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29 juillet 2023

Mission : Impossible – Dead Reckoning Partie 1

La saga Mission : Impossible, c'est un peu comme les Jason, on finit par avoir un mal de chien à les identifier, à les dissocier les uns des autres. C'est un bon test cognitif pour soi-même. Le premier, c'est facile, c'est celui de De Palma où Tom Cruise joue encore collectif, avec Jean Reno, Béart et compagnie. Le TGV dans le tunnel sous la Manche, la goutte de sueur qui menace de déclencher l'alarme. Ok, facile, on a pu en causer ici sans souci en s'appuyant seulement sur nos très vagues souvenirs. Je l'ai revu depuis dans le cadre de ma réhabilitation personnelle de Brian de Palma et je considère toujours que ce film est loin de faire partie de ses meilleurs et qu'il correspond hélas au début du déclin de l'auteur de Body Double. Quant à Mission : Impossible II, la bande-annonce, à l'époque laborieusement téléchargée en 56k, m'avait scotché : on y voyait Tom Cruise escalader en solo intégral une falaise verticale et se mettre en danger de mort inutilement suite à une glissade, pour mieux se rattraper à une corniche dans un geste impossible, nous montrer ses muscles saillants et nous adresser un regard-caméra plein de défi. J'étais alors facilement impressionnable et le remix du fameux thème musical de la série, plutôt chiadé, jouait aussi son rôle. Le reste était à chier. John Woo et ses quelques envolées de colombes. Tom Cruise et ses cheveux longs qui le rapetissent encore davantage. Thandie Newton aux abois. Bref, un raté. 


Représentation abstraite de ma mémoire à l'évocation d'un Mission : Impossible ? Non, représentation signée McQuarrie de l'Éntité, l'intelligence artificielle malfaisante du film. Mouais...

Dès le troisième opus, ça se corse davantage, ma mémoire me joue des tours, et je ne peux pas lui en vouloir. Je ne garde quasi aucun souvenir de l'épisode signé JJ Abrams (comme  tout ce qu'a fait cet homme-là), si ce n'est de brèves images de Phil Seymour Hoffman sous-exploité en vilain, de Michelle Monaghan en épouse éplorée, et de Tom Cruise glissant arme au poing dans les lens flares. Peut-être le pire. À partir du 4, l'amalgame nous tend encore plus les bras. Peut-être parce que Christopher McQuarrie, le lieutenant de Tom Cruise, passe aux commandes, d'abord au scénario. Ghost Protocol, c'est un générique en CGI en forme de clin d’œil à la maison Pixar dont est issu Brad Bird, le réalisateur embauché par la gigastar pour redonner du peps à sa saga. Une escapade à Dubaï, la robe fendue de Paula Patton, une apparition délicate de Seydoux. Voilà tout ce qui m'en reste. Le 5, le 6 et à présent le 7 forment dans mon esprit une seule et même bouillie. Tout à fait digeste mais sans réelle saveur. Il y a une grosse baston dans des toilettes, peut-être dans le 6. Une course à motos, peut-être dans le 5. Et aussi le 6. Je ne sais plus. L'arrivée de Rebecca Ferguson, un atout non-négligeable, sacrifiée bêtement cette année, est à noter. Et encore et toujours les mêmes pesants défauts. Malgré cela, les M:I demeurent légèrement au-dessus du lot. Faut dire que quand la concurrence se nomme Fast & Furious XII, c'est pas si difficile.


Il y a à peu près la même ambiance dans la voiture quand je prends le volant sur les routes des vacances...

Cette fois-ci, Tom Cruise et sa bande sont donc à la recherche d'une clé ridicule qui permettrait de désactiver une intelligence artificielle aux idées de grandeur de plus en plus inquiétantes. Cette quête mène l'autoproclamé sauveur du cinéma de divertissement hollywoodien aux quatre coins du monde, comme d'habitude. Toujours aidé par les fidèles Simon Pegg (ici adorable) et Ving Rhames (en mode moins j'en fais, mieux je me porte), il s'associe à une pickpocket professionnelle, incarnée par Hayley Atwell, une recrue bienvenue : c'est bien simple, quand ce n'est plus elle qui dicte le tempo du film, celui-ci retombe dans la médiocrité. Les antagonistes que Tom Cruise croise sur son chemin sont, principalement, deux agents de la CIA au courant de rien, une mystérieuse mercenaire nommée Paris parce qu'elle est française, et un individu malfaisant surgi du lointain passé du héros. Ce soldat zélé au service de l'IA est le grand vilain du film et l'on peut s'étonner qu'il soit incarné par un latino a l'air goguenard, le teint hâlé, en chemise pastel légère et pantalon blanc en lin, on dirait un touriste qui profite d'un moment de tranquillité, débarrassé de femme et enfants. Tom Cruise doit être fan de La Bamba, c'est comme cela que j'explique qu'il ait pu filer ce rôle à Esai Morales, la co-star de Lou Diamond Phillips dans le biopic de Ritchie Valens. Vous l'aurez compris : il est l'un des boulets du film. Bien sûr, on ne sait rien de ses motivations personnelles, ce qui ne comble donc en rien le manque de charisme de ce vilain de pacotille.


