Pages

31 janvier 2016

Wasabi

Wasabi est le parangon d'une catégorie de films qu'on appellera "films-prétextes", tournés pour toute autre chose que faire un film. C'est l'histoire d'un inspecteur de police obligé d'aller au Japon pour résoudre une enquête alors qu'il n'en a aucune envie, il n'aime ni l'avion, ni les nippons et encore moins les enquêtes. Le flic est affublé pour l'occasion d'un side-kick interprété par un acteur qui aurait pu être victime d'une balle perdue durant le tournage de The Crow : Michel Muller. Mais voilà, l'inspecteur de police principal est incarné par Jean Reno, plus connu au Japon que Steven Seagal. Les Japonais le surnomment "Le Loup blanc". A cause d'un problème de calendrier, il n'a pas pu jouer comme c'était prévu dans Lost in translation, un rôle pourtant écrit pour lui, celui que Scarlett Johansson a finalement repris tant bien que mal. Imaginez le premier plan avec son gros cul dans une culotte rose...




Profiter de la notoriété exceptionnelle de ce triste acteur français de l'autre côté du Pacifique c'était déjà viser bas. Un prétexte supplémentaire pour tourner le film en trois jours et passer le reste du temps à bouffer des sushis, à jouir dans des petites japonaises en profitant de passer pour des beaux gosses parce qu'on n'a pas les yeux fendus, à se prendre des grosses vagues dans la tronche et à faire des soirées karaoké endiablées. Michel Muller a dit à propos de ce séjour : "J'ai pas réussi à m'asseoir pendant quinze jours, j'ai dû dormir debout". Le gros rond rouge sur l'affiche n'est pas une allusion au drapeau du Japon, c'est un clin d’œil à l'état du gland de Jean Reno à son retour en France, ou, selon des sources plus anonymes, à l'état du fion de Michel Muller à l'issue de ce voyage en terres nippones, ça dépend, mais à ce moment-là le rond aurait dû être violet et strié de veines dégueulasses. Wasabi, c'est pas le nom d'un piment, c'est le bruit de la fermeture éclair du futal de Jean Réno.


Wasabi de Gérard Krawzczyk avec Jean Réno et Michel Muller (2001)

26 janvier 2016

Faults

Prestation coup de poing de Mary Elizabeth Winstead dans un film coup de pied signé par son mari, Riley Stearns. L'actrice, sans aucun artifice, totalement investie dans son rôle par amour conjugal, incarne Claire, une jeune femme enrôlée dans une secte dont les parents essaient de l'en sortir en faisant appel à un spécialiste du désindoctrinement, le Dr Ansel. On se rend compte au début du film que le Dr Ansel est sur la pente descendante de sa carrière, pas loin d'un virage en épingle à cheveux longé d'un mur de parpaings bien épais. Entre conférences sordides pour tenter de vendre son dernier bouquin que personne ne veut et magouilles minables pour grappiller un repas gratuit, le Dr Ansel doit aussi faire face à son créancier qui lui réclame 20 000$ (dolleurs USD!). C'est à ce moment-là qu'un couple de sexagénaires en détresse le supplie de sortir leur fille Claire de la secte dans laquelle elle a été enrôlée quelques mois plus tôt. Le Dr Ansel saute sur l'occasion en pensant faire d'une pierre deux coups et demande donc 20 000$ pour son intervention qui consiste à kidnapper la fille, la séquestrer pendant 5 jours dans une chambre d'hôtel et la ramener par le dialogue et d'autres méthodes plus inavouables vers son ancienne vie.




