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10 février 2011

Unstoppable

Je raffole des films où des véhicules hors de contrôle sont lancés à toute berzingue et sèment une pagaille sans nom sur leur passage, et parmi eux, j’aime tout particulièrement les films de trains. Quand j'étais petit en particulier, j'avais été fasciné par l'action, le suspense et le jeu des acteurs de Piège à Grande Vitesse. Faut dire que je suis fan de Steven Seagal. Et pas qu'un peu ! Hier soir, ici même, j'ai regardé en entier, seul et avec plaisir Born to Raise Hell, un film subtil dénué de tout manichéisme sur un flic charismatique qui lutte contre les cartels roumains de la drogue. Mais pour en revenir aux trains, ma première passion, c’est tout à fait logiquement, et avec un certain entrain, que je me suis récemment envoyé Unstoppable, le dernier rejeton de Tony « one thousand shots per second » Scott. En fait, cette passion des trains me vient de mon père. Quand j'étais pas plus haut que ça, il n'arrêtait pas de me dire qu'il devait aller « derrière la gare pour pousser des wagons ». Et je voulais toujours venir avec lui. Mais lui, il refusait systématiquement de manière catégorique.. Je l'imaginais fort comme un turc, capable de pousser à lui tout seul des wagons de train corail, ou même des wagons de fret, les plus lourds. Dans mes pensées, je le voyais les bras tendus, le souffle court et en sueur, les muscles saillant sous son marcel, réussir l'exploit de pousser des wagons et d'assembler des trains tout seul le soir à la seule lueur de la lune, pour ramener un petit pécule supplémentaire à notre nombreuse famille. C'est pour ça qu'a priori, Unstoppable me donnait envie. On y suit les mésaventures d’un duo de cheminots qui tentent d’arrêter un train sans conducteur et qui, suite à une série d’erreurs humaines, se retrouve lancé à toute allure sur les rails du nord ouest des États-Unis. En plus de griller quelques politesses aux passages à niveau qu’il traverse, ce train a également l’inconvénient de trimballer des wagons entiers de fret remplis de produits hautement toxiques à travers des zones à très forte densité de population. L'enjeu est simple : si le train finit par dérailler, il pourrait provoquer une terrible catastrophe.


Denzel, très crédible en mécano de la SNCF, contrairement à son acolyte.

Nos deux héros sont incarnés par l’inévitable Denzel Washington, qui doit donc entretenir la même relation avec Tony que Russell Crowe avec son frère Ridley, et Chris Pine de Kellog's. Le premier, le beau Denzel, se retrouve à nouveau dans la peau du type tout à fait ordinaire, s’étant levé du mauvais pied, mais condamné à se comporter comme un héros. Il nous livre sa performance habituelle, en totale roue libre, à l’image du train, pâle vedette métallique de ce long-métrage. Denzel est donc épaulé par Chris Pine, un blondinet, minet insipide au nom d'acteur porno et que l’on pourrait aisément confondre avec Paul Walker (le bellâtre sans relief notamment aperçu au volant d’un twingo en compagnie de Vin Diesel dans Fast & Furious) et peut-être aussi avec des milliers d’autres comédiens américains à la tronche carrée recouverte d’une barbe de trois jours, et au regard bleu clair, qui plaisent inévitablement aux minettes sans le sous ni de sens commun. Parce qu'il est quand même sacrément moisi avec son unique expression faciale de beau gosse de supermarché hard discount :


Chris Pine dans toute sa splendeur.

Ces deux acteurs ne forment pas un duo très attachant ni original, même s’il faut avouer qu’une ou deux fois, Denzel Washington parvient tout de même à nous faire décrocher un petit sourire. Surtout quand il dit à Chris Pine "Je sais pas connard, j'étais au lycée !" au moment où celui-ci lui demande s'il sait comment arrêter ce train lancé à toute allure sur de pauvre innocents et s'il se rappelle comment c'était le Viet-Nam. Comme dans tous ces films, au départ, les deux hommes se méprisent gentiment, le jeune ne montrant au mieux que de la condescendance envers le vieux cheminot fatigué, le vieux se rendant compte qu'il a de nouveau face à lui un psychopathe fan de vitesse voulant profiter de la renommée du métier de cheminot pour "se faire des meufs". Puis ces deux personnages antagonistes sont amenés à mieux se connaître et finissent par s’apprécier. Bref, là encore, Tony Scott fait dans le Déjà-vu. Unstoppable s'enfonce dans la médiocrité quand il essaie de nous dépeindre les vies de ces deux personnages principaux. L’un est fâché avec sa femme, l’autre l’a déjà perdue et est en froid avec ses deux filles… Malheureusement, c'est tellement mauvais qu'on s'en fout royal ! De plus, Unstoppable se targue de s’inspirer de faits réels. En effet, il semblerait qu’une compagnie ferroviaire américaine soit au moins aussi douée que notre chère SNCF et qu’elle ait réellement été capable de perdre le contrôle d’un train ultra dangereux, un accident dont vous trouverez tous les détails sur wikipédia. Mais étant donné le traitement qu’en fait Tony Scott, ça semble complètement surréaliste et idiot de voir apparaître ce petit encart au début du film, et on y croit pas une seconde quand, à la fin, quelques lignes viennent nous informer de ce que sont devenus les différents protagonistes ("Franck a diverti sa solitude en recueillant un chien sur un quai de gare, Will a quitté sa femme et s'est découvert une attirance suspecte pour les hommes bien membrés, nos deux héros sont restés amis et vont parfois partager une bière en se remémorant leurs diverses péripéties"). Entre temps, il y a eu tant d’explosions, et deux hommes qui se sont comportés d’une telle façon, comme des héros si malins et astucieux, que l’on y croit pas du tout…


Un effet spécial digne d'Arthur et les minimois.

