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12 mars 2009

La Planète des Singes (2001)

Genèse d'un film : La Planète des Singes, 2001.

La Planète des Singes version Tim Burton, encore intitulée POTA par les américains en mal d'anagrammes foireux, est un film qui s'est bâti sur une idée stupide et des prétextes idiots dont je vais vous rapporter les évènements essentiels dans les lignes suivantes.

D'après la trivia de Mark Wahlberg sur IMDb, l'acteur aurait clamé accepter de jouer n'importe quoi pourvu que Tim Burton réalise. Au fait de ces déclarations coup-de-poing, Tim prend le jeune acteur (29 ans à l'époque, l'avenir devant lui, les frasques hip-hop colorées de jeunesse derrière) au mot et commence à écrire un scénario, une histoire à tiroirs, un conte introspectif et douloureux sur les relations sociales entre la communauté turque et la communauté grecque à Berlin, Maryland, USA. Le récit se consacre essentiellement à la guerre larvée entre les commerçants des deux communautés et la perte d'identité, avec en toile de fond la paternité de la recette du kébab. Une histoire difficile et quasi autobiographique puisque Tim Burton, d'origine grecque par son père (de son vrai nom Bourtonopoulos) et turque par sa mère (d'où son prénom Timur), a toujours été déchiré entre les deux communautés, mis au pilori et montré du doigt par ses cousins de chaque côté de sa famille. Cette situation bien particulière l'ayant rendu timide et sauvage, le petit Tim s'est enfermé dans ses rêves et son imagination pour devenir le réalisateur visionnaire que l'on connaît tous aujourd'hui.

Après des mois de rédaction intense sur ce qui a été décrit par Variety comme le script le plus prometteur jamais porté à l'écran de ces 20 dernières années, Tim Burton envoie son scénario à Wahlberg en plein tournage des Rois du Désert à Bagdad. Malheureusement, trop maniéré et trop ampoulé, le ton du script n'est pas du goût de l'acteur. Mark ayant buté d'incompréhension dès la troisième ligne du scénario qu'il suivait avec son doigt dans son lit, un berlingot de lait concentré sucré près de lui, il prit la décision de refuser à contre-coeur la proposition de Tim Burton en lui rédigeant une lettre de son écriture d'enfant, aidé par son oncle et sa grand-mère.

Voici la retranscription des ligne de dialogue qui ont laissé Marky perplexe, malgré la présence de la traduction :
Le Père : Timur, να θέσει στο τραπέζι και να σταματήσει να μου μιλήσεις kεbαbς σας ξαδέλφια. Πλένοντας τα χέρια σας και να είναι το είδος των ζώων !
(traduction : "Fils, il serait de bon ton que tu procèdes à la remise en ordre de ta pièce personnelle de vie et que tu entreprennes de nettoyer les éléments de vaisselle que tu as souillés en te sustantant. De surcroît, je ne souhaite pas te surprendre durant l'ingestion de cette spécialité issue soit-disant d'Anatolie et plus connue sous le nom vermaculaire de kébab. Il me serait agréable à la vue comme à l'ouie que tu cesses d'exercer une pression intolérable sur mon système digestif, plus précisément mon colon. Si tu pouvais te retirer de ma vue quelques temps, je t'en serais fort gré.")
Timur : Ama Baba, neden benimle ilgili Yunanca olarak zaman ve çok az çabayla Sana anlamak olabilir konuşuyorsun. Neden Anne evin bir parçası olduğunu anlıyorum eğer bana kebaplar zevk yardımcı olmaya devam Ben de aynı şeyi göreceksiniz düşünüyorum !
(traduction : "Mon cher mais bien sévère Père, je n'ai aucunement l'intention d'exercer sur vous la moindre gène duodénale ni de procéder à une déclaration d'hostilité envers votre personne dans le moment présent, mais je suis actuellement en plein doute concernant évidemment la justesse et l'intégrité de votre argumentaire, notamment lorsque vous me défendez avec force gestuelle de déguster, je dirais même de me régaler, de cette spécialité ottomane si chère à la mémoire de Mère dont je concède maintenant les raisons évidentes de sa défection du foyer conjugal dont nous ne sommes plus que les reliques.")


