés, de pique-niques arrosés car sous l'orage, de bains de minuit entre mecs, de douches froides avec l'interrupteur éteint, de goûters à trois heures du matin, de nuits blanches répétées, de fous-rires infinis... Bref, c'est retrouver un sacré ami, un ami qu'on aime pour la vie, un frère. On le retrouve après dix piges sans nouvelles, et on ne l'a jamais oublié. Combien de fois s'est-on remémoré les moments joyeux passés ensemble, ces instants inoubliables, uniques, délicieux ?... On le retrouve après dix années de silence, et on attend tout de cette rencontre, on en attend le meilleur du monde, les bras grands ouverts !




Et au lieu de se frapper dans le dos avec un sourire immense, du genre vissé là pour un moment, le sourire naturel et spontané qu'on arrive pas à refouler, au lieu de se fendre la ganache en deux comme avant, au lieu de se rouler de rire dans la pisse, on retrouve un macchabée, un triste sire, un fantôme du passé. Il essaye de nous faire marrer mais tout se casse la gueule. Systématiquement. Il n'est plus que l'ombre du type qu'il était jadis. Il n'est plus, tout court, il n'existe plus en tant que tel. Il est pathétique ! C'est si triste... Et la vue de ce vieil ami si cher en train de se donner en spectacle sans provoquer le moindre rire rappelle Calvero, le personnage de Chaplin dans Les Feux de la rampe. Clown triste, comique fini, triste bonhomme qui s'accroche à tout ce qu'il peut pour nous décrocher un smiley. Ce frère clamsé, c'est Jim Carrey. Le pire, c'est qu'on le sait capable... Yes Man, c'est ça.

Sans transition, ce matin ma sœur m'a présenté son amoureux, et ce con-là c'est le sosie de Bill Clinton ! Sosie ou pas sosie, le vrai souci c'est que ma sœur a 12 ans.


Yes Man de Peyton Reed avec Jim Carrey et Zooey Deschanel (2009)

12 mars 2009

La Planète des Singes (2001)

Genèse d'un film : La Planète des Singes, 2001.

La Planète des Singes version Tim Burton, encore intitulée POTA par les américains en mal d'anagrammes foireux, est un film qui s'est bâti sur une idée stupide et des prétextes idiots dont je vais vous rapporter les évènements essentiels dans les lignes suivantes.

D'après la trivia de Mark Wahlberg sur IMDb, l'acteur aurait clamé accepter de jouer n'importe quoi pourvu que Tim Burton réalise. Au fait de ces déclarations coup-de-poing, Tim prend le jeune acteur (29 ans à l'époque, l'avenir devant lui, les frasques hip-hop colorées de jeunesse derrière) au mot et commence à écrire un scénario, une histoire à tiroirs, un conte introspectif et douloureux sur les relations sociales entre la communauté turque et la communauté grecque à Berlin, Maryland, USA. Le récit se consacre essentiellement à la guerre larvée entre les commerçants des deux communautés et la perte d'identité, avec en toile de fond la paternité de la recette du kébab. Une histoire difficile et quasi autobiographique puisque Tim Burton, d'origine grecque par son père (de son vrai nom Bourtonopoulos) et turque par sa mère (d'où son prénom Timur), a toujours été déchiré entre les deux communautés, mis au pilori et montré du doigt par ses cousins de chaque côté de sa famille. Cette situation bien particulière l'ayant rendu timide et sauvage, le petit Tim s'est enfermé dans ses rêves et son imagination pour devenir le réalisateur visionnaire que l'on connaît tous aujourd'hui.

Après des mois de rédaction intense sur ce qui a été décrit par Variety comme le script le plus prometteur jamais porté à l'écran de ces 20 dernières années, Tim Burton envoie son scénario à Wahlberg en plein tournage des Rois du Désert à Bagdad. Malheureusement, trop maniéré et trop ampoulé, le ton du script n'est pas du goût de l'acteur. Mark ayant buté d'incompréhension dès la troisième ligne du scénario qu'il suivait avec son doigt dans son lit, un berlingot de lait concentré sucré près de lui, il prit la décision de refuser à contre-coeur la proposition de Tim Burton en lui rédigeant une lettre de son écriture d'enfant, aidé par son oncle et sa grand-mère.