Le Dr Ansel se fait aider de deux guignols pour kidnapper Claire. Le kidnapping est globalement un succès même s'il est teinté de quelques accrocs (tentative de fuite avortée, baffe reçue gratuitement...). Commence alors un huis clos tétanisant dont l'issue ne sera pas du tout celle à laquelle le Dr Ansel s'attendait. Je ne vous révèle rien de plus pour vous préserver le suspense mais je vous conseille fortement ce film si vous avez un petit faible pour MEW. Pour les plus aveugles d'entre vous, cette jeune femme pourrait vous paraître plutôt quelconque et banale. Mais détrompez-vous, elle est tout simplement irradiante de charme naturel et de beauté simple. Si on la comparait à une bagnole : ok, certaines gonzesses sont des Ferrari ou des Lamborghini ; elle, elle serait plutôt la Dodge Challenger de Vanishing Point. Élégante, racée, et pour laquelle il faut attendre de faire tourner le moteur et d'appuyer sur l'accélérateur pour constater que l'on a affaire à une putain de bombe. Tout le contraire d'une Megan Fox. Victime d'aucune retouche esthétique disgracieuse, Mary Elizabeth Winstead a mis derrière elle les blockbusters dégueulasses type Die Hard 4 ou The Thing et a décidé de tourner sa carrière vers la musique et le cinéma indépendant, de vrais films à petits budgets portés par une ambition d'auteur dans la lignée de Sound of My Voice. En plus de son investissement dans le ciné indé américain, elle s'essaye aussi aux séries, fuyant décidément la créativité aux abois d'Hollywood, et nous lui souhaitons de trouver rapidement un rôle à sa (dé)mesure. Ces choix l'honorent.




Avec Faults, MEW se met au service de son compagnon dans la vie et c'est pour cela qu'elle donne véritablement tout. Sur un nuage depuis que MEW lui a donné la clé de sa porte des plaisirs, Riley Stearns s'essaye au cinéma expérimental dans une atmosphère lynchéenne à souhait : panoramiques survoltés pendant une discussion sans enjeux, lents travellings quasiment imperceptibles à l’œil nu durant les scènes les plus tendues, cadrages osés à ras la raie des fesses de sa dulcinée, gros plans angoissants sur des boutons de portes, effets de lumière déconcertants... Pour son premier long métrage, Riley Steams est littéralement "on fire", transcendé par le fait d'avoir pour vedette de son film sa propre femme, au zénith de sa beauté de jeune maman. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, Faults n'est pas un chef-d’œuvre, simplement un premier film modeste, aux nombreuses qualités et plein de belles intentions. Un must-see pour les fans de MEW !


Faults de Riley Stearns avec Mary Elizabeth Winstead (2015)

23 janvier 2016

Bringing Up Bobby

Première critique écrite en anglais, car on aimerait que la première intéressée parvienne à nous lire, même si nous savons les américains plus susceptibles, et plus prompts à traîner leur prochain en justice. First article in english because we would like to be read by our human target : Famke Janssen. In France, to pronounce her name correctly, you have to hit a dog twice in the stomach and pray it suffers a lot. Famke Janssen is a hottie. She was born on november 5, 1964, in Amsterdam, but she looks like she was actually born on april 1st, 1802, in a bad place of evil. Everybody think she is a half-norwegian half-caraibean woman, but the truth is less funny. She comes from a low-lying country, a land as flat as her boobs (that are unpleasant to look at). She studied economics and mathematics (which she called "the stupidest thing she ever heard") for a year in Nam and for another year in her homeland countryside. Then, she decided to look further and went to L.A. (Los Angeles), California, to realize her true dream : become an actress, or at least a supermodel for supermarkets.




Her first film was a long feature crime drama movie called Fathers & Sons. She played the father, a man who had big problems of identity. This movie was a failure, to her and her relatives. So she came back to Amsterdam, with her tail between her legs. Out there, mummy Janssen told her daughter to pull herself together and move back to California to choose a better part. For instance, the part of a mother. After a three months headache in the Desert Valley, she won a leading role in an untitled movie, in which she was the love interest of Jeff Goldblum (who back then was called Jeffrey). This film was not a big success but two or three journalists liked her perfomance and praised it in the columns of their wallpapers. The best was not yet to come.




Her breakout year was undoubtely 1995, when she appeared as the James Bond's enemy in GoldenEye opposite the very handsome but also very selfish Pierce Brosnan. Famke received strong critical acclaim for her electrifying performance as the so-called "femme fatale" Xenia Onatopp (this tremendous name was a direct suggestion made by the actress). Pierce Brosnan told his best friend that she was, from his point of view, one of the biggest "femme fatale" he ever saw. He thought that she made a honest James Bond girl and, one night, he proposed Framke to be his wife for the evening. She refused and it was a very surprising heartbreak for Pierce, who was at this moment the number one fucker of L.A.. However, Framke's career was now on track. Destination Graceland.




