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12 juillet 2013

La Rochelle 2013 - 1ère partie



Le Festival International du Film de La Rochelle 2013 s'est achevé dimanche dernier. Ce très agréable festival, fort bien organisé, mérite qu'on parle de lui, et parler de lui c'est parler des films qu'il propose. Je pourrais m'étendre sur le cadre assez idéal, les salles de cinéma sur les berges du vieux port, l'immense et superbe salle de la Coursive, tout près de l'océan, les gaufres au chocolat à la sortie des séances, les glaces gigantesques aux mille et un parfums de chez Ernest, les plateaux de fruits de mer des petits restaurants alentour et, plus globalement, la très belle ville de La Rochelle. Mais c'est le festival qui compte ici, et la pléthore de films qu'il diffuse. Entre classiques et nouveautés projetées en avant-première, la sélection est foisonnante et forcément frustrante. Voici malgré tout un petit bilan des 13 films vus là-bas cette année, bilan divisé en deux parties, une première consacrée aux avant-premières, une seconde aux rétrospectives. Sans plus tarder, place aux films :


Grand Central de Rebecca Zlotowski (28 août 2013)


J'avais raté Belle épine, le premier film de Rebecca Zlotowski. Je sais désormais que je ne le verrai jamais. Avec le très mauvais Grand Central, l'ancienne étudiante de la Fémis nous livre un film comme on en a déjà vu par wagons entiers. Ce genre de film qui n'a rien à dire mais qui le dit quand même, et qui, pour se donner des airs ou une légitimité, noie la petite romance adultérine minable supposée faire le sel de son récit dans un univers ultra-réaliste. On a droit à notre petite étude de cas habituelle sur des petits délinquants et autres marginaux embauchés à la hâte pour bosser dans le réacteur d'une usine nucléaire. Le deuxième long métrage de Zlotowski s'inscrit parmi ces tonnes de films français que l'on croirait uniquement faits pour illustrer gentiment quelques débats sociétaux de rigueur. Et pour achever de se donner de l'importance, le film applique sur ce très sérieux tableau naturaliste (mais même l'aspect documentaire sonne souvent faux) une mise en scène essoufflante, toute en musique saccadée et en caméra portée, pour créer des effets d'annonce ridicules et faire grimper la tension, quitte à ce qu'elle ne débouche sur rien. 

Plus ou moins filmé comme du Audiard (compagnon de Zlotowski…), le film roule des mécaniques sur un vide absolu. Les personnages sont autant de clichés sur pieds, l'histoire est idiote, déjà vue et revue, les effets de manche s'enchainent, le scénario est si bâclé que certains éléments du récit débarquent tout d'un coup comme autant de cheveux sur la soupe avant de totalement disparaître de la circulation, et le film s'enfonce de plus en plus dans la médiocrité, au point qu'on a quelques fois envie de franchement rigoler (ce plan sur la pomme emportée dans la rigole, dans la très laide scène de mariage au ralenti…). Quant aux acteurs ? Tahar Rahim fait ce qu'il a pour l'instant toujours fait, Olivier Gourmet c'est idem, il joue relativement bien même s'il joue toujours le même rôle (Niels Arestrup aurait pu le remplacer, ils sont interchangeables), et Léa Seydoux lasse plus que jamais dans le rôle de la pauvre fille "vraie", vulgaire et ravagée. Film maniéré et creux, qui s'achève en prime de façon particulièrement ridicule, Grand Central est une chose bien vaine et bien pénible.



Tip Top de Serge Bozon (11 septembre 2013)


On m'avait prévenu : le film est malaisant, il est "autre". Je dirais qu'il est embarrassant, et qu'il se vautre. Tip Top est quasiment irregardable, presque insupportable. Rester jusqu'au bout est déjà un exploit. D'ailleurs la salle, archi-pleine au départ, s'est vidée petit à petit. On s'ennuie mortellement devant le dernier film de Serge Bozon, dont le précédent long métrage, La France, lui-même très déstabilisant, totalement à part, parvenait pourtant à être aussi gênant que poétique. Aucune poésie à l'horizon de Tip Top, aucune drôlerie non plus, et ce ne serait pas si grave si le film, en dehors de quelques brusques changements de ton volontaires, n’essayait de faire rire de bout en bout. Impossible de faire la liste des gags visuels ou verbaux qui tombent violemment à l'eau, la faute à une mise en scène impuissante, tout simplement. Les acteurs n'y sont pour rien. Huppert n'est guère fascinante en flic stricte et excentrique, mais elle fait le travail. François Damiens se démène et sauve ses scènes du naufrage une ou deux fois, même si très vite le spectateur n'a plus du tout envie de rire, ni ne serait-ce que de sourire, à ses vagues facéties.

