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20 juillet 2018

Split

Comme tout fan de Schumi, moi, l'être bicéphale aux commandes de ce blog cinéphile, j'attendais Split la bave aux lèvres. Quand j'ai croisé l'affiche format A3 dans les couloirs du métro, j'ai dû changer de froc. Rappel de la tagline du film : « Kevin a 23 personnalités, la 24ème est sur le point de toutes les déglinguer ». Cette accroche m'a laissé croire un instant que Schumi avait signé un biopic de ma bête noire du collège : Kevin Chapelet. Ce mec-là avait au minimum 18 personnalités, et 17 d'entre elles m'avaient choisi comme cible et me frappaient sur la gueule à la récré. L'autre, la 18ème, venait s'excuser, une fois tous les 36 du mois. Aussitôt le "pardon" proféré, retour à la 1ère personnalité qui dirigeait mon regard de chien battu (en m'attrapant par la nuque) vers ses doigts réunis en forme de cercle avant de marquer d'un X l'emplacement, sur mon épaule de verre, puis de m'atomiser l'os du bras pour finalement l'essuyer d'un revers de la main. Alors, la 2ème personnalité de Chapelet de prendre le relai et de me faire ce qu'on appelle au Japon une "olive" (mais sans les vêtements), autrement dit de m'enfiler un poing directement dans le rectum. Mais assez parlé de Chapelet. Je n'aime pas la nostalgie, les gens qui n'arrêtent pas de ressasser les années bahut. Je sais déjà que je ne dormirai pas ce soir. Je viens de faire une croix sur ma nuit (et donc ma journée de demain).




Avouons-le tout net, on n'a pas été plus emballés que ça par 98% Split, qui se laisse regarder mais qui devenait décevant crescendo. Au point que, dix minutes avant la fin, l'un de nous deux avait une main sur le bigophone pour appeler directement Schumi afin de lui demander quelques explications. C'était sans compter sur sa malice habituelle, son espièglerie coutumière, ses facéties de maestro, y compris face à un tribunal très remonté après un délit cinématographique comme After Earth (tel Zizou effaçant deux brésiliens de plus, quitte à revenir sur ses pas, vers son but, alors que la cage adverse était vide, juste histoire de la leur faire "à l'envers"). Bref, nous n'en menions pas large mais c'était sans compter sur ce one perfect shot quasi-final, qu'annonçait une bribe de mélodie bien connue, deux ou trois accords mineurs plaqués par un James Newton Howard Of The Best Sountrack jusqu'alors endormi, ces notes de crécelle venues pincer une corde sensible au plus profond de nos petits cœurs. Plusieurs témoignages concordent : 9 spectateurs sur 10 de Split, parmi ceux qui jusque là n'en avaient selon leurs propres termes "rien à branler du film", se sont mis à twerker sur leur fauteuil en entendant ces accords immédiatement reconnaissables, parmi les plus dansants du nouveau millénaire.




Quinze ans qu'on attendait ça. La moitié d'une vie. Un quart de siècle à attendre, assis dans une chambre noire, la suite d'Incassable, le meilleur film des années 00s loin devant Mulholland Drive. En opérant ce travelling simple, avant puis arrière, sur une télévision puis vers le comptoir d'un bar où se trouve attablé, coudes sur le zinc, le bellissime et désormais trop rare (à moins d'aimer les films à la merde) Bruce Willis, le bienaimé Schumi rattrape 1h50 de stress (pour le spectateur). Le secret de cette scène est qu'elle a été filmée avec une caméra légère, une Arriflex, sans blimp, manœuvrée par un directeur de la photo et un metteur en scène vissés au combo (venu remplacer pour les besoins du tournage la tireuse à bière Perferkdraft du troquet). Il y avait mille et une façons de tourner cette scène. Schumi, du haut de sa grande sagesse bouddhiste, a choisi la seule qui vaille. C'est plus qu'un twist, c'est plus qu'un caméo, c'est un nœud gordien dans notre estomac et une boucle de bouclée dans l'univers cinéphage. C'est un pied de nez adressé à tous ces films qui s'échinent à réunir des super-héros de pacotille sur fond vert en alignant des milliards de dollars et qui n'arrivent pourtant à créer aucune émotion, aucune excitation. Contrepied parfait pour Schumi, à qui il suffit de nous montrer, dix secondes durant, Bruce Willis sifflotant un kefta vêtu de son bleu de travail floqué "Dunn" pour nous la coller à la glotte dans un bruit sec : "tak".




C'est la première fois qu'on trace des croix sur un calendrier, jour après jour... Une fois la croix tracée, on attend sagement minuit pour pouvoir en tracer une nouvelle au compas, la conscience tranquille, assurés qu'un jour de moins nous sépare de la sortie future de Glass, qui réunira donc Bruce Willis, Samuel L. Jackson, James McAvoy et Anya Taylor‑Joy. Mais qui réunira surtout Félix, Rémi, He, Me, Myself, Yourself and Yours devant un écran de ciné, plus excités que le jour de la sortie de Mrs Doubtfire, et c'est pas peu dire (on était comme des fous !). C'est la première fois qu'on compte les jours comme ça. Si on oublie notre séjour en taule. Comment supporter l'attente ? 142 pages de script. 2h04 de métrage. 19/01/19. 19/01/19. 19/01/19. On a le temps de crever trois fois d'ici là. Surtout sous Macron. Mais on y croit. On compte les jours. La scène finale de Split, c'était les 5 meilleures minutes qu'on aura vécues en 2017. C'était le beau message d'un ami qui, maintenant qu'il va mieux, nous affirme qu'il est désormais prêt à honorer de vieilles promesses. Merci Schumi.


Split de M. Night Shyamalan avec Anya Taylor‑Joy, James McAvoy et Betty Buckley (2017)

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