Her filmography is the actual proof that God doesn't exist. Or, if he does, he doesn't give a fuck about mankind. Framke Janssen exploded in such films as La Maison de l'horreur, Celebrity and The Faculty : a lot of secondhand movies that cannot be seen whitout one decalitre of alcohol in the blood. Her career was well established but she needed a second breath, a new wind. She accepted to play again a guy nammed Jean Grey in X-Men and it was, as she told newspapers, "the biggest luck (she) had since the day (her) dog Titi Henry avoided a fast riding truck in the motorway". In fact, X-Men was an international success. The kind of movie even your uncle Scefo has seen. Framke Janssen bought a castle in Spain and a house in New Orleans. 




But the natural brunette has more than one trick up her leather handbag and now her idea is to go behind the camera, she wants to make her own movie. Here comes Bringing Up Bobby ! Her first and last film. The story is simple as a "bonjour" : a european con artist (played by the destroyed Famke's lookalike Milla Jovovich) moves with her son to a conservative neighborhood in Oklahoma in an effort to build a better future in the compagny of Great Guy's wallet (Great Guy is the name of the character, who is being played by Bill Pullman), but it doesn't take long for her past to catch up with her, and for her son's behavior to cause problems of their own. To say the truth without lying, Bringing Up Bobby is an OK movie to watch but there is nothing amazing. A nothing type movie that feels like it was made just to make a movie. Let's say "B-", as english people use to say.


Bringing up Bobby by Famke Janssen with Milla Jovovich and Bill Pullman (2011)

20 janvier 2016

Everly

Un monceau d'ignominies qui m'a valu un regard de dégoût décoché par ma chère et tendre au bout de dix minutes de giclées de sang, de gunfights, de lancés de cervelle, de scènes de torture idiotes et de très mauvais jeu d'acteur. Si Salma Hayek sort de sa condition d'épouse de milliardaire pour ça, alors c'est honteux, à moins qu'elle ait été mise face à un dilemme : jouer dans ce film de merde ou assister à une autre rencontre du Stade Rennais en gardant le sourire. Si c'est le cas on la comprend et on lui pardonne.


Everly de Joe Lynch avec Salma Hayek (2015) 

16 janvier 2016

La Rage au ventre

Il faudra un jour que l'on m'explique comment des acteurs en vogue finissent encore devant la caméra d'Antoine Fuqua. Visez un peu le CV de ce type ! The Equalizer, La Chute de la Maison Blanche, Les Larmes du Soleil... C'est un amoncellement d'ignominies. Et il nous prépare un remake des Sept Mercenaires... Toute sa carrière paraît construite autour de l'Oscar du Meilleur Acteur que Denzel Washington a réussi à remporter grâce à sa ""performance"" (notez les doubles guillemets) dans Training Day. Un vaste malentendu... Quand il signe pour le rôle de cet écorché vif qui adore en prendre plein la gueule, Jake Gyllenhaall pense forcément à la statuette dorée tant convoitée. Quand, à la sueur de son front, au prix d'un entraînement quotidien et de nombreux efforts, il échange 10 kilos de graisse contre autant de muscles, l'acteur n'a évidemment qu'une chose en tête : le sacrosaint Oscar. Quand il troque ses cheesburgers habituels contre des boîtes de sardines éco+, il n'a que la prestigieuse récompense en tête. Et il ne l'aura pas, parce que le film n'est pas sorti entre le 31 octobre et le 31 décembre ! C'est con pour lui ! Il aura d'autres occaz'... 




Rappelons que le jeune acteur est un habitué des performances de ce genre, lui qui avait déjà suivi un régime drastique pour son rôle de reporter rachitique dans le lourdingue Nightcrawler (aka Night Call en vf...) et qui avait insisté pour réellement gravir l'Everest dans le film éponyme de Baltasar Kormákur. Mais nous n'applaudirons guère ses efforts tant qu'il n'aura pas appris à mieux s'entourer. Règle numéro 1 : éviter Antoine Fuqua. Règle numéro 2 : lire et relire les scénarios proposés. La Rage au ventre est une énième histoire de rédemption par la boxe thaï. Billy Hope (Gyllenhaal), un tocard fini, sombre dans la rancœur et la drogue après avoir perdu sa femme (McAdams), flinguée par un adversaire un brin zélé lors d'un petit échauffourée post-combat. Au bord du gouffre, Billy finit par plonger : il perd tous ses biens et, surtout, la garde de sa gamine binoclarde. Pour la récupérer et pour se racheter à ses yeux dissimulés derrière d'impressionnantes loupes, une seule solution s'impose : réapprendre à boxer, repartir de zéro, et redevenir fréquentable.