Voici la retranscription des ligne de dialogue qui ont laissé Marky perplexe, malgré la présence de la traduction :
Le Père : Timur, να θέσει στο τραπέζι και να σταματήσει να μου μιλήσεις kεbαbς σας ξαδέλφια. Πλένοντας τα χέρια σας και να είναι το είδος των ζώων !
(traduction : "Fils, il serait de bon ton que tu procèdes à la remise en ordre de ta pièce personnelle de vie et que tu entreprennes de nettoyer les éléments de vaisselle que tu as souillés en te sustantant. De surcroît, je ne souhaite pas te surprendre durant l'ingestion de cette spécialité issue soit-disant d'Anatolie et plus connue sous le nom vermaculaire de kébab. Il me serait agréable à la vue comme à l'ouie que tu cesses d'exercer une pression intolérable sur mon système digestif, plus précisément mon colon. Si tu pouvais te retirer de ma vue quelques temps, je t'en serais fort gré.")
Timur : Ama Baba, neden benimle ilgili Yunanca olarak zaman ve çok az çabayla Sana anlamak olabilir konuşuyorsun. Neden Anne evin bir parçası olduğunu anlıyorum eğer bana kebaplar zevk yardımcı olmaya devam Ben de aynı şeyi göreceksiniz düşünüyorum !
(traduction : "Mon cher mais bien sévère Père, je n'ai aucunement l'intention d'exercer sur vous la moindre gène duodénale ni de procéder à une déclaration d'hostilité envers votre personne dans le moment présent, mais je suis actuellement en plein doute concernant évidemment la justesse et l'intégrité de votre argumentaire, notamment lorsque vous me défendez avec force gestuelle de déguster, je dirais même de me régaler, de cette spécialité ottomane si chère à la mémoire de Mère dont je concède maintenant les raisons évidentes de sa défection du foyer conjugal dont nous ne sommes plus que les reliques.")


N'ayant finalement jamais eu le temps de se rencontrer, n'ayant eu que des conversations téléphoniques et des échanges de courrier fleuris, Tim Burton décide, dans un dernier geste d'espoir, d'inviter Mark dans sa maison de campagne, histoire de le rencontrer en personne et de se rendre compte à quel point l'auteur immature de cette lettre est bien le rappeur-break-dancer si doué qui a pu écrire des chanson aussi profondes que You Gotta Believe, Good Vibrations et Music For the People...

Heureusement, leur rencontre leur permet de tout de suite s'apprécier et Tim se résout à abandonner avec soulagement sa satire sociale et introspective. Les deux hommes décident d'un commun accord de mettre autour d'une table et de faire d'une pierre deux coups en se consacrant à un film réunissant leurs grandes passions respectives : les planètes (pour Mark qui venait de découvrir l'Almageste de Ptolémée histoire de se remettre d'aplomb après l'échec de The Corruptor) et les singes (pour Tim qui venait de se mettre en ménage avec Helena Bonham Carter). Pendant que Mark décrit avec passion la rotation du soleil autour de la Terre en montant sur la table avec souplesse et en dévoilant son slibard Calvin Klein rose, Tim lui montre des photos impudiques des pieds de Hobbit de sa compagne. Ce geste évoque un souvenir de casting cuisant à Mark "J'ai postulé pour le rôle d'Arwen dans Le Seigneur des Anneaux mais on m'a dit que j'avais un trop gros cul" tout en se tournant de trois-quart, en baissant légèrement son pantalon taille basse et se massant la fesse droite pour laisser dévoiler cette fois-ci la partie mordorée de son calcife. Ils décident donc de se concentrer sur une nouvelle adaptation de l'œuvre de Pierre Boulle, tout en prenant autant de libertés possibles avec le livre qu'avait pu en prendre en son temps Franklin J. Schaffner.



La mise en œuvre du projet est compliquée, Mark Wahlberg refusant tout net de jouer un chimpanzé ou un gorille alors que Tim Burton lui répète la tête basse et la main sur l'épaule qu'il jouera le Capitaine Léo Davidson, pas un singe. C'est à ce moment là que Mark Wahlberg monte de nouveau sur la table et hurle en montrant (encore) son slibard Calvin Klein "Est-ce que si on l'avait fait on se ferait l'effet que l'on se fait ?". Déconcerté, Tim lui demande quand même de continuer voyant là quelque chose d'indéfinissablement prometteur mais sûrement d'aucun secours pour la réalisation future du film et tout de même assez inquiet face à la tension sexuelle en train de se créer dans la pièce. Mark Wahlberg reprend en susurrant "Dès que j'te vois, je sais que c'est toi, Oui je sais que c'est toi, oui je sais que c'est toi" le cou en avant, les genoux pliés et les mains posées à plat sur la table. La goutte d'eau pour Tim, pas habitué à de telles frasques dans sa maison, qui demande calmement à Mark de lui rendre ses lunettes et de le recoiffer.

