J'aimais bien Rashida Jones. Pour moi, c'était un hymne au métissage, soit tout l'opposé de Maya Rudolph. Rappelons que son père n'est autre que Quincy Jones, surnommé "Q", le célèbre trompettiste, arrangeur, compositeur et producteur audiovisuel américain qui a su mettre les blacks en vedette : Le Cosby Show, Le Prince de Bel Air, Oh Happy Days. Quant à sa mère, il s'agit d'une actrice blonde platine d'origine irlandaise et russe qui n'a jamais percé, mais qui s'est faite percer. Leur croisement a donc donné deux filles agréables à regarder, parmi lesquelles Rashida Jones, que l'on a tous découverte dans The Office où elle éclipsait presque Jenna Fischer. Bref, on l'aimait bien, mais ça, c'était avant de voir ce film atroce. Celeste and Jesse Forever m'a mis la rage dès son générique d'ouverture. Rashida Jones en est la scénariste, l'actrice principale et la productrice exécutive. Si elle avait su tenir une caméra, elle l'aurait également réalisé.
Rashida Jones joue une working girl trentenaire égoïste, habitant dans une villa de 800m², avec toujours à la main une tasse de café ou un verre de vin rouge. Elle incarne le comble de l'insupportable. Le stéréotype de la gonzesse que l'on veut fracasser (pas de misogynie ni d'appel à battre les femmes ici, ça aurait été un humain mâle avec les mêmes attitudes, il aurait constitué le stéréotype du gonze qui se fait fracasser). Elle est pleine de tics dégueulasses, d'expressions et d'intonations qui rendraient fou même un psychologue spécialisé dans le traitement du syndrome de la Tourette. L'idée du film, l'idée de Rashida Jones, qu'elle mûrit depuis 15 ans en pensant que ça ferait un putain de film, c'est de commencer sa comédie romantique par ce qui est d'ordinaire son dernier acte : la séparation, que l'on sait temporaire, du couple, avant sa réconciliation sur l'oreiller.
Les dix premières minutes du film, nous voyons donc Celeste et Jesse mener une vie idyllique de couple : discussions de tout et de rien, bastons de regards complices, échafaudage de plans sur la comète, échanges de private joke capables de rendre les célibataires endurcis encore plus endurcis... Lors d'une scène de repas au restaurant avec un couple d'amis, le lièvre est levé : ils sont séparés depuis 6 mois mais continuent à traîner ensemble au quotidien, ce qui met mal à l'aise leurs amis, au point de quitter la table brusquement (véridique). Le film débute donc en quelque sorte là où la plupart des "romcoms" ont déjà fait un sacré bout de chemin. Le générique d'ouverture (une série de vignettes pestilentielles de leur vie amoureuse passée) nous a peut-être semblé épargner les trois quarts du film, mais après ces 10 minutes, il reste 1h20 ! Jesse et Celeste, qui s'entendaient comme cul et chemise, Jesse et Celeste, qui avaient l'air d'être faits l'un pour l'autre, s'étaient séparés car Celeste veut que le père de ses enfants gagne au moins 10 kilos de dollars chaque semaine, possède une belle bagnole (minimum 5 places, de préférence un SUV) et ait un compte en banque qui génère des intérêts massifs. On invente rien, voici le portrait du père idéal selon Rashida Jones, diplômée de Harvard.
Pendant tout le film, on voit Rashida Jones "multiplier" les conquêtes pour essayer de faire réagir Jesse, qui de son côté se retrouve rapidement en ménage avec une bombe atomique venue de Hollande. Quand Rashida Jones rencontre un guignol qui est le sosie foiré de Harry Connick Jr., celui-ci se présente à elle comme possesseur d'une automobile, d'un compte courant et d'un fax, et ça marche ! Entre temps, elle rencontre toutes sortes d'individus plus ou moins psychopathes, dont un qui décide de se masturber frénétiquement contre elle dès le premier soir. Cela pourrait donner une scène très excitante (dans nos esprits dérangés par 15 années de permissivité débridée sur internet), cela donne en réalité envie d'éteindre la télé et de changer de hobby en se réfugiant, par exemple, dans la boustifaille. Au fur et à mesure que le film passe, Celeste se rend évidemment compte qu'elle est toujours amoureuse de Jesse et quand elle apprend que ce dernier va avoir un enfant avec une autre femme, elle voit rouge ou, comme dirait son père, "elle voit black".
Le schéma classique de la comédie romantique hollywoodienne est respecté à la lettre, malgré le point de départ a priori transgressif et des acteurs que l'on croyait moins moisis que d'habitude. A la fin du film, nous sommes toutefois pris à revers : Celeste et Jesse ne se remettront jamais ensemble (à moins d'une scène post-générique qu'on a zappée), la morale de l'histoire étant que pour se séparer une bonne fois pour toutes, il faut marquer le coup, et signer au plus vite les papiers du divorce dans un cabinet d'avocats agréés. Il est possible de rester amis, à une condition, et je la rappelle : signer les papiers du divorce fissa. Si on n'est pas mariés, il suffit de signer un papier quelconque. Est-il possible de rester amis après s'être séparés ? Après qu'il se soit séparé pour de mauvaises raisons, est-il possible pour un couple de se reformer ? Est-il possible ? Que sais-je ? Ces questions ne trouveront donc jamais de réponse définitive. La seule chose qui me vient après avoir vu ce film, c'est l'expression "So help me God".
