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20 mars 2022

Mélodie pour un meurtre

Il a tout pour plaire, ce film ! Attention, je n'en fais pas un titre un peu trop oublié du cinéma américain des années 80 que je vous inciterais à redécouvrir absolument, et encore moins un chef-d’œuvre méconnu du genre policier. Non, loin de là ! Mélodie pour un meurtre n'est pas un grand film, c'est clair et net, il constitue toutefois la garantie assurée d'un très bon moment à passer, d'autant plus quand on est friand des performances habitées du grand Al Pacino, ici très en forme. A l'époque, ce film, qui a pour titre original Sea of Love en référence à la chanson de Phil Phillips que le mystérieux serial killer lance systématiquement avant de passer à l'acte, marquait le retour de la star sur grand écran après une parenthèse de quatre ans passée loin des plateaux consécutive à l'échec cuisant de Revolution, une ambitieuse fresque historique portée par l'acteur vedette et réalisée par Hugh Hudson qui s'était plantée dans les grandes largeurs (ce film-là, tout le monde semble l'avoir bel et bien oublié, et je ne m'y suis pas encore risqué, ma curiosité ayant tout de même des limites...). Mais revenons à nos moutons et à cet océan d'amour mis en boîte par l'artisan Harold Becker, semble-t-il vendu par l'affiche française et la promo de l'époque comme un simili thriller érotique, histoire de surfer sur le succès tonitruant de Liaison fatale, sorti à peine deux années auparavant...


 
 
On tient là un polar particulièrement bien mené, porté par une tripotée d'acteurs excellents que l'on est très heureux de retrouver et qui forment à eux tous un fort bel ensemble, cohérent et harmonieux : de John Goodman, beau comme un cœur, à Richard Jenkins, que l'on se plaît à reconnaitre malgré une chevelure plus abondante, en passant par un étonnant Michael Rooker et par l'apparition furtive de Samuel L. Jackson, dans le rôle du "black guy" comme le précise verbatim le générique final. A la tête de ce beau petit monde, il y a bien sûr l'inévitable Pacino, dont l'interprétation solide, impliquée, qui ne tombe pas (encore) dans les excès, donne une dimension intéressante au film puisqu'il lui permet d'être un peu plus qu'un simple thriller efficace et bien ficelé : il en fait le portrait assez touchant d'un homme au seuil de l’abîme. Un flic un peu à la dérive, pas encore remis de son divorce, à deux pas de sombrer dans l'alcoolisme, qui se met dans une situation compliquée en tombant sous le charme de la principale suspecte d'une série de meurtres dont les victimes sont des hommes rencontrés via des petites annonces postées dans le journal. 


 
 
Nous n'avons aucun mal à nous intéresser à l'enquête menée par ce type-là, à comprendre pourquoi il s'éprend si passionnément pour cette femme difficile à cerner, campée avec une jolie nuance par Ellen Barkin, et l'on passerait même volontiers plus de temps en la compagnie de ce chouette duo qu'il forme avec son collègue incarné par John Goodman (ça donnerait un buddy movie du tonnerre, le film en a d'ailleurs déjà les airs charmeurs par moments). Il y a quelques moments signature d'Al Pacino, quelques trucs bien à lui qu'on se repasserait en boucle avec plaisir, à montrer dans toutes les écoles. L'acteur est en pleine possession de ses moyens et il donne un parfum d'authenticité indéniable aux dialogues ciselés écrits par Richard Price (on n'oublie pas son "This city... what it does to people" qu'il prononce avec une pointe d'amertume et un regard de chien battu pour commenter ses propres actes malheureux lors d'une des meilleures scènes). Car si Sea of Love parvient à captiver ainsi, c'est aussi parce qu'il est doté d'un scénario aux petits oignons qui cache bien son jeu et nous révèle ses cartes à un rythme parfaitement calculé. Et l'on doit donc ce scénar costaud à Richard Price, fameux romancier et scénariste new-yorkais dont on reconnaît aisément la patte si celle-ci nous est déjà familière (il est l'auteur de quelques chouettes bouquins qui schlinguent le bitume et la sueur comme Frères de sang, mais aussi The Wanderers, dont on apprécie beaucoup l'adaptation ciné signée Phil Kaufman, il a également participé activement à la série The Wire et nous lui devons entre autres le scénario de Mad Dog and Glory). Richard Price et Al Pacino sont à l'évidence les deux hommes forts de ce film sympatoche, à la mise en scène appliquée mais sans grande personnalité, que je recommanderai vivement aux amateurs.


Mélodie pour un meurtre (Sea of Love) de Harold Becker avec Al Pacino, Ellen Barkin, John Goodman et Richard Jenkins (1989)

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