Le projet reprend tout de même quelques mois plus tard, le temps pour les deux hommes de faire le point et d'appeler du renfort. Aidés par des scénaristes de seconde zone (William Broyles Jr., Lawrence Konner et Mark Rosenthal, scénaristes entre autres de Superman IV), ils prennent la décision la plus importante du film, décision ambitieuse leur permettant de se démarquer de l’œuvre originale, celle de faire parler hommes et singes dans exactement la même langue sans qu'ils ne se comprennent. De la part des mecs qui ont réussi à trainer Superman dans la boue et à le faire disparaitre des écrans de cinéma pendant près de 20 ans, c'est le minimum qu'on pouvait attendre. Et ce pari fou, ce pari étrange de faire ostensiblement dialoguer tout le monde avec nonchalance et mésentente nous vaut les moments de cinéma les plus incongrus jamais réalisés. Quelques exemples parmi les plus affligeants :


Thade (le chef singe méchant et colérique) -s'adressant à ses convives- : Ce sale humain a l'air encore plus con que les autres. Je me demande comment il se sent avec son paréo comme seul habit et sa tête de porte-clés. Alors petit con, t'as un truc à me dire ? Évidemment non puisque t'es qu'une bête sans âme ni intelligence.
Léo (Marky Mark) -avec son fameux regard circonspect- : Ce serait méprise que de me considérer tel un primate dépourvu d'une pensée accorte et sans suite dans son raisonnement. Je me considère blessé par une telle idée. Sur ce, je vous montre mon sous-vêtement que vous devez reconnaître que je porte à merveille. D'ailleurs mes attributs sont idéalement mis en valeur, voyez.
Thade -les dents serrées- : Inutile de te fatiguer j'écoutais pas. Va nettoyer mon pyjama, je compte aller me coucher tôt ce soir, sot animal.


Ari (Helena Bonham Carter) -s'approchant de la cage de Léo- : Tu ne manges pas tes Frolic ? Pourtant c'est tes préférés, ceux au poisson, spécial digestion difficile. Si tu es sage, je te donnerai un baquet d'eau et du sable pour te laver. C'est dommage que tu ne saisisses pas mon langage et que tu sois dépourvu d'intelligence et de poils.
Léo -regardant Ari droit dans les yeux- : Chère madame-chimpanzé, cette nourriture pour animaux m'afflige. Si c'est possible j'aimerais disposer de toilettes fermées car cela fait quatre jours que je retiens mes selles et je commence à ressentir un énorme souci. le poids des jours qui passent dans cette cage étroite est pour moi une difficile épreuve que je n'apprécie que modérément.
Ari -l'air circonspect- : Brave bête, tu es grognon aujourd'hui, tu sanglotes et tu gémis à présent.


Léo -s'adressant à une assemblée de singes au regard incrédule et dubitatif- : Mais diantre ! Vous allez m'écouter à la fin ? Il est possible que je ne sois pas clair pour certains d'entre vous malgré mes efforts d'élocution. En CE1 j'ai pourtant gagné le concours d'orthographe et en sixième j'étais dans le groupe des forts en français. Et oui, ça vous en bouche un coin. J'ai fait la dictée de Pivot et j'ai eu seulement trois fautes, trois ! Et je suis assez mûr pour aller chercher des croissants tout seul chez le boulanger. J'ai le permis moto et j'aimerais m'acheter un casque aérodynamique avec des ouvertures sur les côtés pour empêcher la buée de recouvrir ma visière. Avec mes amis on aime bien aller poser des pierres sur la voie ferrée dans le but de faire dérailler les trains coraux. Un jour j'ai mis le feu à ma main, je suis un dur !
Un singe de l'assemblée -exaspéré- : Quel sot, il grogne et gesticule depuis tout à l'heure avec incohérence, sortez-le et allons ripailler !