A ce propos, Tip Top est l'anti-La Fille du 14 juillet, où certains gags ratés se laissent apprécier au milieu d'une foule de franches réussites humoristiques. Ici, même quand François Damiens, voire Sandrine Kiberlain, ont une bonne réplique, bien dite en prime, le rire ne sort pas : on est trop crispé par la masse des gags ratés, par un scénario de polar vaguement alambiqué mais surtout extrêmement daté (dans le fond et dans la forme), par de fausses bonnes idées (les flics tapent et matent, les deux femmes-flics de la police des polices, dans l'intimité de la chambre à coucher, tapent et matent…), par de vraies mauvaises idées (ces scènes où Isabelle Huppert et Samy Naceri prennent leur pied en se frappant jusqu'au sang, c'est si peu drôle que c'est gênant), et par l'aspect général absolument insoutenable de l'ensemble, qui à force de bizarrerie forcée devient parfaitement épuisant et parle de la France mais se montre a priori bien incapable de lui parler.



La Bataille de Solférino de Justine Triet (18 septembre 2013)


On s'attendait à mieux après la belle surprise de La Fille du 14 juillet. Drôle de phrase, j'avoue, puisqu'on parle de deux réalisateurs différents. Mais La Bataille de Solférino est un autre premier film français de l'été 2013, il est aussi produit par Emmanuel Chaumet pour un budget dérisoire, Justine Triet fait partie de la bande encensée par les Cahiers ces derniers mois (aux côtés de Guillaume Brac, Antonin Peretjatko ou Yann Gonzalez), et fait elle aussi tourner Vincent Macaigne. La comparaison est donc permise, voire logique. Le film de Triet est malheureusement moins réjouissant que ceux de ses camarades déjà sortis. Quoique très prometteur, La Bataille de Solférino s'étire en longueur, noie ses effets et dilue son intérêt, qui réside dans l'opposition entre un grand événement historique impliquant toute une foule euphorique (l'élection de François Hollande) et un événement très intime et plutôt tragique impliquant un tout petit groupe de personnes (le conflit de deux quidams divorcés, une journaliste TV et un artiste raté, qui se disputent la garde de leurs filles). Le film est parcouru de bonnes séquences et de bonnes idées, on retrouve quelques scènes drôles (grâce aux personnages joués par Arthur Harari et Virgil Vernier, et bien sûr à Vincent Macaigne quand il est avec eux), et la longue séquence de dispute de la fin parvient à nous faire méditer sur le couple et la fin du couple : comment peut-on en arriver à se hurler dessus et à se frapper quand on s'est aimé (si toutefois ces deux cas se sont aimés...) et quand on a fait deux enfants ensemble. 

La Bataille de Solferino est donc un assez bon film qui a malheureusement le grand tort de vouloir durer une heure et demi, et les plus petits torts conjugués de se reposer sur son ingénieux dispositif d'une part, et de parfois mettre le doigt trop lourdement sur sa propre ambition d'autre part, notamment à la fin, quand, pour calmer l'assemblée après la dispute fracassante de l'ancien couple, le "médiateur" interprété par Arthur Harari met de la musique classique et, pour répondre aux remarques du personnage de Vincent Macaigne, qui se plaint des moments gais "un peu chiants" dans ce genre de morceaux, affirme qu'il apprécie au contraire l'alternance de moments tristes et de moments gais, dans un art qui se veut "totalisant". 

Devant ce film, on se dit qu'Antonin Peretjatko (même si La Fille du 14 juillet est plus diversifié et passe plus facilement - en un mot, est meilleur) et surtout Justine Triet donc, auraient peut-être dû suivre la voie de l'éclaireur Guillaume Brac et adopter le modèle d'Un Monde sans femmes : un court métrage d'une vingtaine de minutes suivi d'un moyen métrage d'environ une heure. Il semblerait que Peretjatko et Triet aient tous deux commencé par réaliser des courts métrages tout à fait dans le ton de leur premier long, ce qui aurait permis de les enchaîner de la même façon que Brac, d'articuler et de mettre en lumière leurs premiers essais tout en allégeant leurs premiers films de cinéma et en les débarrassant de leurs relatives faiblesses ou longueurs. Nous aurions ainsi assisté à la naissance d'une véritable nouvelle nouvelle vague, revendiquée dans le ton et dans la forme, unifiée par les dispositifs, les sujets et les acteurs, dont les films auraient tous été d'une belle tenue dans leurs styles respectifs, et qui aurait fait bien plus grand bruit encore.


