J'aurais aimé ajouter à l'enthousiasme que suscite la dernière bobine horrifique de Ti West, ce réalisateur spécialisé dans le genre dont je suis la carrière avec bienveillance depuis 2009 et la sortie de son film breakthrough, The House of the Devil. Mais c'est peut-être justement parce que je connais tout le potentiel de ce cinéaste, et espère son éclatante confirmation depuis plus d'une décennie, que son dernier film m'a laissé plutôt déçu et frustré. Au point que je me mets à douter, à croire que ce type-là, au demeurant sympathique et bel et bien doué, avait donc déjà atteint, à l'époque, son plafond de verre personnel. Après nous avoir livré un film de fantômes pas désagréable mais dérisoire, un found footage raté malgré son sujet glaçant (le suicide collectif de Jonestown), puis un tout petit western sympatoche (dont on se souvient surtout du superbe chien qui accompagnait Ethan Hawke), Ti West nous propose donc un slasher postmoderne qui se place d'emblée dans l'ombre tutélaire du chef-d'œuvre de Tobe Hooper, nous laisse espérer le meilleur dès son plan d'ouverture assez génial et intriguant, mais s'avère au bout du compte beaucoup trop anecdotique malgré l'inspiration intermittente de sa mise en scène et l'originalité relative des thèmes abordés. L'action se déroule en 1979, nous suivons l'équipe de tournage d'un film porno qui a la chic idée de réaliser son nouveau projet dans la dépendance d'un vieux couple texan à la sexualité insatisfaite... Après une longue et lente exposition, procédé habituel d'un Ti West qui fait mine de s'intéresser davantage à ses personnages et ses acteurs que la plupart de ses confrères, les choses, évidemment, se gâtent et tournent au véritable bain de sang.
L'entame soignée nous place longtemps dans l'expectative, nous met l'eau à la bouche mais, passée celle-ci, le film respecte à la lettre le programme si prévisible et pénible d'un slasher lambda, de ceux qui se produisaient à la chaîne dans les années 80. Les membres du casting se font donc zigouiller un à un, avec plus ou moins d'imagination, de cruauté et d'images-chocs lors de leurs mises à mort (un alligator s'invite même à la fête). Ne lésinant pas sur les effets gores, X révèle alors sa vraie et simple nature, surprend et intéresse de moins en moins. Il comblera facilement les aficionados, les autres, qui pourront légitimement le trouver assez chichiteux pour bien peu, moins. En outre, Ti West échoue à imposer une héroïne – l'inévitable dernière survivante du carnage – réellement digne d'intérêt, en dépit de la double implication d'une Mia Goth au charme étrange et de toutes les velléités de son scénario forceur : il nous réserve notamment une espèce de micro révélation finale artificielle concernant cette final girl que l'on devrait forcément retrouver dans d'éventuelles suites... En attendant, c'est un prequel que prépare d'ores et déjà Ti West en compagnie de son actrice vedette : il se déroulera cinquante ans plus tôt et nous narrera la vie passée de Pearl, la vieille dame du couple de psychopathes introduits ici. Des tueurs dont, pour une fois, les mobiles sont clairement définis et que Ti West prend soin de faire exister, en les filmant de près, en leur accordant du temps, en nous les montrant se débattre avec leurs démons et même faire l'amour explicitement – chose bien rare pour des personnes âgées au cinéma – sans que tout cela ne les rende marquants pour autant ! Ces vieux tout fripés sont des figures vaguement pathétiques et tourmentées qui n'ont guère la sombre aura de la famille de Leatherface et que l'on aura hélas sans doute tôt fait d'oublier.
Âge et sexualité, décrépitude des corps et éphémérité de la beauté, sont des thèmes abordés ici de manière à la fois frontale et superficielle, tout comme la pornographie et les scènes de sexe qu'elle occasionne ne servent qu'à établir l'originalité du contexte d'un énième massacre et non à nourrir une véritable réflexion métadiscursive sur le cinéma d'horreur. Au passage, on peut s'interroger quant à la pertinence d'avoir fait jouer les deux vieux texans par des acteurs couverts de maquillage (c'était un passage obligé pour Mia Goth, qui joue donc à la fois l'héroïne sous héroïne aspirante star du porno et prête également ses traits, méconnaissables, à la vieille tueuse libidineuse). Leur vieillesse paraît si factice, fabriquée, fausse... Le côté subversif du scénario est finalement facile, seulement là pour la déco, ça sonne creux. Il est franchement dommage que l'impact de ce slasher soit en fin de course si rachitique, d'autant plus que l'on constate tout le long, à intervalles réguliers, le talent de cinéaste évident de Ti West. Il n'a pas peur de se placer dans la lignée de classiques (et des vrais – Psychose, Massacre à la tronçonneuse), nous concocte quelques plans géniaux, des idées de cadrages saisissantes, un montage judicieux, bref, tout plein de choses séduisantes et bien faites qui le placent mille coudées au-dessus de la mêlée et nous donnent très envie de nous emballer réellement pour son film. Hélas... Je soupçonne, j'accuse même Ti West, cinéaste-cinéphile doué mais paresseux, de ne réaliser que les films qu'il aurait aimé voir adolescent, entouré de sa bande de potes et de quelques bouteilles de mauvaise bière, et de s'empêcher de faire mieux. J'espère tout de même encore qu'il me contredira un jour.
X de Ti West avec Mia Goth, Jenna Ortega, Kid Cudi, Stephen Ure, Brittany Snow et Martin Henderson (2022)
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