Ne se rendant compte de rien, toute l'équipe du film se met avec joie au travail pour mettre en image l'un des scénarios les plus débiles jamais écrit malgré un matériau de base de grande qualité et une première adaptation de haute volée. Le résultat est affligeant d'incongruité et de fatuité, c'est le mot. Composé d'une suite de laborieux échanges d'incompréhension entre singes et humains, ce film bavard est une pierre dans le jardin de Tim Burton. Seul Tim Roth (prononcez à l'espagnole en roulant le "r" comme s'il y en avait 6 à la file, l'homme est très sensible à l'expression de ses origines andalouses) surnage en chimpanzé cabotin et plein de colère. Certains producteurs inquiets ont obligé Tim Burton à utiliser la jeune et fringante Estella Warren qui n'est là que pour suggérer son anatomie, ses talents d'actrice étant très relatifs. Cette jeune femme à la carrière brisée a été vue pour la dernière fois posant devant un véhicule chromé en 2006, lors d'une fête donnée par un certain Dave Navarro, rock-star locale à la ramasse, l'œil lourd et les bras en croix.


La Planète des Singes de Tim Burton avec Mark Wahlberg, Helena Bonham et Tim Roth (2001)

11 mars 2009

Mes amis, mes amours

Un inconnu nous a envoyé ce courrier :

Chers Rélix,

On dit toujours qu'il faut "dissocier l'homme de l'œuvre". Qu'il faut à tout prix considérer l'un sans l'autre, et l'autre sans l'un. Mais quand l'œuvre est une telle horreur et que l'homme derrière l'œuvre est une femme, les dés sont pipés, l'adage ne tient plus. Et puis surtout quand la femme en question fait partie de votre famille, quand cette femme est votre tante, et qu'elle a passé des années à vous taper sur la gueule quand vous étiez enfant, la distinction vie privée/vie publique est déjà plus difficile à faire. Lorraine Lévy n'est pas ma tante, mais quand j'étais petit elle me foutait rouste sur branlée. Je parle de ma tante. Alors pardonnez-moi de mal distinguer sa personne de son art. Excusez mon manque d'objectivité pour celle, ma tante (pas Lorraine Lévy, car je ne connais ni de Lorraine, ni d’Ève ni d'Adam) qui m'a fait traverser un terrain de foot traîné par le colebaque parce que j'avais eu le malheur de tacler mon cousin un peu haut, pour celle qui m'a plongé le visage dans mon assiette de soupe bouillante parce que je disais préférer un "gros steak", pour celle qui a transformé la vie de mon oncle en grand match de boxe, pour celle qui m'a rasé le crane dans mon sommeil parce qu'elle ne supportait plus mes bouclettes, pour celle qui a fait de mon baptême une version pour adultes de Règlements de compte à OK Corral, pour celle qui à la mort de ma grand-mère s'est emparée de toute l'argenterie familiale pour mieux réussir dans la vie. Certains auraient tiré un trait sur ce passé si douloureux pour essayer d'entrer dans la vie grâce aux faveurs d'une tata bien placée. Pas moi, je n'oublie pas. Je préfère manger de la terre jusqu'à la fin de mes jours plutôt que me rabibocher avec celle que j'ai surnommée Leather Face. Je reviens au film. Avant de voir ce film j'avais un poster 3x6 de Vincent Lindon au-dessus de mon lit. Si cette affiche a été maraboutée et qu'elle a les vertus d'une poupée Vaudou, je ne serai pas étonné de découvrir à la une de Voici le visage lacéré de Lindon (que j'aime toujours autant, mais pas dans ce film) comme tranché par la tronçonneuse que ma tante démarrait chaque matin au pied de mon lit pour me prévenir que le petit-déjeuner était servi. Si néanmoins j'essaie de considérer ce film sans me rappeler ma tata, dans tous les cas je meurs, et j'en viens à la haïr de toutes les façons, et de toutes mes forces, presque autant que ce film qui n'a rien à voir avec elle.




PS. Je ne voulais pas parler de Lorraine Lévy, que je ne connais pas, et qui est sans doute une très bonne tata dans la vie, mais je suis schizophrène et durant tout le film je me suis scarifié en pensant à ma tante qui m'a martyrisé, ce qui en dit quand même long sur le long métrage. Je vous écris ce post-scriptum au calme, à tronche reposée, depuis mon autre personnalité, beaucoup plus cool, nettement moins perchée, moins à fleur de peau et ultra zen.


