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27 novembre 2013

Dracula (1979)

J'ai récemment vu deux adaptations que je ne connaissais pas encore du formidable classique de Bram Stoker : le Dracula 3D de Dario Argento, sorti ce mois-ci, et le Dracula tout court de John Badham, réalisé à la fin des années 70. Du premier, je ne dirai mot : par principe, je n'ai jamais dit du mal de Dario Argento car les amis de mes amis sont mes amis, et il s'agit d'un pote de John Carpenter (même si là, force est de reconnaître que le cinéaste italien offre le bâton pour se faire ruiner la tronche). Au second, je consacrerai ce modeste billet, car il le mérite amplement !

Quand on évoque les adaptations du fameux livre de Bram Stoker, on pense inévitablement au fabuleux Nosferatu de Murnau, à la version de 1930 signée Tod Browning avec l'inimitable Bela Lugosi, au phonétiquement impeccable "Dracula de Coppola" ou aux nombreux films de la Hammer qui opposent l'increvable Christopher Lee au flegmatique Peter Cushing. Sorti dans l'indifférence générale en 1979, à l'heure où le goût était plutôt aux parodies et à la dérision, ce très sérieux et classique Dracula réalisé par John Badham est injustement tombé aux oubliettes et appelle désormais à être reconsidéré et revu à la hausse.


Dracula, encore sur le point de pécho, sous les yeux d'un public éberlué face à son savoir-faire ancestral.

Notons d'abord qu'il s'agit peut-être, avec le Nosferatu de Werner Herzog, de la plus fidèle adaptation de l’œuvre de Bram Stoker, elle met joliment en image des passages hautement cinégéniques du livre qui sont le plus souvent ignorés. Elle nous propose également une incarnation remarquable du personnage éponyme, qui prend ici les traits nobles et gracieux de l'acteur Frank Langella. Son Dracula, séducteur et envoûtant, parvient à exister et à se différencier très subtilement de tous ceux déjà existants. A l'image du reste du casting, Frank Langella offre une prestation très appliquée et concernée. Un esprit qui, on l'imagine aisément, devait animer l'ensemble du plateau, étant donné le soin également apporté par John Badham dans la mise en scène, la magnifique photographie signée Gilbert Taylor jouant idéalement des clair-obscurs, les somptueux décors particulièrement riches en toile d'araignée du château de Dracula, et la musique diablement inspirée de John Williams. Pour revenir aux acteurs : Donald Pleasance est comme toujours excellent dans le rôle du sympathique Docteur Seward, apportant quelques touches d'humour inattendues mais bienvenues, et l'actrice qui joue Mina, Jan Francis, est véritablement à croquer ; seule la prestation de Laurence Olivier pose un peu problème, l'acteur se dotant d'un accent ridicule pour donner vie à un Van Helsing difficilement supportable.


 
 
Petit hommage personnel au joli minois de la méconnue Jan Francis, qui incarne Mina. La voici dans différentes situations, dont une qui n'est pas du tout issue du Dracula de Badham. Hélas, et c'est là l'une des différences avec le livre de Bram Stoker, les personnages de Mina et de Lucy sont étrangement intervertis. La belle Mina devient donc rapidement un vampire relégué au second plan, cet imbécile de Dracula étant plutôt obnubilé par une Lucy au charme beaucoup moins évident... Je répare ici cette terrible injustice faite à cette actrice en lui accordant cette place centrale démesurée.

Ce Dracula, dont je m'étais longtemps tenu éloigné du fait de sa mauvaise et sotte réputation, baigne dans une ambiance gothique, brumeuse et funéraire du plus bel effet, qui aurait sans doute beaucoup plu à l'écrivain irlandais. On se souviendra de cette scène où Dracula, apparaissant d'abord la tête à l'envers vue à travers le carreau de la fenêtre, s'immisce lentement dans la chambre de Lucy puis s'empare brutalement de sa victime. Le film nous propose alors un étonnant trip psychédélique aux couleurs très vives qui tranchent avec l'image quasiment noir & blanc de l'ensemble. Il s'agit de l'une des scènes les plus marquantes d'un film ponctué par quelques fulgurances géniales, comme par exemple cet autre moment où Dracula arrive au cimetière à cheval, au ralenti, au rythme de la musique tonitruante de John Williams.


 
Sur la photo du haut, Frank Langella fait la connaissance de Jan Francis. En-bas, il la mate en cachette alors qu'elle prend son bain.