"Son plus grand combat se joue hors du ring" nous annonce l'affiche. Étant donné comment Antoine Fuqua choisit de filmer les matchs de boxe, il ne pouvait pas en être autrement... Le réalisateur croit bon multiplier les gros plans tremblotants, les caméras embarquées, scotchées aux épaules ou aux poings de ses acteurs, voire collées sur le nez disgracieux de sa vedette, pour nous plonger au milieu du ring. Ça ne fonctionne pas, mais cela a au moins évité à Monsieur Fuqua quelques prises de tête, puisqu'il n'a jamais eu à réfléchir à ses cadrages, à sa mise en scène, il a apparemment composé un peu à l'aveugle, avec le "found footage" que ses GoPro vissées aux cous de ses acteurs lui avaient ramené. Je croyais qu'il s'agissait d'une histoire vraie. Il n'en est rien. Ce film ne m'aura même pas permis d'enrichir ma culture boxe. C'est une perte de temps à tous points de vue. 


La Rage au ventre d'Antoine Fuqua avec Jake Gyllenhaal, Rachel McAdams et Forest Whitaker (2015)

12 janvier 2016

Demolition Man

L'un des films phares de "l'année Sly". On est en 1993 ou 1995, Sly Stallone est à l'affiche de Cliffhanger, Judge Dredd, Assassins, et donc Demolition Man, aka D.M. (même si aller voir ce film au cinéma était tout sauf un devoir maison). Commençons par l'affiche, qui contient plus d'idées et de punchlines que la plupart des films d'action actuels. On compte sur ce seul poster pas moins de trois taglines, dont la fameuse : "Le futur n'est pas assez grand pour ces deux cons". Sly "Stallone" Snipes est opposé à l'acteur Dennis Rodman pour un duel au sommet entre un flic blanc et un truand noir. Rappel de l'histoire : Los Angeles, 1996, un flic aux méthodes un poil rustres, qui lui valent le surnom de "Demolition Man", interpelle un braqueur récidiviste sociopathe nommé Simon Phoenix. Les deux hommes s'annihilent et se retrouvent cryogénisés. 




Trente-quatre ans plus tard, dans une société aseptisée, où le mal, du crime de masse au moindre gros mot, a disparu, Simon Phoenix et le démolisseur feront un peu tache dans le tableau. En effet, Simon Phoenix se réveille plus tôt que prévu, la faute à une érection du matin vieille de 34 ans qui aura fini par élimer le caisson métallique dans lequel il était retenu prisonnier au cryo-pénitencier du coin. Malgré un lavage de cerveau longue durée, le criminel n'a rien oublié de ses petites pulsions perso et ne tarde pas à remettre la ville à sac. Pour l'arrêter, la flicaille désormais impuissante de Los Angeles, rodée aux seules contraventions pour papier jeté sur le trottoir, se propose de rebrancher l'Homme Démolition, seul capable de castrer une bonne fois pour toutes le malade à crête blonde qui rue dans les brancards. Il sera tout de même épaulé, dans le but de se familiariser avec un monde complètement nouveau, par deux policiers des temps modernes, dont une fliquette pas piquée des vers, incarnée par Sandra Bullock.




Mais avant de revenir sur ce dernier point, rappelons que le film dresse le portrait d'une société futuriste incroyablement crédible, et chaque jour qui passe donne raison à Marco Brambilla, le réalisateur, pote d'enfance de Sly (car Stallone a vécu en Italie, et les deux bambins tapaient la balle ensemble dans les ruelles de Milan). On parle beaucoup de 1984, Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451, Ravage, comme autant de dates dans la peinture de sociétés futuristes totalitaires glaçantes. Marc Brambilla affirme n'avoir lu aucune page de ces livres, et pourtant son film rivalise. Chez nous, nous avons d'un côté du salon une dvdthèque, de l'autre côté une bibliothèque, or Demolition Man est rangé dans la seconde, entre tous ces classiques de la littérature d'anticipation qui ont façonné notre esprit critique durant l'adolescence et qui nous ont fait taper du poing sur la table en plein repas, lors du troisième mariage inoubliable de Tonton Scefo, en plein toast : "A quoi bon ?!".