Mes amis, mes amours de Lorraine Lévy avec Vincent Lindon, Pascal Elbé, Virginie Ledoyen et Florence Foresti (2009)

8 mars 2009

Burn After Reading

Le dernier film des frères Coen, chroniqué par notre bienveillant frère ainé, Alex. Une chronique sans pitié et expéditive. Les mots sont simples mais ils sont choisis avec soin, de manière à permettre au lecteur d'apprécier à sa juste valeur le point de vue de notre chroniqueur exceptionnel. Un chroniqueur qui n'a pas la langue dans sa poche, comme vous le constaterez en parcourant de votre œil fébrile les lignes ci-dessous. Son expérience, liée à son grand âge, ses connaissances pointues en matière de cinéma sauront vous émouvoir et vous faire comprendre que quand Alex prend la parole, c'est rarement pour raconter des conneries.




Voici, telle quelle, sans aucune modification, la chronique d'Alex :

"J'ai vu Burn After Reading. Je m'en souviens plus. Si, je me souviens m'être bien marré, d'avoir passé un bon moment mais je ne saurais en dire plus. Je ne sais même plus quand c'était tellement je suis décalqué, mais ce dont je suis sûr c'est qu'il faisait beau. Peut-être pas finalement, comme c'était l'hiver... On a eu un hiver pourri à Paris, trois fois de la neige. Jamais vu ça en dix ans de Paris. Un vrai pari. El niño, mon cul !
Burn After Reading, c'était mon premier cinoche depuis l'arrivée de l'envahisseur. Avant ça, bien avant, j'avais subi Sex and the City the movie, un supplice.
Ce film m'a réconcilié avec les frères Coen. Vu mon grand âge, leur dernier film que j'avais vu au cinoche, c'était Ladykillers, une belle daube. Normal, y a Tom Hanks dedans. Malgré mon Alzheimer galopant, je dois dire qu'il me reste quelques bons souvenirs, quelques bonnes images de Burn After Reading. Le machouillage de chewing-gum de Brad Pitt et sa tête d'ahuri, les expressions faciales de George Clooney, l’irascible John Malkovitch et le clou du spectacle, ce passage d'anthologie où George Clooney dévoile son invention à Frances McDormand... Cette scène résume à mon sens, tout le cinéma des frères Coen. On se retrouve en terrain connu ! Avec les losers de Fargo, de Sang Contre Sang, de O'Brother. Certes, cet opus n'égalera jamais leur chef-d'œuvre The Big Lebowski qui représente la quintessence de leur art, mais, à travers quelques scènes, ils parviennent à se rapprocher de cette perfection. "



Reprenez vos mouchoirs, séchez vos larmes.


Burn After Reading de Joel et Ethan Coen avec George Clooney, Brad Pitt, John Malkovich et Frances McDormand (2008)

7 mars 2009

The Wrestler

The Wrestler ou quand Darren Aronofsky nous fait mentir. Lui qui nous avait mis au supplice avec Pi, à la torture avec Requiem for a dream, au pilori avec son "bébé", son œuvre la plus personnelle et la plus intime, son film d'auteur, son plus abominable fait d'arme, celui que nous n'avions pas raté dans ces pages : The Fountain. Après nous avoir cloué les pieds et les poings à une croix pour nous martyriser et s'en donner à cœur joie dans le bondage le plus trashy-comique, Darren Aronofsky nous surprend, en bien, en vraiment très bien. En fin de compte, avec ce film, notre coqueluche du jeune et fringant cinéma américain change de blaze pour s'appeler Dardenne Aronofsky. Il abandonne le cinéma calibré pour les lycéens les plus indés, il met au placard ses folles envies d'écriture et de science-fiction débridée, il délègue enfin la lourde tâche d'écrire un scénario à quelqu'un qui, contrairement à lui, n'est ni dyslexique, ni manchot, ni autiste, ni dysorthographique, et il se libère de l'idée même de rédiger un texte tapuscrit (simple idée, mais qui peut suffire à constiper son cerveau pendant plusieurs mois) pour mieux se concentrer sur le film qu'il va en tirer. Et peut-être au fond que ce film-là est celui qu'il a le plus écrit. Alors c'est un pari ce que je dis là, parce que je n'étais pas avec lui dans sa caravane quand il se rasait les joues avec un économe en pensant aux plans à tourner dans la journée, mais je le fais ce pari. Je parie que ce film est finalement celui qu'il a le plus écrit. Parce qu'il n'a pas eu à se concentrer sur l'invention d'un récit (ce qui ne lui va pas du tout, étant donné ce qu'il nous a infligé par le passé). On a vu ce que ça donne quand il se met en tête d'attraper un stylo ou de taper à la machine, c'est toujours le scénario le plus dérangeant et le plus malheureux qui en sort, avec des histoires de cavaliers cosmiques et de courses hippiques en général. 