N'ayant finalement jamais eu le temps de se rencontrer, n'ayant eu que des conversations téléphoniques et des échanges de courrier fleuris, Tim Burton décide, dans un dernier geste d'espoir, d'inviter Mark dans sa maison de campagne, histoire de le rencontrer en personne et de se rendre compte à quel point l'auteur immature de cette lettre est bien le rappeur-break-dancer si doué qui a pu écrire des chanson aussi profondes que You Gotta Believe, Good Vibrations et Music For the People...

Heureusement, leur rencontre leur permet de tout de suite s'apprécier et Tim se résout à abandonner avec soulagement sa satire sociale et introspective. Les deux hommes décident d'un commun accord de mettre autour d'une table et de faire d'une pierre deux coups en se consacrant à un film réunissant leurs grandes passions respectives : les planètes (pour Mark qui venait de découvrir l'Almageste de Ptolémée histoire de se remettre d'aplomb après l'échec de The Corruptor) et les singes (pour Tim qui venait de se mettre en ménage avec Helena Bonham Carter). Pendant que Mark décrit avec passion la rotation du soleil autour de la Terre en montant sur la table avec souplesse et en dévoilant son slibard Calvin Klein rose, Tim lui montre des photos impudiques des pieds de Hobbit de sa compagne. Ce geste évoque un souvenir de casting cuisant à Mark "J'ai postulé pour le rôle d'Arwen dans Le Seigneur des Anneaux mais on m'a dit que j'avais un trop gros cul" tout en se tournant de trois-quart, en baissant légèrement son pantalon taille basse et se massant la fesse droite pour laisser dévoiler cette fois-ci la partie mordorée de son calcife. Ils décident donc de se concentrer sur une nouvelle adaptation de l'œuvre de Pierre Boulle, tout en prenant autant de libertés possibles avec le livre qu'avait pu en prendre en son temps Franklin J. Schaffner.



La mise en œuvre du projet est compliquée, Mark Wahlberg refusant tout net de jouer un chimpanzé ou un gorille alors que Tim Burton lui répète la tête basse et la main sur l'épaule qu'il jouera le Capitaine Léo Davidson, pas un singe. C'est à ce moment là que Mark Wahlberg monte de nouveau sur la table et hurle en montrant (encore) son slibard Calvin Klein "Est-ce que si on l'avait fait on se ferait l'effet que l'on se fait ?". Déconcerté, Tim lui demande quand même de continuer voyant là quelque chose d'indéfinissablement prometteur mais sûrement d'aucun secours pour la réalisation future du film et tout de même assez inquiet face à la tension sexuelle en train de se créer dans la pièce. Mark Wahlberg reprend en susurrant "Dès que j'te vois, je sais que c'est toi, Oui je sais que c'est toi, oui je sais que c'est toi" le cou en avant, les genoux pliés et les mains posées à plat sur la table. La goutte d'eau pour Tim, pas habitué à de telles frasques dans sa maison, qui demande calmement à Mark de lui rendre ses lunettes et de le recoiffer.

Le projet reprend tout de même quelques mois plus tard, le temps pour les deux hommes de faire le point et d'appeler du renfort. Aidés par des scénaristes de seconde zone (William Broyles Jr., Lawrence Konner et Mark Rosenthal, scénaristes entre autres de Superman IV), ils prennent la décision la plus importante du film, décision ambitieuse leur permettant de se démarquer de l’œuvre originale, celle de faire parler hommes et singes dans exactement la même langue sans qu'ils ne se comprennent. De la part des mecs qui ont réussi à trainer Superman dans la boue et à le faire disparaitre des écrans de cinéma pendant près de 20 ans, c'est le minimum qu'on pouvait attendre. Et ce pari fou, ce pari étrange de faire ostensiblement dialoguer tout le monde avec nonchalance et mésentente nous vaut les moments de cinéma les plus incongrus jamais réalisés. Quelques exemples parmi les plus affligeants :