 
A Touch of Sin de Jia Zhang-ke (11 décembre 2013)


Notre collaborateur Simon avait déjà parlé du nouveau film de Jia Zhang-ke quand il l'a vu à Cannes, je rejoins assez son avis. Très différent des films précédents du cinéaste (en tout cas de The World et de Still Life), A Touch of Sin vaut autant le détour qu'eux. Le dispositif du film est à la fois presque facile, en tout cas d'une simplicité absolue, et d'une ambition remarquable. Zhang-ke dresse un état des lieux alarmant de son pays, la Chine, à travers quatre histoires consécutives, comme dans un film à sketches, ou disons choral. Et si les deux premières histoires sont liées de très loin, les suivantes n'entretiennent aucun rapport apparent entre elles, même si des échos s'opèrent au détour de tel dialogue ou d'une photo sur un mur. Dans le premier récit, un homme ulcéré par les abus des dirigeants corrompus de son village se met à les massacrer ; dans le deuxième, un voyageur-tueur rentre chez lui après une longue absence, déclare à sa femme que rien ne lui procure de plaisir en dehors des armes à feu, tire au revolver pour remplacer les feux d'artifices qu'il n'a pas pu acheter à son fils, puis s'en va assassiner des passants dans une rue sous prétexte de voler un sac-à-main de luxe ; dans le troisième, l'hôtesse d'accueil d'un sauna, après avoir été agressée par l'épouse légitime de son amant, se venge soudain d'un client fortuné qui la harcèle et la frappe au visage avec des liasses de billets pour qu'elle se soumette à lui ; dans le quatrième et dernier récit, un jeune homme enchaîne les contrats minables dans une usine puis dans un hôtel de luxe et se fait rabrouer par une collègue call-girl qui préfère enchaîner les passes avec de grands magnats de la finance. 

La force de Zhang-ke, c'est qu'il change de genre ou de régime narratif pour chaque histoire, voire au sein même de chaque récit, allant du brûlot social violent au drame réaliste en passant par le portrait d'un psychopathe, le drame romantique intimiste, ou le film de sabre et de vengeance, le tout pour dénoncer un pays résolument pourri où le pouvoir de l'argent le plus répugnant écrase les hommes et les femmes et les pousse au meurtre ou à la mort sans que ces échappatoires n'aient rien de libérateur ou d'exaltant. Le film, rigoureusement sombre, procédant d'un mélange de distance froide et de rage bouillonnante, est d'une force implacable, même s'il faut pas mal de temps pour totalement le digérer et l'aimer.


 
L'Image manquante de Rithy Panh (2013)


Transposition à l'écran de L'élimination, indispensable ouvrage co-écrit avec Christophe Bataille l'an passé, L'image manquante est un nouveau documentaire remarquable à mettre au crédit de Rithy Panh (après S21 la machine de mort khmer rouge ou le moins marquant Les artistes du théâtre brûlé). Le film est une version très condensée d'un livre plus complet et plus disert (en cela il ne dispense pas de le lire, loin s'en faut, la part politique et documentaire du bouquin étant atténuée au profit de sa dimension plus intimiste et autobiographique), dans lequel Rithy Panh raconte le génocide cambodgien dont lui et toute sa famille furent victimes, mais il a l'immense mérite d'en offrir une vulgarisation nécessaire et d'en transformer réellement la trace dans un objet cinématographique quasi-expérimental d'une grande originalité et d'une grande force. Rithy Panh nous invite à méditer sur les images manquantes de l'Histoire, et particulièrement d'un chapitre aussi capital que celui du génocide cambodgien perpétré par les Khmers Rouges, le régime communiste instigateur du Kampuchéa Démocratique mené par des idéologues (Pol Pot en tête) jadis formés chez nous, en France, et dont les membres détruisirent consciencieusement toutes les images du cinéma de fiction qui les avait précédés ainsi que toute illustration de leurs crimes pour ne léguer aux survivants que les films de propagande réalisés par leurs soins entre 75 et 79.