Avec son gros pitch en bois mort massif, Unstoppable est donc un assez mauvais film d’action, anéanti par un réalisateur sans aucune autre inspiration que ses tics de mise en scène de parkinsonien, nous fatiguant drôlement à tourner sans arrêt sa caméra autour de ses acteurs pour tenter d’insuffler en vain un semblant d’intensité. Il se permet en plus de répéter à l’identique certains plans de son train traversant les paysages, agrémenté d’effets visuels forts laids. En matant tout ça d’un seul œil, je me disais que Tony Scott devait de cette façon essayer sans talent de masquer sous un voile pudique la minceur étonnante de son budget. Mais j’avais tout faux. Le film a coûté 100 millions de dollars !


Vous pensez que c'est un dessin conceptuel de pré-production ? Non, c'est un plan du film.

A vrai dire, regarder Unstoppable m’a seulement donné envie de vous en dire du mal, ce que je viens donc de faire, et surtout de rappeler à quel point ce film n’arrive pas à la cheville de Runaway Train, autre long-métrage dont la vedette est un train sans conducteur lancé à toute vitesse, et dont je pensais vous avoir déjà parlé…


Unstoppable de Tony Scott avec Denzel Washington, Chris Pine et Rosario Dawson (2010)

16 commentaires:

  1. Merci de l'avoir vu pour nous, noble martyr :)

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  2. Chris Pine a la même chemise que moi !

    Quand ton papa disait "je vais derrière la gare pousser un wagon" il voulait dire qu'il allait chier sur les rails désaffectés ? C'est une métaphore du genre "couler un bronze" ? Ou du genre "j'ai Mohammed qui tape à la porte ?" ou "Arafat s'apprête à sortir du bunker" ?

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  3. lol le portrait de Chris Pine. :-D
    j'adore la première photo, on dirait le conducteur du TER que j'ai pris le weekend dernier.

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  4. "Derrière la gare pousser les wagons", c'était juste pour nous dire de lui foutre la paix :)

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  5. Mince, je suis allé le voir.
    Mais en anglais, il donnait mieux : actions, blague, happy end.
    Que demande le peuple ?

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  6. Un film pas trop nase (ya pire) mais qd même pas terrible et je suis globalemnt d'accord avec vous.

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  7. je l'ai trouvé très bien! divertissant quoi!!^^

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  8. Je l'ai enfin maté parce que Tony Scott, mine de rien, me plaît plus que son frère. Putain quelle merde en fait, j'ai cru voir 250 fois le même plan du train qui fonce à toute allure vers la caméra avec ce même foutu vacarme propre à un train pour bien nous rappeler entre deux scènes de blabate à propos dudit train qu'il s'agit bien d'un film de train.
    Et Chris Pine porte bien son nom : une imbitable tête de queue.

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  9. il est naze ce film :-D

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  10. J'apprends aujourd'hui que je suis passé à côté d'un chef d’œuvre du 7ème Art !

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    1. Ah toi aussi tu te rends sur le site des inRocks, étonnant ce que l'on peut y lire ...

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    2. Non, juste sur Twitter. Mais je vais aller voir... ;)

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    3. Beau début de texte. Dommage que la suite soit un peu méprisante... Les rêves des enfants sont parfois plus touchants et profonds que les mépris des adultes, dont les dénigrements peuvent devenir aussi "cliché" que les clichés qu'ils dénoncent (désolé, hein: ton texte a des qualités, mais j'aime pas trop la casse facile et le ton hautain!). Parce que j'aime bien ce "petit film" tonique du frère Scott, sa modestie – à 100 millions de dollars, OK! – et son duo honnête: Denzel W. y est plus drôle que d'habitude et Chris Pine juste un "bogosse" de service, pas original mais pas péteux, et c'est plutôt marrant de le voir en "loser" un peu paumé qui a du mal à se lever le matin – un homme, quoi: moi je suis plutôt content de pouvoir (un peu) m'identifier à lui dans ce film, ce qui devient rare avec ces super-héros... Petite crise de bavardage, je défends plus longuement ce film dans les commentaires de "Runaway train" – excellent, lui, c'est vrai. Je vais pas me répéter et le signale d'abord pour donner envie d'aller lire cette autre critique et découvrir un vrai grand film! Et ouais, c'est chouette, les véhicules en roue libre au cinéma et notamment les "trains fous": sorte de métaphore déchaînée de cet art, entre autres réjouissances... P-S: Comme je n'arrive pas à signer et ne tiens pas à ressembler à "Anonymous" de Roland Emmerich, alors je signe: William Shakespeare. Et puis non: FFG. Mon côté beauf ;) – un peu défendu ici, ça doit se deviner!

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    4. La Fédération Française de Gymnastique en personne ?!

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  11. Merci de m'avoir fait découvrir RUNAWAY TRAIN, un chef-d'oeuvre ! Et ce UNSTOPPABLE...en fait je l'ai plutôt apprécié celui-là, je le trouve beaucoup mieux fait que les précédents films de Tony Scott, même si ça manque cruellement de nichons. Certaines scènes sont même bien destructrices. Et le coup de la locomotive qui accélère toute seule par magie, j'avoue que j'aime assez. Il y a quelque chose de l'ordre du "divertissement digeste" là-dedans. Mais il n'y a aucune comparaison à faire avec RUNAWAY TRAIN encore une fois. S'il fallait comparer les deux films, celui de Tony Scott serait rangé dans une caisse à la cave (mais stocké en mkv 720p sur un dur pour le fun) et celui écrit par Kurosawa serait au sommet de la dvdthèque. Merde, je me rends compte que ça ressemble à ça chez moi d'ailleurs...

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