Thade (le chef singe méchant et colérique) -s'adressant à ses convives- : Ce sale humain a l'air encore plus con que les autres. Je me demande comment il se sent avec son paréo comme seul habit et sa tête de porte-clés. Alors petit con, t'as un truc à me dire ? Évidemment non puisque t'es qu'une bête sans âme ni intelligence.
Léo (Marky Mark) -avec son fameux regard circonspect- : Ce serait méprise que de me considérer tel un primate dépourvu d'une pensée accorte et sans suite dans son raisonnement. Je me considère blessé par une telle idée. Sur ce, je vous montre mon sous-vêtement que vous devez reconnaître que je porte à merveille. D'ailleurs mes attributs sont idéalement mis en valeur, voyez.
Thade -les dents serrées- : Inutile de te fatiguer j'écoutais pas. Va nettoyer mon pyjama, je compte aller me coucher tôt ce soir, sot animal.


Ari (Helena Bonham Carter) -s'approchant de la cage de Léo- : Tu ne manges pas tes Frolic ? Pourtant c'est tes préférés, ceux au poisson, spécial digestion difficile. Si tu es sage, je te donnerai un baquet d'eau et du sable pour te laver. C'est dommage que tu ne saisisses pas mon langage et que tu sois dépourvu d'intelligence et de poils.
Léo -regardant Ari droit dans les yeux- : Chère madame-chimpanzé, cette nourriture pour animaux m'afflige. Si c'est possible j'aimerais disposer de toilettes fermées car cela fait quatre jours que je retiens mes selles et je commence à ressentir un énorme souci. le poids des jours qui passent dans cette cage étroite est pour moi une difficile épreuve que je n'apprécie que modérément.
Ari -l'air circonspect- : Brave bête, tu es grognon aujourd'hui, tu sanglotes et tu gémis à présent.


Léo -s'adressant à une assemblée de singes au regard incrédule et dubitatif- : Mais diantre ! Vous allez m'écouter à la fin ? Il est possible que je ne sois pas clair pour certains d'entre vous malgré mes efforts d'élocution. En CE1 j'ai pourtant gagné le concours d'orthographe et en sixième j'étais dans le groupe des forts en français. Et oui, ça vous en bouche un coin. J'ai fait la dictée de Pivot et j'ai eu seulement trois fautes, trois ! Et je suis assez mûr pour aller chercher des croissants tout seul chez le boulanger. J'ai le permis moto et j'aimerais m'acheter un casque aérodynamique avec des ouvertures sur les côtés pour empêcher la buée de recouvrir ma visière. Avec mes amis on aime bien aller poser des pierres sur la voie ferrée dans le but de faire dérailler les trains coraux. Un jour j'ai mis le feu à ma main, je suis un dur !
Un singe de l'assemblée -exaspéré- : Quel sot, il grogne et gesticule depuis tout à l'heure avec incohérence, sortez-le et allons ripailler !


Ne se rendant compte de rien, toute l'équipe du film se met avec joie au travail pour mettre en image l'un des scénarios les plus débiles jamais écrit malgré un matériau de base de grande qualité et une première adaptation de haute volée. Le résultat est affligeant d'incongruité et de fatuité, c'est le mot. Composé d'une suite de laborieux échanges d'incompréhension entre singes et humains, ce film bavard est une pierre dans le jardin de Tim Burton. Seul Tim Roth (prononcez à l'espagnole en roulant le "r" comme s'il y en avait 6 à la file, l'homme est très sensible à l'expression de ses origines andalouses) surnage en chimpanzé cabotin et plein de colère. Certains producteurs inquiets ont obligé Tim Burton à utiliser la jeune et fringante Estella Warren qui n'est là que pour suggérer son anatomie, ses talents d'actrice étant très relatifs. Cette jeune femme à la carrière brisée a été vue pour la dernière fois posant devant un véhicule chromé en 2006, lors d'une fête donnée par un certain Dave Navarro, rock-star locale à la ramasse, l'œil lourd et les bras en croix.


