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8 septembre 2018

Ghostland

Pascal Laugier doit adorer filmer des jeunes femmes défigurées. C'est ce à quoi il consacrait déjà entièrement son film breakthrough, l'infâme Martyrs, que les actrices Morjana Alaoui et Mylène Jampanoï traversaient la tête tuméfiée, en sang, le corps meurtri, victimes de la torture qu'elles subissaient pour les besoins d'une secte de fous dangereux, désireux de percer le secret de ce qui survient au moment de la mort. C'était surtout là un bon prétexte pour nous livrer un torture porn à la française des plus dégueulasses dont le sérieux, la brutalité et la violence visuelle ont beaucoup plu aux amateurs. Ghostland, le quatrième long métrage de Pascal Laugier, a semble-t-il été celui de la consécration. Presse et spectateurs conquis, le cinéaste a également récolté pas moins de trois récompenses au Festival de Gérardmer, dont le Grand Prix. Fort de ce constat, j'étais moi-même prêt à donner une nouvelle chance à ce réalisateur spécialisé dans l'horreur.




Depuis Martyrs, Laugier n'a pourtant pas bougé d'un iota. Il fait encore et toujours dans la surenchère horrifique, dans la violence exacerbée et dans l'accumulation à outrance de scènes choc. Son scénario organisé façon poupées russes en a sans doute dupé plus d'un, il est pourtant au service d'un même déluge d'immondices et son potentiel métadiscursif paraît bien mal exploité. Ne prenant guère son temps à poser ses personnages, il est totalement impossible de ressentir la moindre empathie pour ces pauvres pantins en proie aux pires sévices psychologiques et physiques. Crime, viol, pédophilie, violence gratuite, fétichisme, torture psychologique, folie... tout y passe. Laugier accumule les horreurs comme s'ils s'agissait d'un concours, comme s'il prétendait au triste prix du film le plus horrible jamais tourné, cela sans provoquer le moindre effet autre que le simple dégoût à la vue des visages ensanglantés, déformés et gonflés de jeunes actrices malmenées du début à la fin dans des scènes qui s'enchaînent comme les coups d'un marteau-piqueur manipulé par un dangereux maniaque.




L'un des films de chevet de Pascal Laugier doit être Massacre à la tronçonneuse. Mais on recommande au réalisateur de lire les textes de Jean-Baptiste Thoret consacré au chef-d’œuvre de Tobe Hooper. Peut-être comprendra-t-il alors tout ce qui le différencie de son cinéma. Peut-être devrait-il aussi revoir encore son modèle pour se rendre compte que le regretté cinéaste américain laissait pratiquement tout à la suggestion et qu'il portait un regard troublant sur les "monstres" qu'il mettait en scène. Un autre cinéaste adulé par Pascal Laudier doit être John Carpenter, puisqu'il en parle à longueur d'interviews et qu'il ne manque jamais de lui adresser quelques clins d’œil plus ou moins discrets. Or, il n'existe pas deux cinéastes plus différents... C'est bien là la seule chose qui me trouble dans le cinéma de Pascal Laugier. Comment peut-on avoir de telles références et produire des films qui leur sont si opposés dans le fond comme dans la forme ? Précisons toutefois que Laugier cite aussi Rob Zombie, dont il place ici le nom dans la bouche d'un des personnages, commentant le décor dans lequel il débarque, et il est vrai que les deux réalisateurs sont infiniment plus proches.




D'emblée, Pascal Laugier présente également son film comme une sorte d'hommage très appuyé à Howard Philips Lovecraft. Le portrait le plus connu de l'écrivain américain apparaît ainsi à l'image dans un effet digne de Powerpoint accompagné d'une citation élogieuse du personnage principal, une jeune fille qui se rêve auteur de romans d'épouvante et salue là son grand maître. Le cinéaste nous présente ensuite très rapidement une petite famille constitué d'une maman (Mylène Farmer) et de ses deux filles. Dès leur première nuit dans une maison dont elles viennent d'hériter, tout bascule : deux intrus débarquent pour commettre un carnage terrible qui les traumatisera à vie. Un colosse débile et gigantesque accompagné d'une espèce de sorcière brune filiforme s'introduisent dans la demeure pour violer et tuer. Le film se concentrera ensuite sur le calvaire de la plus jeune des deux filles, entre rêve et réalité...




Comme vous pouvez le constater, il n'y a rien de lovecraftien dans le scénario sorti tout droit du cerveau malade de Pascal Laugier. Il serait même complètement inutile et vain d'approfondir la comparaison, de chercher des correspondances. Le style putassier et racoleur du cinéaste est à des années lumières de la plume inspirée du promeneur de Providence qui, en outre, apparaît ici à l'écran campé par un acteur grimé de façon franchement ridicule. Non, le style de Laugier est davantage à rapprocher de Rob Zombie, dont il reprend la photographie crado et colorée, et des plus lourdingues séries télé, dont il épouse le même rythme frénétique qui finit par méchamment taper sur le système. Quant à son histoire, elle convoque plutôt les plus tristes et sordides faits divers, camouflée par une mise en abyme dont on a tôt fait de comprendre le mécanisme puéril.




Vous l'aurez compris, mon second rendez-vous avec le cinéma de Pascal Laugier s'est soldé par un échec cuisant dont personne n'est ressorti grandi. Le type m'a mis au tapis. A partir de l'heure de jeu, après avoir bien pigé où il voulait en venir, subi une énième scène dégueu et dû supporter la vue de ces visages maltraités, j'ai fini par me désintéresser totalement du film et par renouer avec le mépris complet que j'éprouve envers son auteur. Cocorico, la France a donc elle aussi son Rob Zombie. Il est encore plus atteint que son modèle américain, et il n'y a vraiment pas de quoi s'en réjouir. Laugier participe très activement à enfoncer le cinéma d'horreur hexagonal dans une vaine barbare qui ne lui réussit pas. Ghostland est un vrai supplice qui salit les quelques auteurs respectables dans la lignée desquels il prétend s'inscrire. On ne m'y reprendra plus.


Ghostland de Pascal Laugier avec Crystal Reed, Anastasia Phillips, Emilia Jones et Taylor Hickson (2018)

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