L'idée est simple et elle a le mérite d'être exposée en deux minutes chrono pendant le générique d'ouverture du film : tous les hommes et toutes les femmes sur terre ont désormais un double, une sorte d'avatar personnel robotique en tout point identique à son original de chair et de sang bien que plus beau et plus perfectionné, une sorte de substitute, comme Vikash Dorazoo. Le sportif français, souvenez-vous, qui a filmé en Super 8 ses propres potes plus balèzes que lui balle au pied, qui gagnaient le mondial à sa place pendant qu'il cirait le banc de touche avec les coiffeurs et son nouveau pote, Fred Poulaga. Il paraît que dans la vraie vie, quand ses collègues commentateurs sportifs sont sur M6 le dimanche à une heure du matin, le vrai Vikash fait des passements de jambes avec leurs compagnes et compagnons, et se paie le luxe de filmer ces scènes en 35 mm. Razodoo mate M6 chez eux en se substituant à ses collègues de boulot dans leur canapé et en substituant au programme foot l'ancien film érotique qu'il transforme en nouveau porno.
Les gens du film ont donc un substitut qu'ils trimballent par
téléguidage neuronal grâce à un genre d'ordinateur cérébral personnel,
tout en restant le cul vissé à la casbah, afin que leur double
accomplisse toutes les tâches de la vie quotidienne qui les font chier. C'est une idée simple comme bonjour et qui nous faciliterait bien la vie si ça existait vraiment. On pourrait s'en servir pour aller pointer au pôle-emploi, cet endroit qui fout la gerbe, ou pour faire un saut chez Lidl et mettre la main sur un gros lot de rouleaux de papier-cul au dernier moment (et une ou deux bouteilles de Yop, toujours !). Pour les tâches plus agréables, comme faire des roulés-boulés sur le plumard, là adios le substitut et welcome la vie. C'est une bonne idée de scénario donc. On pense beaucoup à Minority Report devant ce film, sauf que c'est infiniment moins bien. En revanche c'est plus simple, parce que Minority Report est cool mais compliqué ! Je le pige un peu moins à chaque fois que je le revois. Autre différence notable entre le film de Spielberg et celui de Mostow : ce n'est pas le Giant Coocoo de la scientologie qui mène la danse ici mais l'inaliénable Bruce Willis (cet homme si beau). Pour ne rien gâcher, à un moment il s'habille en Prada, comme dans Pulp Fiction,
quand il retourne chercher sa montre aux mécanismes encore incrustés de fientes paternelles chez lui pour trouver Travolta sur
les cabinets, avec ce "blue jeans" plus "blue" que "jeans" tellement il
est blue, d'un blue ciel qui rappelle que si le ciel avait cette
couleur on serait aveugles, heureux mais aveugles, et ce jean blue clair
surmonte une paire de reebok blanches pour un assortiment des plus
tonitruants : il n'est que Bruce qui puisse porter ce cocktail explosif
dignement, et qui le porte à merveille.
Clones (qu'il convient de prononcer "Clonès", en hommage à son intitulé d'origine mexicaine : "Surrogatès") bénéficie en outre d'un scénario dans lequel il ne se passe pas tant de choses que ça, contrairement au rapport minoritaire assez touffu de Philip K. Dick, et ce n'est pas un mal, Mostow étant toujours plus à l'aise quand le script est vide. Au rayon des influences, le film fait aussi penser à They Live de Carpenter, via les faux-semblants, la tentative de réellement voir ce qui se trame autour de soi, avec aussi ce groupe de rebelles à priori plus clairvoyants que la moyenne, qui vivent dans une sorte de bidonville et qui sont guidés par un oracle noir à dreadlocks fan de reggae. En effet, Clones évoque, par sa modestie, quelques films d'action des 90s, et, par son aspect, certains fleurons du cinéma des 70s, sans atteindre la cheville des meilleurs opus parmi les uns comme parmi les autres. On le préférera néanmoins, et sans difficulté, au très médiocre Looper, qui lorgnait récemment dans la même direction avec là encore le bulbe de Bruce Willis en crâne d'affiche.
Clones (qu'il convient de prononcer "Clonès", en hommage à son intitulé d'origine mexicaine : "Surrogatès") bénéficie en outre d'un scénario dans lequel il ne se passe pas tant de choses que ça, contrairement au rapport minoritaire assez touffu de Philip K. Dick, et ce n'est pas un mal, Mostow étant toujours plus à l'aise quand le script est vide. Au rayon des influences, le film fait aussi penser à They Live de Carpenter, via les faux-semblants, la tentative de réellement voir ce qui se trame autour de soi, avec aussi ce groupe de rebelles à priori plus clairvoyants que la moyenne, qui vivent dans une sorte de bidonville et qui sont guidés par un oracle noir à dreadlocks fan de reggae. En effet, Clones évoque, par sa modestie, quelques films d'action des 90s, et, par son aspect, certains fleurons du cinéma des 70s, sans atteindre la cheville des meilleurs opus parmi les uns comme parmi les autres. On le préférera néanmoins, et sans difficulté, au très médiocre Looper, qui lorgnait récemment dans la même direction avec là encore le bulbe de Bruce Willis en crâne d'affiche.