Les images n'existant pas, ou plus, Rithy Panh tente de reconstituer ses souvenirs, ses images mentales, à l'aide de petites figurines d'argile moulées puis peintes à la main et filmées dans des décors miniatures de marionnettes. Le projet fait pleinement sens et va bien au-delà de la pure idée qui le régit, car le cinéaste filme de façon admirable les scènes rejouées de son enfance et parvient à créer des images vivantes à partir de fétiches réalisés avec un soin inouï et recelant une grande beauté. Ces images de l'enfance, à double titre, mêlées au "vraies" images existantes pour les contredire ou les compléter, nous donnent à voir ce qui sans l'intelligence et le tact du cinéaste resterait invisible, ou serait potentiellement représenté de telle manière qu'on aurait préféré ne pas le voir.


Voilà pour les avant-premières auxquelles j'ai pu assister. Le bilan est pour le moins équilibré : deux ratages, un film partiellement réussi et plutôt très prometteur, et deux œuvres majeures. Mais le festival de cinéma de La Rochelle ne donne pas à voir que des nouveautés, loin s'en faut, c'est aussi et surtout des rétrospectives et des hommages en grand nombre, et c'est ce qui sera au menu de la 2ème partie de ce bilan, à paraître dans trois jours.


23 commentaires:

  1. Chouette demi-bilan !
    Je n'ai pas vu Tip Top, mais je te rejoins tout à fait sur les 4 autres films. Content que le Jia Zhangke ait bien vieilli pour toi.

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  2. Ce que tu dis sur la non-venue d'une pourtant possible nouvelle nouvelle vague, qui serait passée avant tout par le dispositif (court puis moyen sur le même thème) mais aussi par la communauté des acteurs, voire des sujets ou des tons, c'est putain de très vrai.

    Il manque sans doute les couilles à cette bande-là, qui du coup ne sera sans doute jamais une "bande" et restera une plus-ou-moins-génération. C'est vraiment dommage. Cela dit, une nouvelle nouvelle vague ça appelle AU MOINS un génie en son sein, quelqu'un qui la protéi-forme, qui la fasse. Or, Brac, à mon sens le plus couillu, ne me semble pas être un génie tout court (le Godard, quoi) mais plutôt un oeil (Rohmer). Et je crois que même s'il y avait eu cette idée forte du dispositif, ça n'aurait pu aboutir sur grand chose.

    C'est vraiment dommage.

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    1. Je trouve que tu vas un peu vite en besogne. Ne soyons pas immédiatement si pessimistes. Il y a bien, je pense, pour l'instant, un effet bande. D'ailleurs je n'ai peut-être pas été très clair dans la dernière partie de ma critique du film de Justine Triet, mais je dis bien qu'il aurait peut-être été préférable (pour les films en premier lieu, pour l'effet "nouvelle nouvelle vague" en second lieu) que Peretjatko et Triet adoptent la forme (un court + un moyen) de Brac afin que, même dans cette forme, ils fassent bloc, sachant qu'ils se rejoignent déjà par les sujets et le ton (d'une certaine façon) et par les acteurs (Macaigne étant le tronc commun). Quant à préjuger de ce à quoi cette bande aboutira, laissons-leur le temps, et puis nous n'avons pas encore vu le film de Yann Gonzalez, qui risque de compter.

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  3. Le Zlotowski est si mauvais que ça? C'est une copie fade de la Nouvelle Vague? Elle semblait prometteuse...

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    1. Il est si mauvais que ça oui. Par contre il n'a rien à voir avec la Nouvelle Vague, m'est avis, à la limite davantage avec une certaine qualité française...

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    2. Je vais donc me passer de Belle épine dans ce cas pourtant les Cahiers semblaient être fan...

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    3. Personne ne devrait se passer de Belle Epine...

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  4. Il faut se méfier de la façon dont les Cahiers appliquent leurs (bonnes) idées et théories aux films qu'ils défendent. Belle épine pouvait faire illusion (encore que, c'était pas grand-chose ce film), mais Grand Central c'est effectivement du Audiard en pas efficace (en admettant qu'un film comme Un prophète est efficace), en vide et en encore plus maniéré peut-être.

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  5. Et moi je ne verrai donc jamais la fin de Belle épine...