Cette fois-ci, disposant déjà d'une histoire toute rédigée, Darren n'a plus eu qu'à la filmer. Et m'est avis qu'il ne s'est pas contenté de filmer un scénario, lequel serait la base, l'élément central, l'origine, le prétexte au film en question, bien au contraire, il a pu écrire un film. S'épargnant la pesanteur d'un scénario lourd et trop riche, indigeste et suffisant, qu'il s'agirait ensuite de mettre en image bon an mal an, le voilà fort d'un script très simple, minimaliste, intimiste, d'une trame, d'une idée. De sorte qu'il n'est plus coincé dans les contraintes d'un récit complexe, mais libéré par les possibles d'une simple idée. Et alors c'est du cinéma. C'est un film qu'on écrit, scène après scène, pendant chaque prise, avec les acteurs et ce qu'on a autour de soi, en soi aussi. Ça n'est plus un scénario encombrant qu'on s'étripe à filmer. C'est toute la différence. A ce titre, et parce que ce que je viens d'écrire s'inspire largement de ça, lisez Présences, écrits sur le cinéma d'Olivier Assayas, qui vient de paraître chez Gallimard, un recueil de critiques et de textes passionnants et tout à fait brillants.



Bref, Aronofsky devient enfin intéressant, passionnant même, quand il se décide à filmer. Il tire un trait (en tout cas le temps d'un film) sur ses tics de mise en scène déprimants, sur ses aspirations scénaristiques aussi grandiloquentes que, pour l'instant, navrantes, et il filme un homme, il le montre, patiemment, intelligemment. Et ça nous change ! On peut voir dans ce film deux influences majeures, deux influences remarquables, et qui font bon ménage. D'un côté le cinéma d'auteur européen, français même, contemporain, et de l'autre le cinéma d'auteur américain des années 70. Dans le portrait sublime de ce catcheur sur le retour qu'est Randy "The Ram" Robinson, puissamment interprété par Mickey Rourke, on ne peut s'empêcher de retrouver des aspects majeurs du cinéma des frères Dardenne. Évidemment, avec The Wrestler, on est moins dans le social que dans le récit de vie, dans le dessin lent, précis, et brutal d'une bête très humaine. Mais il y a un lien très fort entre la façon qu'ont les frères Dardenne de coller au corps de leur héros ou héroïne, d'être "sur leur dos" ou de leur "coller au cul", et la façon dont Aronofsky filme justement le dos de Mickey Rourke tandis qu'il déambule lourdement, ce dos surpuissant qui occupe tout le cadre, déborde presque, si costaud et à la fois si lourd, noué, voûté. Le dos est ce lieu muet du corps où se tissent toutes les peines humaines et ce n'est pas un hasard si Aronofsky décide de tout centrer sur celui de Mickey Rourke. On pourrait presque parler, comme on le fait je crois en danse à propos d'un "être dans le sol", d'une sorte d'être dans le dos dans la manière qu'ont aussi bien les Dardenne qu'Aronofsky dans ce film d'habiter, de hanter le corps de leur personnage pour marcher dans ses pas. Aronofsky n'exploite pas tout à fait les mêmes thèmes que les Dardenne, encore que... S'il ne parle pas d'argent, par exemple, il fait de la filiation un thème central de son film, voire capital. Mais l'aspect social est plus ou moins mis de côté au profit d'une morale plus existentialiste, celle du choix, et du rêve assouvi. Et puis on s'y retrouve aussi dans l'art de filmer la descente aux enfers d'un être. Et par là on se tourne vers le cinéma américain des années 70, et notamment vers L'Exorciste (1973) de William Friedkin. On en retrouve certains aspects dans cette façon de filmer la chute d'un être sans détours, sans ambages, laquelle dégringolade horrible trouve son expression visible dans une dégradation continue et perverse du corps humain, jusqu'à l'auto-mutilation. Parce qu'au fond, et malgré son titre, le personnage principal de L'Exorciste, c'est la môme sujette au Poltergeist le plus dégueulasse de l'histoire du cinéma, et pas L'Exorciste éponyme qui vient l'en délivrer. Mais "L'Excorciste" c'est plus vendeur que "La Môme" faut croire. Quequoi, La Môme a eu son petit succès aussi. Pour filmer ces déperditions tragiques, presque mélodramatiques au fond, les deux films s'entourent de faux-semblants, de paravents, de prétextes (ceux-là même que les Dardenne et le cinéma européen jugent moins nécessaires), à savoir le film d'horreur d'un côté, et le film de catcheur de l'autre.



