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30 juin 2021

Come True

Faut-il avoir bien peu d'amour propre pour conclure son film de cette façon ? Un mouvement de caméra laborieux qui aboutit misérablement sur l'écran d'un portable posé sur l'abattant d'une cuvette de toilettes... C'est pourtant ça, le dernier plan, le one perfect shot final, de Come True : un portable sur des chiottes. L'affichage du téléphone nous révèle un message sibyllin qui vient parachever le twist ridicule et très lourdement amené de ce tout petit film de genre, SF mêlée d'horreur, à l'allure peut-être clinquante mais en réalité tout juste bon à se faire remarquer par des âmes charitables au milieu des programmations médiocres de festivals de cinéma fantastique. On aurait pourtant aimé s'enthousiasmer pour le deuxième long métrage du canadien Anthony Scott Burns qui, sur le papier, nous propose une plongée dans les tréfonds de nos cauchemars et donc de notre inconscient : on y suit une adolescente en fugue (Julia Sarah Stone, très stone), aux nuits agitées, qui trouve refuge chez une équipe de scientifiques menant des expériences sur le sommeil...



 
Dès l'apparition du titre, qui rappelle le superbe générique d'ouverture d'Halloween III, et pendant les premières minutes, j'y ai cru, très sincèrement. Quand il ne filme pas des teuchios anonymes, Anthony Scott Burns est capable de nous intriguer, de torcher quelques jolis plans, de développer un semblant d'atmosphère. A grands renforts de nappes synthétiques, qu'il a en partie composées lui-même et qui nous rappellent quelques bandes sons bien connues, il cherche visiblement à nous choper, à mettre en place quelque chose, une ambiance. C'est assez facile, en fait, et cela n'accouche jamais de grand chose hélas. On s'accroche en vain à l'esthétique plutôt soignée de l'ensemble, reconnaissant à Anthony Scott Burns, également chef opérateur et monteur, un certain savoir-faire qui fait de son film une œuvre jamais désagréable à la vue et aux oreilles (à condition d'aimer le bleu et les sonorités électroniques). Mais ça ne suffit pas... On relève peut-être du savoir-faire mais l'imagination du cinéaste apparaît défaillante et limitée : son premier long était un remake et celui-ci n'en fera jamais l'objet. Malgré le laisser-passer onirique, il s'enfonce dans un imaginaire somme toute assez dérisoire, évoquant davantage les récents slashers inspirés de meme internet (Slender Man), des clips darks ou autres cinématiques de jeux vidéos horrifiques que les plus belles heures du cinéma fantastique. On se dit que le réalisateur, seul à la barre, aurait peut-être gagné à être accompagné par un pote raisonnable, là pour le recadrer, pour lui tapoter sur l'épaule gentiment et lui dire "tututut, ça, c'est pas la peine". Hélas...



 
Et puis le film s'étire. S'agitent autour d'écrans cathodiques vintages et de concepts fumeux des personnages antipathiques et inintéressants, la palme revenant au nerd en chef incarné par le très fade Landon Liboiron, tandis que le cinéaste multiplie les scènes qui ne servent à rien si ce n'est à dépasser la case "moyen métrage". Dans ce marasme, on relève également les références, les clins d’œil plus ou moins appuyés, glissés là pour flatter le spectateur et lui dire "hey, on aime les mêmes choses". On remarque très bien l'affiche de Terminator placardée dans l'un des bureaux des nerds, on identifie sans souci La Nuit des morts-vivants de Romero que va voir l'héroïne au cinéma, il est vivement conseillé à notre ado rebelle la lecture de Philip K. Dick, "ses concepts vont te retourner le cerveau", et enfin, les personnages se surnomment en référence au Rocky Horror Picture Show, accompagné d'un "t'es une fille brillante de connaître ça". En réalité, on pense surtout à un simili Drive, avec ce romantisme urbain maniéré, toujours épaulé d'une musique électronique, signée Electric Youth, déjà présent sur la tracklist du film de Nicolas Winding Refn (je ne suis pas un hater de Drive, mais ce rapprochement n'est ici pas un compliment, tant il convoque surtout une certaine vacuité et un esthétisme facile commun aux deux titres). Le scénario de Come True avance, tout doucement, sans l'assurance flippante d'un somnambule, mais avec la gaucherie d'un ado mal réveillé, mal luné. Il nous perd donc en cours de route, avant de finir droit dans le mur, avec une révélation qui finit de nous convaincre de la vacuité terrible de l'ensemble. Un smartphone sur l'abattant des WC, c'est donc ce qui nous attend à la toute fin des très longues 105 minutes que dure Come True, une bien triste récompense pour tous les curieux encore à la recherche des dernières pépites du cinéma de genre. 
 
 
Come True (Bad Dreams) d'Anthony Scott Burns avec Julia Sarah Stone et Landon Liboiron (2020)

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