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    1. Lors de l'avant-première de "Grand Central" à La Rochelle, Rebecca Zlotowski a dit quelques mots avant et après le film. Je ne suis pas resté l'écouter à la fin, car le film m'avait déjà plombé pendant 1h34, mais, forcément, je l'ai entendue au début. Et elle a fait cette réflexion géniale : "Oh la la, y'a du monde, la salle est archi pleine, ça fait plaisir (et, s'adressant aux organisateurs), j'espère que vous les avez fait payer !". Ce qui aurait peut-être pu faire sourire (encore que...) si la plupart des gens présents n'avaient effectivement payé leur place. Triste personnage.

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    2. Ca t'est revenu comme ça Rémi ? :D

      En tous cas le film est sorti aujourd'hui et il démarre fort (à Paris en tous cas), faut dire que la presse est délirante. Je me demande comment c'est possible de tomber dans un si gros panneau.

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    3. Elle et son mec doivent avoir des connaissances bien placées, des recettes tenues secrètes... ça ne s'explique pas !

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    4. Simon > Ouaip. Je pensais au film à cause de sa sortie en salles, puis j'ai maté des photos de Zlotowski (:-/), et ça m'est revenu. Je me suis dit qu'il fallait que ça soit écrit quelque part.

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  6. Mr Remi can't stop hating on Miss Seydoux.How predictable and pathetic

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  7. Comme je suis d'accord à propos de Grand central (la pomme, oui...). Pour les autres films, pas encore vus, je reviendrai. :)

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  8. J'ai vu la Bataille de Solférino et, une fois n'est pas coutume, je crois que tu as manqué l'intérêt du film. Je me permets cette remarque parce que tu sembles au long de ton papier le chercher cet intérêt, même si tu pointes la dichotomie du dispositif comme piste. J'ai eu l'impression moi, causons-en, que l'intérêt du film n'était absolument pas là, que c'était du gadget, permettant de soutenir un propos. Et le propos, je l'ai vu dans une opportunité conjuguée (celle, macrocosmique, du 6 mai 2012 conjuguée à celle de ce couple en ruines, symbolique (même si diabolique) d'une France microcosmique) de présenter la bêtise profonde qui accable la France décadente d'aujourd'hui (et avec la France en mire parce que c'est un film français, mais je ne crois pas Triet pessimiste pour son pays plus que pour le reste du monde).

    Un film sur la bêtise, donc, avec un homme bête (magnifiquement joué par Macaigne), qui n'écoute personne parler, qui est irresponsable, qui se laisse entièrement posséder par son angoisse et ses pulsions en réaction à, qui hurle et cogne, qui se débat sans raison (sans user de sa raison). Avec une femme bête, qui se laisse grignoter par la peur irrationnelle de son ex-mari, avec qui elle a conçu deux filles un an avant de se séparer, voire moins, ce qui laisse présager que le couple vacillait déjà au moment de la conception et a fortiori au moment de l'accouchement, et qui confie ses filles à un babysitter inexpérimenté, et lui demande de les lui amener dans une foule déchainée et qui frappe (son mari) et qui est violente devant ses filles (le verre d'eau jeté sur le serveur), filles qui n'ont que légitimement le réflexe de cogner en retour (le babysitter, qui s'en prend des bonnes).
    Bêtise des autres aussi, avec ce babysitter qui n'écoute pas et laisse entrer Macaigne, qui écoute et amène les filles dans la foules, qui n'a pas le courage d'annoncer à la mère que non, il ne retravaillera pas pour elle. Bêtise du type qui s'interpose entre un homme qui a sa fille dans les bras et qu'une femme vient attaquer pour prendre l'enfant. Bêtise du policier qui interroge et préfère croire qu'il est "pris pour un con" plutôt que de donner crédit (quitte à démonter après enquête) un témoignage, et qui hurle. Bêtise de Virgil, qui alors que Laetitia est (au début du film) prête à s'effondrer sous le poids du stress, ne cesse de lui parler, pour ne rien dire qui plus est, et qui (à la fin du film) "pactise" avec Vincent face à elle.
    Bêtise macroscopique enfin, à l'échelle de la France, avec ces militants UMP et PS interviewés, aussi bêtes les uns que les autres dans leurs commentaires insipides, haineux ou iniques d'un processus "démocratique" complètement vide de sens. C'est surtout dans leur haine que tient leur bêtise d'ailleurs, là où elle s'exprime le plus violemment, en tout cas, et ces personnes rassemblées devant Solférino ou devant le siège de l'UMP, en majorité, sont des personnes qui le 6 mai 2012 étaient haineuses : venues pour voir le départ de l'autre ou l'empêchement de l'un. En tous les cas venues (sans le savoir) démontrer la vacuité d'un système politique devenu expressément médiatique (Laetitia dit à la fin, dans un moment de grande bêtise, que son métier, à elle, est utile à la France, que les gens décident pour qui voter en l'écoutant, et elle n'a pas tort).
    Cette bêtise qui emplit le film me l'a rendu très difficile à voir, et je ne le reverrais pas avec plaisir. Que c'est dur de voir des gens se frapper, se hurler dessus, se traiter pire que des bêtes et pour rien, pour la simple déraison de leur perte d'attention ! Que c'est dur de voir tant de gens en haïr tant d'autres en croyant faire action d'amour et de voir tant de gens croire faire attention à leur pays quand en fait ils le condamnent à l'impasse !

