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7 novembre 2019

War Machine

Netflix a posé l'argent sur la table pour permettre à David Michôd de signer son troisième film avec un budget de 60 millions de dollars à la clé qui en a longtemps fait la plus grosse production de la chaîne américaine. Le cinéaste australien avait pour mission de mener à bien un projet ambitieux qui ferait office de jolie pub pour Netflix : une grande star à l'affiche d'un film de guerre satirique traitant d'un sujet encore assez bouillant, la situation américaine en Afghanistan. Brad Pitt s'est particulièrement investi dans ce film, en étant aussi producteur via sa société de prod perso, Plan B, et, surtout, en grimaçant durant tout le tournage, quitte à être victime de sacrées crampes au visage après chaque journée de travail. De mon côté, j'étais surtout très curieux de découvrir le nouveau film de David Michôd, cinéaste en lequel je nourrissais alors quelques espoirs et qui avait prouvé sa valeur en œuvrant, avec succès, dans le polar familial sentant bon l'Australie (Animal Kingdom) et le néo-western post-apocalyptique minimaliste (The Rover).




David Michôd s'essaie donc ici à un exercice encore plus risqué, celui de la comédie satirique, à charge, son scénario s'inspire du best seller du journaliste Michael Hastings, The Operators, un bouquin qui dénonce le commandement américain en Afghanistan en nous révélant l'envers du décor, les basses manœuvres et les raisons de l'échec militaire. War Machine est donc un film de guerre sans véritable guerre, qui s'occupe principalement de nous dresser le portrait du pathétique général Dan McMahon, un personnage directement inspiré de Stanley McChrystal, commandant de l'ISAF (Force internationale d'assistance et de sécurité) en Afghanistan entre 2009 et 2010 et rencontré par l'auteur du livre, ici joué par Scoot McNairy (déjà vu dans Monsters, Gone Girl, 12 Years a Slave), pour les besoins de l'écriture d'un article dédié au magazine Rolling Stones.




Bien que le général soit incarné avec beaucoup d'implication et d'énergie par un Brad Pitt méconnaissable, multipliant les tronches pas possibles et prenant une voix ignoblement virile, nous avons un mal fou à croire en ce personnage et à nous intéresser réellement à lui. La faute à un David Michôd qui ne réussit pas à poser son récit ni à trouver le bon ton. Il faut d'abord supporter cette voix off pénible (la narration du journaliste) qui ne nous lâche pas d'une semelle pendant les 20 premières minutes, à tel point que l'on a du mal à savoir quand le film démarre pour de bon, et qui revient trop régulièrement par la suite. On ne comprend pas, par exemple, la nécessité de cette énumération beaucoup trop longue qui présente, sans humour, les différents hommes entourant Brad Pitt, des personnages qui ne seront pas davantage étoffés dans le reste du film et qui serviront presque uniquement de ressorts comiques à l'efficacité très relative. A ce propos, l'espèce d'humour absurde du film ne fonctionne quasiment jamais, et c'est peut-être ça le plus embêtant.




Tout cela est bien dommage car War Machine avait un certain potentiel. Brad Pitt pourra en gonfler certains, mais il n'est pas mauvais, sort quelques bonnes répliques et réussit parfois à nous faire sourire. On sent que l'acteur fait tout son possible. Un casting imposant et quelques guest star d'envergure (Tilda Swinton, Ben Kingsley et, cerise sur le gâteau, le caméo final de Russell Crowe) ne suffisent malheureusement pas à nous captiver, et War Machine souffre aussi d'un rythme très problématique. Aucune scène ne sort vraiment du lot, à l'exception, peut-être, de ce moment où de pauvres soldats sont envoyés pour nettoyer une zone pratiquement désertique, une scène qui finit forcément mal et qui n'est pas la plus ratée tout simplement parce que, pendant un temps, la musique s'arrête, la voix off se tait, David Michôd se pose et se concentre sur ce qu'il a à nous montrer. War Machine n'est, au final, pas spécialement méprisable, mais c'est un film inoffensif et tout simplement raté.


War Machine de David Michôd avec Brad Pitt, Anthony Hayes, Topher Grace, Meg Tilly et Scoot McNairy (2017)

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