Les scènes et les répliques marquantes dans ce film sont indénombrables. Rappelez-vous ! "1, 8, 7, secteur nord-ouest", cette réplique nous a valu une semaine d'exclusion du bahut à l'époque, car les profs n'en pouvaient plus de nous voir lever le doigt toutes les cinq minutes juste pour réciter cette phrase avec la voix robotique du film. "Allez passer une semaine à l'ombre chez vos parents, ça vous passera", nous avait dit le principal du collège. Sauf qu'on a passé une semaine à ré-étudier le film et que la date de réintégration de l'établissement scolaire coïncidait fort heureusement avec les grandes vacances. Il y a aussi toutes ces séquences où les deux héros déballent des tonnes d'insanités pour faire griller les machins à PV qui jalonnent toutes les rues de la ville, ces ordinateurs qui filent des amendes à quiconque prononce un mot de travers. Les deux acteurs en tête d'affiche s'en donnent à cœur joie et nous ont appris des tas d'injures nouvelles. Ces fumiers de Sly et Rodman sont en roues libres du début à la fin du film. Le premier était sur son nuage. C'était l'acteur le plus bankable d'une époque où ce mot n'existait pas. L'engager, c'était s'assurer d'un retour sur investissement fracassant. Les producteurs savaient d'avance qu'ils rembourseraient tous les frais de production (y compris le fric brûlé pour ses petites facéties personnelles de starlette capricieuse), et ce dès la première projection. Quant à Rodman... Citez-nous un exemple de sportif qui a réussi à tourner dans un chef-d’œuvre, à l'exception des 22 héros de l'équipe de France dans Les Yeux dans les bleus.




Mais ce film, c'est pas que des muscles. C'est aussi de la peau, ferme en chaque endroit, celle de Sandra Bullock, alors à son zénith, malgré deux sourcils ignobles mais bien pensés pour coller au futur. Avec Eric Rohmer, Marco Brambilla est le seul cinéaste à nous avoir autant excités sur un genou (voir, et fixer du regard, le photogramme ci-dessus). On veut bien sûr parler de cette scène d'amour à distance, par wifi, entre Sly et Bullock assis face-à-face, la seconde portant un peignoir blanc qui nous a valu quelques nuits blanches. La tension érotique de cette séquence platonique a donné un gros coup de pied au cul à notre enfance. On a vite réclamé la sexualité d'un homme adulte, tirant un trait sur la pourtant fatidique période de l'adolescence. Pas de transition, pas de "passage", voyage sans escale des bacs à sable au spring break. A l'époque, Traque sur Internet, Speed, puis Demolition Man ont installé Bullock tout en haut de notre palmarès perso, aussi garde-t-on une affection éternelle pour cette actrice. Et quand maman s'est rendue compte que, sur les murs de la chambre, les photos de Meg Ryan, idole de notre enfance, aimée d'un amour tendre et désintéressé pour la joliesse et la douceur de ses traits de petite blonde à la manque, avaient laissé place à celles de Sandra Bullock, elle nous a simplement murmuré : "T'as un peu changé..." Bref, Demolition Man est un film qui a beaucoup compté pour nous, et on comprend parfaitement que Marco Brambilla n'ait rien tourné ensuite, un peu à la façon de Charles Laughton. One perfect shot.


Demolition Man de Marco Brambilla avec Sylverster Stallone, Dennis Rodman et Sandra Bullock (1993)

7 janvier 2016

L'Homme irrationnel

Il y a un moment que je déteste chaque année, c’est le passage à l’heure d’hiver. C’est triste à se foutre par la fenêtre. Le seul équivalent que je puisse trouver, un autre truc récurrent, qui nous fout le coup du lapin chaque année, qui s'acharne à ruiner l'humeur de tout un peuple, plus ou moins à la même période, c’est les films de Woody Allen. Sauf que ça, on peut y couper. Suffit de pas les mater. Pas besoin de déménager. C’est un gros plus des films de Woody Allen sur l’heure d’hiver. Le seul. Et encore. Parce qu’en fin de compte, même quand on a décidé de ne pas regarder ses films, on finit toujours pas tomber sur l’un d’eux, sans vraiment l’avoir cherché, bien au contraire. C’est ce qui m’est arrivé avec le dernier, L’Homme irrationnel, alors que j’avais consciencieusement raté quelques uns des précédents opus du binoclard le plus vétuste de l’histoire contemporaine du 7ème art.