La Planète des Singes de Tim Burton avec Mark Wahlberg, Helena Bonham et Tim Roth (2001)

10 commentaires:

  1. C'est l'article d'un homme qui a subi un choc, sur le film d'un homme qui en a subi plus d'un et qui lui ne s'en remettra jamais :D

    Dans un entretien récemment donné aux Cahiers du cinéma à propos de Two Lovers et de sa carrière en général, James Gray disait que lui et Joaquin Phoenix sont prêts à accorder leurs violons pour affirmer que Mark Whalberg est un homme diablement intelligent, né dans les quartiers rudes de Boston et fort d'un caractère et d'une science peu communs, et qu'il n'y a pas pire erreur que celle commise par ce débile profond qu'est Tim Burton, à savoir lui donner des rôles de gros débile musclé dans des films à effets spéciaux purement débiles. Je crois qu'il n'ont pas tort. En tout cas quand il dise que c'est un des acteurs les plus intéressants de sa génération.

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  2. Merci pour ce long travail d'investigation.

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  3. C'est un grand article.
    Les passages de traduction sont géniaux.
    Hourra Poulpard !

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  4. Fameux article, Darcheville ! C'est clairement un mauvais film, pour la bonne raison de BASE que les esclaves, toutes salopes soient-elles, ne peuvent pas être bonnes, pour des raisons clairement anthropologiques et sanitaires.
    Timur tu mens.

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  5. Il est géant ton article. Je me suis dit que ca pouvait pas venir des deux gros en lisant "jsé kcé toi jsé cé toi", parce qu'ils n'écoutent pas Europe 2. Je métais pas gourré.

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  6. Très bel article. J'imagine bien Marky Mark lire le script sur les origines de Tim à Bagdad en buvant son Milky Milk.

    Je voyais les choses de cette façon : Tim voulait tourner un film avec l'acteur black qui montait à cette époque : Michael Duncan Clarke très apprécié dans La Ligne Verte et Armageddon. Seulement voilà, Michael désirait ardemment jouer le personnage principal de La Planète des Singes. Mésentente aidante, Tim a cru que Michael parlait du rôle du singe en chef. Pour sa décharge, Tim vient d'une banlieue US typique de confession juive-catholique-protestante. C'est dans le milieu du cinéma qu'il a rencontré pour la première fois des afro-américains. Avant cela, Tim croyait que tous les films dans lesquels jouaient des afro-américains étaient des ripoff, spinoff, prequelles et sequelles de La Planète des Singes. Il ne voyait donc pas comment, à l'écran, le spectateur pourrait faire la distinction. Tim s'est alors débrouillé pour trouver un producteur hollywoodien qui n'accepterait de faire le film que si Marky Mark jouait dedans le héros. Histoire de ne pas se faire casser la gueule, Tim s'est rattrapé envers Michael en proposant une fin inédite pour la série de POTA où ce sont les singes-afro-américains qui ont fondé les States of A à la place des petits blancs puritains ; d'où le non-sens final. Mais Michael s'est bien marré en matant le Lincoln simiesque. Tout le monde était content.

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  7. Cet argumentaire est assez convaincant :)

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  8. J'ai oublié de mentionner que si Marky Mark était un choix valable aux yeux de Michael D. Clarke, c'est parce que le petit boy blafard s'est fait connaître en surfant sur une vague urbaine de rap-break-dancing. En fana de musique afro-américaine, Marky Mark, aussi fana de Milky Milk, a été adoubé leader price de ce POTA.

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  9. Le Saviez-vous ?
    - En 1992, le réalisateur Peter Jackson désirait réaliser une adaptation dans un style proche d'une renaissance artistique, avec un personnage principal simiesque basé sur Léonard de Vinci, le tout sous une histoire de complot contre les humains. Roddy McDowall, qui jouait déjà dans la saga de 1968, était partant pour y enfiler de nouveau le costume. Cependant, alors que les premières discussions avaient été faites avec la 20th Century Fox, le projet fut annulé par Tom Jacobson, qui n'aimait pas la proposition de Peter Jackson. Ce dernier se tourna vers d'autres projets. 20 ans plus tard, son propre studio d'effets spéciaux Weta Digital contribua au franc succès de La Planète des singes : Les Origines.


    Weta Digital ta race !

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