Quand Tom Cruise prend le train, ça finit souvent sur le toit...

On connaît l'ambition de Tom Cruise d'écraser la concurrence quand il sort un nouveau film de sa saga fétiche, d'où son goût pour des scènes d'action interminables qui en offrent toujours plus. Cela donne ici lieu à quelques bons moments, il faut bien le reconnaître, mais ceux-ci sont parfois bien planqués, coincés entre deux passages plus fastidieux, déjà vus et revus, ou refoulés à l'issue d'une longue séquence d'action assommante, sans grand intérêt. On se tape ainsi une énième baston peu emballante sur le toit d'un train lancé à pleine vitesse, où Cruise et son ennemi font toujours bien attention à se balancer à tour de rôle dans le sens de la longueur, triste moment qui atteste de nouveau l'incapacité de McQuarrie à filmer convenablement les bagarres quand celles-ci ne se déroulent guère dans des teuchios (auparavant, des échauffourées dans les ruelles et sur les ponts étroits de Venise auront eu le temps de nous saouler). Mais, à la suite de cette bagarre minable, Cruise et Atwell se retrouvent prisonniers de wagons dont ils doivent s'extirper un à un avant qu'ils ne chutent dans le vide, et cela devient enfin très plaisant. Je retiendrai deux autres scènes où McQuarrie semble s'être sorti les doigts (excusez cette expression familière). Je pense d'abord à la longue séquence de l'aéroport d'Abou Dabi où l'on suit une double filature (Tom Cruise pourchassant la pickpocket tandis qu'il est lui-même marqué à la culotte par la CIA) parallèlement à la désactivation, par l'astucieux Pegg (ne me demandez pas pourquoi, je l'aime bien là-dedans, il sue tout le temps, panique, s'énerve, pète les plombs, il est le seul à paraître humain), d'une bombe nucléaire cachée dans un des bagages qui transite en sous-sol. Tous les événements s'enchaînent agréablement via un montage efficace. On ressent alors le plaisir que l'on était venu chercher en consentant de passer le seuil de la porte vitrée du multiplexe inhumain. Et il y a ensuite la course-poursuite en voiture, en deux temps, dans les rues de Rome, qui prend une tournure comique et amusante à partir du moment où, menottés, Atwell et Cruise conduisent ensemble une Fiat 500 jaune étonnamment pimpée. On y casse pas mal de matériel, ce qui est toujours une chose appréciable. 


Du jamais vu, même à la SNCF !

Dans les 163 minutes que comptent cet épisode, il y en a donc bien 20 de bonnes, ce qui est déjà pas mal quand on espérait rien. Le reste est soit passable, plombé par un scénario qui perd progressivement en limpidité, soit carrément médiocre, flingué par le manque d'imagination et d'audace de l'équipe réunie autour du projet, pilotée de trop près par un acteur démiurge qui uniformise à présent tout ce dans quoi il tourne, ne laissant plus leur chance à des cinéastes qui n'obéiraient pas au doigt et à l'œil. Dans le pire de Dead Reckoning, il y a cette longue et lourde scène de discussion dans une boîte de nuit vénitienne : la tension est aux abonnés absents et l'on ne peut s'empêcher de trouver criante de pauvreté la façon du réalisateur de filmer, sous des angles ridicules et entre une succession de gros plans usants sur des tronches qui bavardent, les écrans et projections d'images virtuelles abstraites qui décorent la pièce, ceci afin de rendre palpable et menaçante la présence de l'intelligence artificielle malveillante, qui cernent littéralement les personnages (on préfère l'Entité de Sidney J. Furie). Le pari était certes compliqué sur le papier et, sans surprise, McQuarrie, en bon artisan limité qu'il est, n'a pas su le relever. Heureusement, il y a là-dedans une petite touche d'humour, d'autodérision, qui participe pour beaucoup à notre indulgence. Éternel héros, de plus en plus pris de vitesse mais toujours là de justesse, Tom Cruise veut nous amuser et nous divertir, il n'y parvient que trop rarement, par intermittence, mais, dans le contexte actuel du gros cinéma hollywoodien, c'est déjà ça. 


Mission : Impossible – Dead Reckoning Partie 1 de Christopher McQuarrie avec Tom Cruise, Simon Pegg, Rebecca Ferguson, Esai Morales et Hayley Atwell

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