Je m'attendais à un film certes axé sur une histoire d'amour, mais possiblement drôle, puisqu'on y retrouve tout de même Andy Samberg dans le premier rôle masculin. On sait cet homme-là capable de faire rire. Il le prouve depuis des années au Saturday Night Live et il a su concrétiser sur grand écran ce potentiel comique dans des films tels que Hot Rod ou Crazy Dad. Ici, il fait un sort à sa carrière cinématographique. Il creuse un trou sans bruit, il enterre sa carrière, il la recouvre de terre discrètement. Puis fait caca sur le monticule de terre fraîchement retournée, sans s'essuyer. Nous aimons toujours Andy Samberg, car on aime plus durablement quelqu'un qui nous a fait rire qu'une tocarde simplement bien balancée. Nous maintenons notre confiance en Andy Samberg, car il maîtrise le difficile exercice de faire rire les gens de bon cœur tandis que Rashida Jones n'a pour elle que son cul, remplaçable par 10 millions d'autres. Je sais, c'est moche, mais vu la façon dont Rashida Jones représente les femmes dans son film, c'est pas cher payé.
Ce film rappelle inévitablement Friends With Kids de Jennifer Westfeldt, puisque l'on y croise les mêmes problématiques de trentenaires plein aux as, individualistes et, surtout, ultra cons. On y retrouve une même morale puante, un même portrait glaçant d'une certaine société occidentale vue à travers la lorgnette d'un(e) débile mentale dont on a envie de briser chaque os, en commençant par le coccyx. C'est le genre de films qui, s'ils sont vus par quelques djihadistes, peuvent nous faire comprendre pourquoi certains d'entre eux pètent un câble au point de vouloir nous balancer des avions sur le coin de la gueule. Ces "romcoms" font plus de mal à la planète que l'ont fait la colonisation et la décolonisation. Au point même de faire craindre de rencontrer un jour le sentiment amoureux.
Une scène donne particulièrement envie de taper sur tout ce qui bouge. Filmée dans un célèbre "plan américain serré" (celui qui consiste à cadrer le visage juste au-dessus des sourcils et en-dessous des lèvres, à ne pas confondre avec le "gros plan américain" qui englobe le front et le "gros plan américain serré" qui ne cadre que les yeux), Rashida Jones dégueule un discours atroce lors du mariage de deux personnages secondaires tellement peu étoffés qu'on ne savait même pas qu'ils étaient ensemble. Ce plan révèle les séquelles d'une adolescence difficile chez les Jones : une peau burinée par l'acné et le soleil (qui font rarement bon ménage), des dents du fond criblées de plomb, sans vie, des joues creusées par l'anxiété, un nez en piste de ski de bosses, le témoignage impitoyable d'insomnies chroniques sous les yeux, une épilation des sourcils faites "en amateur" (or la seule discipline qui peut avoir de l'intérêt en amateur, c'est le porno) et, enfin, un menton fuyant toute responsabilité. Quant à son discours, c'est une succession de lieux communs où son personnage ramène tout à elle, plus égocentrique et haïssable que jamais. Ce film ne fera pas date.
Celeste and Jesse Forever de Lee Toland Krieger avec Rashida Jones, Andy Samberg, Emma Roberts et Elijah Wood (2013)
Si c'est un article d'anniversaire, c'est réussi, j'ai bien ri ! Par ailleurs, gaffe à ta gueule, un paquet de types (et de meufs) vont te tomber dessus pour ces lignes :D
RépondreSupprimerTant mieux ! :D
RépondreSupprimerAh bon, tu connais des fans de ce film ?!
Non mais t'es rude avec Rashida et les femmes en général (et à la fois je te jette pas la pierre).
RépondreSupprimerJe suis rude avec Rashida et avec le portrait qu'elle fait des femmes, nuance ! :)
RépondreSupprimerTerrible :D
RépondreSupprimerJe vais appeler Caroline Fourest si Felix continue à dénigrer la gent féminine.
RépondreSupprimerSi j'en juge par les illustrations du texte, le film consiste en une collection de selfies qui miment un bonheur intime (un bonheur « au passé », si j'ai bien compris, ce qui ajoute une couche de nostalgie facile). Les selfies consistant eux-mêmes souvent à complaisamment simuler / exhiber / exagérer le bonheur en question, il s'agit donc d'un simulacre au carré. Quelque chose me sussure à l'oreille qu'à cause de Félix, je ne verrai jamais ce film...
RépondreSupprimer