Woody Allen donne dans le placement de produit abusif et insupportable. Je parle d'Emma Stone.

Ce n’est sans doute pas le pire titre de sa filmographie récente, mais mon dieu que ce n’est pas significatif ! D’abord, si vous cherchez à vous marrer, tracez votre route au loin. Pas l’ombre d’un gag ou d’une réplique comique dans ce long métrage. Si vous aimez les personnages bien construits, idem, faites comme le chien de Jean Nivelle, celui qui fout le camp quand on l'appelle. Si vous aimez le cinéma en général, mettez les bouts, hissez la grand voile, zigzaguez au large. Et c’est dommage, parce que c’est néanmoins pas si mal foutu, pas toujours désagréable, malgré le vieux jazz huileux qu’on nous balance à la tronche toutes les quinze secondes environ. Que nous raconte Woody ? L’histoire d’un prof de philo totalement dépressif, alcoolique, drogué, suicidaire, tout ça suite à la mort de son meilleur ami en Irak et au départ de sa femme. Il est incarné par Joaquin Phoenix, qui fait le job, sans se fouler, pépère, affublé d’un gros bide lourdement mis en avant par le port de t-shirts étirés et ridicules. Le type, véritable légende urbaine, fantasme de tous les amphis, débarque dans une nouvelle université où il est tout de suite agressé sexuellement par une prof (Parker Posey), la cinquantaine en manque d’orgasmes, et une étudiante (Emma Stone), la vingtaine franchement impressionnée par le mot « existentialisme » (la philo tourne autour de ce mot selon Woody Allen, tandis que non loin gravitent, brumeux, les noms de Kant et de Heidegger, ce qui en dit déjà long…). Sauf que le docteur ès Simone Sarstre ne bande plus.


Cette scène-clé, cruciale, le tournant du film, est à peu près aussi platement filmée que tout le reste.

Heureusement, Abe, car c'est son nom, retrouve le chemin des filets quand lui et son étudiante à la manque surprennent une conversation dans un bar : une mère de famille se plaint de son divorce et d’un juge malveillant prêt à lui sucrer la garde de ses gosses au profit d’un père irresponsable. Dans la seconde qui suit, le prof de philo pour les nazes décide de mettre un terme à la vie du fameux juge, afin de soulager celle de cette parfaite inconnue qui chialait dans le bar et de donner un sens à sa propre existence (il retrouve illico le goût des aliments, la sensation du grand air et le plaisir universel de la turgescence). Il a déjà donné en matière d’aide humanitaire par le passé, mais tout cela ne sert à rien d’après lui. En prime, c’est pendant qu’il aidait les victimes du tsunami à Taïpeï que sa femme s’est barrée avec son collègue de chambrée. Par conséquent il trouve terriblement plus efficace, pour participer à améliorer la vie sur terre, de tuer un type sur la seule base d’une conversation privée épiée pendant cinq minutes. Ce type qu’on nous a vendu, durant toute l’introduction, comme un puits de science, un esprit brillant, un génie de la pensée, l'équivalent humain du gros cerveau arachnide suintant et rampant qui fout la merde dans Starship Troopers, décide de tout mettre en œuvre pour abattre un gars dont il ne sait rien en se basant en tout et pour tout sur une brève de comptoir. Parlez-moi d’un connard…


Avant de tuer le juge, Joaquin Phoenix lui lâche une petite perlouse discretos. Tout ceux qui ont déjà commis ce genre d'attentat en lieu public reconnaitront la précision du gestus de ce grand acteur.