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  9. C'est à la fin du film, et surtout à travers le personnage-repère d'Arthur (le seul à ne pas se trouver bête - car personne n'est bête : on l'est par intermittence, ou bien on l'est en quasi-permanence, mais on n'est jamais condamné à l'être) que le projet de Triet prend son sens, lorsqu'il est dit ces deux phrases, dans la séquence du restaurant asiatique :

    - T'as vraiment pas une tête d'avocat !
    ... adressée à Triet par elle-même, et à tous ceux qui, comme eux, veulent défendre.

    - Je me suis rendu compte ce soir que tu es vraiment difficile à défendre.
    ... après laquelle un long silence fait office de compréhension et qui explicite tout le projet : celui qui est difficile à défendre, c'est chacun, c'est l'Homme, malgré sa bêtise. Car Triet, comme beaucoup d'autres (comme moi, comme vous peut-être) a ce projet de défendre l'Homme et son amour pour Lui, malgré la difficulté qu'Il peut engendrer par sa bêtise, et malgré le fait que ses avocats n'aient pas forcément la tête de l'emploi, car l'amour l'emporte. Cette fin est magnifique (et drôle, la séquence du restaurant étant aussi là pour détendre l'atmosphère).

    C'est vrai, quelque part, il y a chez Triet un quelque chose de comparable au cinéma de Sophie Letourneur, qui filme aussi la bêtise de ses contemporains. Seulement, Letourneur me semble filmer avec amour la bêtise comme quelqu'un qui aime les gens dans leur bêtise, alors que Triet filme avec amour les gens quand ils sont bêtes par amour pour eux, et malgré leur bêtise, en dépit d'elle : démarche qui me semble plus saine et plus proche de mes attentes.

    Quoi qu'il en soit, si c'est un film difficile, c'est aussi un très beau film, puisqu'en définitive, c'est un film d'amour.

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  10. La première partie de ton commentaire m'a un peu fait flipper, la seconde l'éclaire sous un meilleur jour. Intéressant.

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  11. PE Geoffroy : Je dirais comme Simon. Intéressant même si je pense que tu sur-interprètes le film, que ce que tu y vois et que tu expliques, et qui est intéressant, vient plus de toi que du film, que j'ai moins manqué l'intérêt du film que tu ne lui en as presque offert un sur un plateau. Pour résumer, ce que tu dis est intéressant, tu t'appuies sur des exemples, mais le film, quand on le regarde, n'est pas vraiment à la hauteur de ce que tu lui attribues.

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  12. T'es rude ! Mais je pige, je pige !

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  13. On se rejoint aussi sur A Touch of Sin, on se rejoint ! Je te rejoins toi, qui rejoins Simon, ce qui fait qu'on est trois à se rejoindre !
    Pour revenir au film : la première partie m'a vachement "emballé" (étant donné l'aspect assez sombre du film, je mets entre guillemets !), j'étais de suite bien dedans. J'ai un peu tiqué, j'avoue, au moment où le film prend des aspects de "film de sabre" (c'est à dire quand la meuf évite le viol en faisant causer son coutelas), la transition s'effectue moins naturellement, il me semble, que précédemment. mais globalement, j'ai donc beaucoup aimé et trouvé le film très fort et glaçant dans ce qu'il dépeint. Jia Zhang-ke tire la sonnette d'alarme et ça fait mal aux oreilles !...

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