Et c'est un plaisant spectacle que nous offre ce documentaire. La musique, bien troussée, accompagne à ravir le récit de cette ascension, rythmé par un paquet d'images magnifiques. Mais plus encore, la grande qualité de Beyond the Edge est de parvenir à nous donner l'impression de suivre chaque étape, presque chaque pas de l'expédition avec une fidélité assez bluffante au déroulé des événements. D'une très grande clarté, grâce aux classiques schémas de la montagne où se dessine le tracé de la grimpe, mais aussi à quelques plans appréciables où la caméra, partant d'un plan serré sur les deux alpinistes au creux d'un minuscule remblai de glace s'éloigne dans un gigantesque zoom arrière qui embrasse tout l'édifice de la montagne nous permettant de parfaitement les situer sur le massif, le film donne l'impression de ne rien louper de cette montée, d'en comprendre la logique narrative et chaque difficulté, sans élision, sans ces ellipses qui dans beaucoup d'autres films de montagne nous donnent le pénible sentiment que les alpinistes gravissent la paroi partout et nulle part à la fois, que des pans entiers de montagne sont passés dans les raccords et ont été franchis sans nous.
Autre intérêt de Sur le toit du monde, ses deux personnages principaux. Edmund Hillary et Tenzig Norgay, qui font une sacrée paire. On comprend leur déception polie quand Hunt, le chef de l'expédition, désigne les britanniques Tom Bourdillon, ancien président de l'Oxford Mountaineering Club, et Charles Evans, neurorchirurgien, comme premier duo à tenter le prodige. Mais on ressent leur joie bien dissimulée et non dénuée de sollicitude quand les deux hommes doivent renoncer au succès 101 mètres avant le sommet, faute d'oxygène et épuisés. Ce sont alors l'apiculteur néo-zélandais, aguerri puisque déjà impliqué dans plusieurs tentatives précédentes, et le sherpa vétéran, auteur de multiples ascensions et plus expérimenté qu'aucun autre membre de la troupe, qui prennent le relai, soudés par cet épisode où Tenzing sauve Hillary d'une chute idiote dans une crevasse. Et on aime les voir dans leur tente fichée à flanc de montagne et sous les vents fous de l'Himalaya, assis sur les piquets pour ne pas qu'elle s'envole et partageant des sourires et un semblant de repas la veille du miracle.
Dernière qualité, pas des moindres, de ce sympathique film. La fin. Il n'est pas rare non plus que l'extase de l'arrivée au sommet déçoive dans les films du genre. Ici, et même si quelques plans semblent se placer sous le sceau du démon CGI, loin s'en faut. Quand Tenzing et Hillary parviennent enfin sur le toit du monde, ce 29 mai 1953 à 11h30, la caméra, en vue subjective, restitue l'instant, nous porte en travelling avant avec eux en haut de l'ultime pente de neige et tourne sur elle-même pour livrer un vaste panoramique à 360° sans obstacle, où tout le reste du globe est en-dessous de nos pieds. L'accolade des deux camarades fait plaisir à voir, et si le documentaire n'évoque pas cette pensée que Hillary confia plus tard avoir eue pour Mallory et Irvine, les deux alpinistes disparus loin de l'oeil de la caméra de John Noel en 1924 dans L’Épopée de l'Everest, il n'oublie pas de mentionner la première phrase lancée par le preux néo-zélandais en redescendant : "On se l'est fait le salaud".
Sur le toit du monde de Leanne Pooley avec Chad Moffitt et Sonam Sherpa (2013)
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