Quand c’est là la base du scénario, ma parole, quelque chose ne tourne pas rond. Et quand en prime Woody Allen se sert de tout un tas de ficelles qui relèvent au final de l’énorme cordage de paquebot, voire de la poutrelle en acier trempé, pour justifier que le crime parfait de son héros finisse par rejaillir et l'éclabousser, comme toutes ces conversations quotidiennes autour de la mort du juge, qu’aucun des personnages ne connaissait, et dont tout le monde devrait se foutre (ça vous arrive souvent, vous, de commenter pendant des plombes un petit fait divers minable lu dans le journal avant d’arriver chez vos beaux-parents, et de passer tout le dessert à tenter d’élucider le mystère en famille... mieux, de tomber bizarrement juste ? Sans déconner…), c'est le signe qu'il est vraiment important de remettre l'ouvrage sur le métier pendant quelques années. La fin, que je ne vous dévoile pas, car je reste correct, même après avoir vu ce film, est pathétique elle aussi. Le personnage principal achève de ne plus tenir debout, Emma Stone s’énerve et exprime, à l'aide de ses traits faciaux, cet énervement (ce qui n’est jamais bon pour nos yeux innocents), et Woody Alien use et abuse d’une symbolique lourdaude à souhait, à peu près aussi pataude que le titre même de son film, qui annonce certes la couleur (tout cela n'a aucun sens) mais se révèle d’une prétention démesurée quand on est face à l’objet final.


L'Homme irrationnel de Woody Allen avec Joaquin Phoenix et Emma Stone (2015)

2 janvier 2016

Les Marmottes

10 novembre 1993 : Les Marmottes d'Elie Chouraqui sort sur nos écrans. 22 décembre 1994 : le film est pour la première fois diffusé sur Canal +. Ma famille est abonnée. Soudain, c'est le drame. J'ai 9 ans. Mes vacances de Noël sont ruinées. Mon amour naissant pour le cinéma est mis à mal. Tout cinéphile a vécu des traumatismes, des chocs successifs qui ont façonné ses goûts, ses préférences. Tout cinéphile a une trajectoire personnelle générée par ses coups de cœur enfantins, ses découvertes de passionné affirmé, ses déceptions juvéniles ou ses trauma formateurs. Le visionnage des Marmottes correspond en ce qui me concerne à un véritable trou noir dans ma vie de cinéphage. Ma fraîche passion se voyait aspirée par ce film diabolique. Anéantie. Poussée dans ses derniers retranchements. Rouée de coups. Bousculée comme jamais. Les Marmottes est un tel supplice ! Matez l'affiche, ça donne un petit avant-goût.


Au secours !

Au scénario de ce film chorale détestable, on retrouvait déjà l'infâme Danièle Thompson. C'est dingue ce que cette femme a pu accumuler comme haine chez moi, dès mon plus jeune âge ! Un jour, j'aurais sa vieille tronche empaillée dans mon salon, au-dessus de la cheminée. A l'écran : Jean-Hugues Anglade, Jacqueline Bisset, André Dussollier, Gérard Lanvin, Anouk Aimée, Marie Trintignant, Daniel Gélin, Christopher Thompson et Virginie Ledoyen. Beaucoup de gros noms bankables qui tâchent. Tous ces gens-là, à l'exception notable de Virginie Ledoyen (crush adolescent persistant...), devaient être bannis de mon panthéon personnel. C'était forcément tous des gros salopards, puisqu'ils avaient joué dans cette abomination ! Quand on est gosse, on a le raccourci facile, il ne faut pas m'en vouloir... Je ne voulais plus jamais recroiser leurs gueules. Plus jamais. C'était un réflexe de pure autodéfense. Ils étaient définitivement associés à ces deux heures de tortures non-stop vécues sans consentement. Heureusement, je me suis beaucoup adouci avec l'âge et la rancœur a fini par se dissiper quelque peu. Je suis même devenu fan d'André Dussollier, que je considère comme un ami, même s'il ne me connaît pas. A l'époque, Elie Chouraqui s'en était tiré indemne car je ne m'intéressais pas encore au nom du réalisateur. Ce n'est qu'aujourd'hui que je fais le rapprochement et que je lui en veux à mort. J'apprends à l'instant qu'Elie Chouraqui s'est fait la main en tant qu'assistant réalisateur de Claude Lelouch. Plus rien ne m'étonne !

J'en veux encore à mes parents et à la Vie !


Les Marmottes d'Elie Chouraqui avec Jean-Hugues Anglade, Jacqueline Bisset, André Dussollier, Gérard Lanvin, Anouk Aimée, Marie Trintignant, Daniel Gélin et Virginie Ledoyen (1993)