De sorte qu'Aronofsky, tirant parti de ces deux influences d'envergure, opportun dans sa façon d'en tirer les forces combinées, fait un film profondément juste, puissant et lumineux. Un film sans concessions, qui se permet certes parfois de petites facilités (musicales notamment), mais fait néanmoins montre d'une force rare ces temps-ci. Il se dégage de ce film un sentiment stupéfiant de vérité, de sincérité, de réel, qui passe par les agrafes dans la peau de "The Ram" et pas seulement par elles. Et ce film suffit à sauver Aronofsky, à le racheter à mes yeux. Et croyez-moi, fallait allonger la monnaie... Valait mieux pas que Darren signe le chèque s'il n'avait pas le fric en caisse... J'y suis allé, au cinoche, le voir, ce film. J'avais tous les a priori négatifs du monde, j'étais prêt à détester, j'étais sûr de me ronger les sangs devant un tombeau cinématographique creusé par son propre cadavre. Aronofsky a fait là son premier film, et il est étonnamment beau.



Je voudrais terminer en plaçant un dernier mot, mais pas des moindres, sur Mickey Rourke. Ce mec-là, beaucoup de gens l'ont détesté ou le détestent. Moi-même dernièrement je ne le portais pas particulièrement dans mon cœur. Je l'avais apprécié dans quelques films importants, évidemment, comme La Porte du paradis ou L'Année du dragon de Michael Cimino, mais pas non plus au point de le porter aux nues, en tout cas pas plus d'une minute (le temps de dire "Mickey Rourkey, Mickey Fox et Rourkey, Michael J. Fox et Rouky", et d'en rire absolument seul). Et puis il est devenu aussi laid qu'on le connaît aujourd'hui, lui qui au début de sa carrière était un sosie de Bruce Willis en puissance, désormais devenu l'acteur raté par excellence, boxeur à la manque, et ignoblement laid. Cerise sur le gâteau, le voilà qui accepte de jouer une gueule cassée sans visage dans Sin City, merde de film, pour retrouver les planches. De quoi ne pas l'aimer plus qu'avant, voire moins. Eh bien lui aussi m'a enfin conquis. Alors évidemment ce rôle est fait pour lui, il lui va comme un gant, c'est le rôle d'une vie. Mais ça n'est pas vulgaire pour autant, comme certains de ces acteurs qui se répandent dans ce "rôle écrit pour eux". Rourke semble aborder ce personnage comme n'importe lequel, pas comme le sien propre attendu de tout temps avec un Oscar à la clé. Il n'est pas ce personnage, même si on pourrait le croire. Il le devient, totalement, l'incarne absolument, comme on dit d'un ongle incarné... Il est dedans comme du shrapnel et faudra un scalpel pour l'en déloger. J'ai parlé d'Oscar et précisément, Rourkey n'en a pas reçu pour ce rôle. J'ai eu de la peine, vraiment, pour lui. Et puis quand même, les Oscars ça reste une sacrée belle connerie. Mais sans parler des Oscars, parce qu'après tout peut-être que Sean Penn le mérite aussi (même si je ne suis pas client de son travail de singe, ou de perroquet, impliqué par les affres du système "biopic", je peux admettre qu'il a fait un certain travail qui a sans doute des mérites, ou disons des vertus), je ne me priverai pas pour autant de dire à quel point mon admiration est plus grande pour un acteur qui est, que pour n'importe quel acteur (et je ne parle pas forcément de Sean Penn) qui joue. Mickey Rourkey est dans The Wrestler.


The Wrestler de Darren Aronosfky avec Mickey Rourke et Marisa Tomei (2009)

6 mars 2009

Fierrot le Pou

A court-métrage, courte crtique. A Kourtrajmé, court papier. Je voulais vous parler de ce premier film de Kassovitz parce qu'il fait un peu partie de ma vie. Y'en a qui refilent L'Attrape-Coeurs de Salinger aux demoiselles pour les charmer, y'a ceux qui leur font écouter With or Without You de U2, ou encore ceux, la crème de la crème, les plus bohèmes, qui leur prêtent le dvd pas cher de Pierrot le Fou. Moi, j'ai fait le choix original de miser sur la concision, avec Fierrot le Pou, et j'ai encore jamais eu aucun retour. Je l'ai acheté 2000 fois. Pas une réponse. Rien.