Le film de Jonathan Mostow est pas mal du tout même si évidemment il n'est pas génialement filmé, interprété, monté, étalonné et diffusé. Son plus gros défaut, ce sont ces quelques plans un peu trop penchés sur le côté sans raison (tic qui s'était généralisé dans l'instant classic Batterfield Earth, et se veut bizarrement encore très actuel puisqu'il est utilisé jusqu'à la nausée dans Star Trek ou Thor). On est ici loin tout de même de la mise en scène 24 Heures Chrono, avec une caméra portée qui s'astique dans tous les sens et qui zoome insupportablement tous les 24 millièmes de seconde chrono. En somme il faudrait parler de sobriété pour éviter de dire que le film est filmé le plus simplement du monde, comme une merde. Non le vrai défaut du film c'est un certain manque d'humour. D'ailleurs Bruce Willis, quoique superbe comme à son habitude, est un peu éteint, et il y a fort à parier pour que ce soit dû au trait tiré au marqueur indélébile par Jonathan Mostow sur le légendaire esprit potache qui caractérisait jusqu'ici la plupart des (grands) rôles de l'acteur. Son personnage est même très lisse ! Pour prendre la défense du condamné d'office Mostow, ce n'est certes pas sans rapport avec le propos du film, car ce manque de personnalité ou de caractère est là pour appuyer l'idée que tant d'années passées à se cacher derrière un double parfait et inintéressant ont affadi les hommes dans leur for intérieur. Il aurait semblé peu logique que le double de Bruce Willis soit le seul être humain au monde à se montrer caractériel, marrant et original, à l'image de son personnage mémorable dans Le Dernier samaritain. C'est juste un mec qui a envie de revoir sa vraie femme (Rosamonde Pike), parce qu'il sait qu'elle souffre et qu'elle se drogue derrière ses aspects substitutifs d'américaine moyenne propre sur elle aux traits copiés collés sur ceux de Vikash Dorazoo.
De nombreuses études ont été menées pour savoir si les gens accepteraient de vivre dans un monde factice et virtuel (dans lequel ils seraient projetés grâce à des électrodes branchées à leur cerveau), un monde agréable où ils seraient riches et heureux, tout en sachant leur enveloppe charnelle "réelle" en parfaite sécurité, dans un monde concret où leur personne a contrario serait pauvre et déprimée. A cette question les gens répondent majoritairement qu'ils ne resteraient pas dans le monde "faux", par pur et simple refus du virtuel… Un choix édifiant qui démontre bien la portée de cette vaste question, passionnante en soi, que le film pose en passant, et je l'en remercie. Merci monsieur Mostow.
De nombreuses études ont été menées pour savoir si les gens accepteraient de vivre dans un monde factice et virtuel (dans lequel ils seraient projetés grâce à des électrodes branchées à leur cerveau), un monde agréable où ils seraient riches et heureux, tout en sachant leur enveloppe charnelle "réelle" en parfaite sécurité, dans un monde concret où leur personne a contrario serait pauvre et déprimée. A cette question les gens répondent majoritairement qu'ils ne resteraient pas dans le monde "faux", par pur et simple refus du virtuel… Un choix édifiant qui démontre bien la portée de cette vaste question, passionnante en soi, que le film pose en passant, et je l'en remercie. Merci monsieur Mostow.
Pour poursuivre sur les qualités du film, on peut regretter tout de même quelques petites bizarreries dans le scénario. Comme l'idée qu'un seul gringalet, le créateur de tout ce bordel, puisse contrôler tous les substituts du monde, épaulé par un gros geek, obèse et affublé de cheveux gras, d'un front huileux, d'un vieux bouc, d'un nez retroussé et de grosses lunettes, comme tous les geeks représentés au cinéma. Autre point positif, le tout manque peut-être d'ampleur, notamment à la fin, dans la scène où tous les clones s'écroulent d'un seul coup, séquence qui aurait pu être grandiose, mais le film semble étonnement guidé par une volonté farouche d'humilité, se rangeant avec modestie dans la lignée des petits films de genre qui ne laisseront pratiquement aucun souvenir, mais qui n'écorchent pas la rétine, et ce en refusant notamment l'imparable gouverne de l'effet spécial tout-puissant. Si le film est bien d'aujourd'hui, comme en témoigne son absence un peu cruelle d'humour, il est par ailleurs, et comme nous l'avons déjà dit, marqué d'un style très années 70. Or, alors que le scénario le réclamait presque, les "robots" ne sont pas réalisés en images de synthèses, ils sont incarnés par les acteurs eux-mêmes, simplement maquillés pour sembler plus parfaits, plus lisses et plus laids, et ressembler à Vikash, ce qui renforce la parenté entre le clone et son original et favorise la crédibilité des substituts. Automatiquement on y croit bien davantage qu'à tous ces films hideux qui ne jurent que par la motion capture, ce qui est très finement vu de la part de Mostow. Il y a bien des effets spéciaux dans le film, mais ils sont justifiés puisque celui-ci a précisément pour sujet l'invasion du quotidien par "l'image fausse" : une fois de plus, excellente idée de sieur Mostow. Autant d'arguments qui donnent envie de célébrer cette œuvre simple, modeste, et réussie (bien que non-exempte de défauts énormes qui le rendent parfaitement secondaire et totalement oubliable), surtout quand on la compare au marécage puant qu'est le cinéma d'action américain actuel, que Jonathan Mostow incarne à lui tout seul avec panache et distinction.
Clones de Jonathan Mostow avec Bruce Willis, Radha Mitchell, Ving Rhames et Rosamund Pike (2009)
Clones de Jonathan Mostow avec Bruce Willis, Radha Mitchell, Ving Rhames et Rosamund Pike (2009)
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