Ça reste le meilleur film de Kossovard. Dispo sur sa page d'accueil MSN : matteokossovard dot com.


Fierrot le Pou de et avec Mathieu Kassovitz (1990)

5 mars 2009

Slumdog Millionaire

Mon mot d'ordre "Pas de violence, c'est les vacances" m'a amené à ne rien dire de ce film pendant mes congés annuels. Mais là, je suis enfin rentré d'une semaine de ski, j'ai les deux pieds plâtrés. On m'appelle le Big Foot, et pas seulement parce que j'ai passé 7 jours à Chamonix à enlever des femmes au hasard pour les conduire dans ma caverne maléfique. Je suis surement recherché, et elles encore plus que moi. Maintenant que je suis de retour chez moi, j'ai bien envie de régler son compte à Danny Boyle.

Après avoir révolutionné le cinéma d'horreur avec 28 Jours plus Tard, où il avait eu l'idée folle de faire courir des zombies, Danny Boyle, avec Sunshine, s'est risqué au film de SF dit d'anticipation qui a plutôt provoqué chez moi une constipation. Il faut dire que ce soir là, je m'étais envoyé le combo kébab + chili con carne + aligot. C'était pas bien. Ma maman m'avait appelé juste après le repas. Nous deux, on est liés. Quand il m'arrive un truc grave, généralement elle le sent. Alors j'allais à reculos voir Slumdog Millionaire, pourtant fraîchement récompensé de l'Oscar du meilleur film.


 
J'ignorais hélas que les Oscars avaient arrêté le cinoche, pour mieux consacrer les publicités. Car Slumdog Millionaire est une pub longue de 2 heures, avec un clip de MIA au beau milieu. C'est le seul film où vous sortez de la salle, avec sur les épaules un tapis, au bras une pute indienne, au front un trou, à demander à tous les passants où se trouve le restaurant Taj Mahal, avec buffet à volonté et des plats si épicés que vous pouvez littéralement trouer les murs de ce boui-boui en pétant. Pour faire vite, c'est l'histoire d'un indien des bidonvilles qui devient plein aux as après être parvenu à venir à bout du jeu "Qui veut gagner des millions ?". Chaque question est l'occasion d'un flash-back nous racontant une anecdote de la vie du héros, nous faisant comprendre comment ce grand dadais inculte connait la réponse. Un procédé narratif soi-disant malin qui devient très vite machinal et chiant. Le fil conducteur de ses retours en arrière répétés est une histoire d'amour des plus banales, à aucun moment crédible ni touchante, où notre héros tuerait père et mère pour retrouver une fille perdue, qu'il aime car elle est la seule qu'il a connu. Une belle histoire donc. Le choix des actrices pour incarner le personnage de la fille à différents stade de sa maturité est également intéressant. Petite fille, nous avons droit à une actrice mignonne parce qu'étrange, avec ses yeux d'oriental démesurés, très typée. Adolescente, la petite fille s'est drôlement affinée, on ne la reconnaît quasiment plus, elle devient une sacrée bonnasse. Adulte, voilà t'y pas que c'est l'actrice qui incarnait Predator dans Predator qui reprend le flambeau. On n'y croit pas une minute. Elle est censée être une belle femme, alors elle a abandonné ses attributs indiens, c'est seulement une européenne un peu bronzée, au visage inexpressif. C'est la beauté selon Boyle. Trouvée après un casting de mille et une nuitées.



Le générique du film est une danse chorégraphiée. Comme pour en rajouter une petite couche dans le kitsch dégueulasse que le film semble cultiver fièrement. Ou quand Hollywood rencontre Bollywood, pour le plus affreux des mélanges, orchestré par le plus laid des anglais.

Sur ce, je vous abandonne, je trace au Rajpour pour déguster une salamandre. C'est bien la première fois que je porte et un string, et un slibard, et un slip kangourou, et un boxer et un caleçon. Mais bordel, qu'est-ce que c'est bon !

P.S. : Et détrompez-vous, malgré ce que pourrait laisser penser le profil déchiré qui fend l'affiche en deux, ce n'est pas notre bien-aimé Franck Ribéry national qui joue le rôle du fameux Slumdog. Il est néanmoins millionnaire, et on est contents pour lui. Au moins, celui qu'on nomme outre-Rhin "Le Kaiser" doit ses millions à son adresse balle au pied, et non à la Française des Jeux.


Slumdog Millionaire de Danny Boyle avec Dev Patel et Anil Kapoor (2008)