Alors certes, le film n'est pas entièrement réussi. Son rythme est assez inégal et il s'essouffle un peu dans sa dernière partie, donnant ainsi l'impression qu'il peine à se conclure. Mais tant d'images restent en tête, tant de scènes proposent une illustration amoureuse et inspirée du roman, entre autres qualités précédemment évoquées, que l'on ne peut que recommander chaudement sa vision. Et puis si la fin est laborieuse à venir, le film a tout de même la fort belle idée de nous quitter sur une dernière image sublime où le simple envol d'une cape vers le ciel vient submerger notre imagination et nous donne l'assurance d'avoir bel et bien vu une petite pépite injustement sous-estimée. Redonnons une chance au Dracula de John Badham !


Dracula de John Badham avec Frank Langella, Jan Francis, Donald Pleasance, Laurence Olivier et Kate Nelligan (1979)

28 commentaires:

  1. Bonjour,

    Que pensez-vous des interprétations de Christopher Lee en tant que Dracula? Pour vous qui est le meilleur Dracula (et par extension qui est le meilleur vampire) au cinéma?
    Pour moi c'est le vampire homo du bal des vampires.

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    1. J'attends votre réponse, Monsieur.

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    2. Je n'ai pas vu tous les films de la Hammer avec Christopher Lee en Dracula, mais dans ceux que j'ai vus, je l'ai plutôt apprécié. Il a un style bien à lui, une présence et un charisme qui correspondent assez bien à ce que l'on attend d'un Dracula. Par contre il a parfois flirté avec la caricature, mais on va dire que c'est aussi pour ça qu'on l'aime !
      Quant à ta seconde question, difficile ! Mais j'aime particulièrement l'incarnation de Klaus Kinski dans le Nosferatu de Werner Herzog.

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    3. Bonjour,
      j'ai vu ce film de Dracula en salle à une époque où il y avait encore des programmes doubles.
      Je ne me rappele même plus du film principal que j'étais allé voir. C'est dire...
      Je n'avais jamais entendu parlé de ce «Dracula». Il s'agissait du premier film projeté. Et je dois dire que j'ai été à la fois surpris et secoué (j'étais jeune) par certaines scènes que je considère encore saisissantes aujourd'hui. Mon seul bémol reste du côté de l'acteur principal. il rempli bien son rôle, mais je trouve que sa tête (et sa coiffure) ne convient pas au personnage de Dracula.

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    4. À quand un dossier Dracula et autres vampires sur Ilaosé? Ça aurait de la gueule!

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    5. Pour répondre à Yacine, je dirais qu'un des vampires cinématographiques les plus mémorables est un personnage féminin, et âgé : Marguerite Chopin dans 'Vampyr" (1932), de Carl Dreyer. Cela fait un peu cinéphilie prétentieuse (film ancien, relativement méconnu, d'un cinéaste considéré comme austère, etc.), mais il s'agit véritablement à mes yeux d'une des incarnations les plus inquiétantes de la figure du vampire. Par ailleurs, toujours pas vu le film de Badham, dont j'entends pourtant parler depuis longtemps, mais grâce à Félix je corrigerai cette lacune dès que j'en aurai l'occasion. Enfin, le retour en force depuis une quinzaine d'années du vampire et du zombie souligne il me semble à quel point le cinéma (et la littérature) peinent à créer de nouvelles figures fantastiques. Et l'engouement qu'ils suscitent fait parfois peine à voir : par exemple, qu'un adulte normalement constitué puisse participer à une « Zombie parade », cela me dépasse...

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    6. Je suis tombé sur un de ces événements en ville récemment. C'était tout à fait pathétique. Des dizaines et des dizaines de jeunes gens, parfois très bien déguisés d'ailleurs, erraient connement, les uns à côte des autres, n'osant pratiquement pas se parler. Et puis ensuite tout cela finit sur en photos sur facebook. Passionnant...

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    7. C'est vrai que le Vampyr de Dreyer est un fabuleux cauchemar, particulièrement riche en images aussi inquiétantes que mémorables. :)

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    8. À Rémi : oui, c'est à peu près aussi pathétique qu'un cortège d'enterrement de vie de garçon (ou de fille) errant dans les rues d'une grande ville à la nuit tombée !
      À Félix : le film de Dreyer m'inquiétait avant même que je ne l'aie vu, à cause de l'orthographe de son titre... À la première vision, il m'avait complètement décontenancé, je crois que je ne l'avais pas aimé, et à la seconde ce fut en effet comme un cauchemar éveillé, plus troublant qu'aucun autre film de vampire que j'avais vu jusqu'alors.

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  2. J'approuve à 100% cet article!

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  3. Moi aussi j'approuve... Film excellent. Beaucoup mieux que celui de FF Coppola... Une direction artistique flamboyante... Quel dommage que ce fut un échec à sa sortie.

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  4. Il existe 2 "versions" du film, une aux couleurs très vives (style très "Hammer", imposé par les studios), une presque en noir et blanc (qui correspond à la vue de John Badham). Vous avez vu la 2de ... mais elles sont toutes les deux très bonnes!!

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  5. 37 entrées pour Dracula 3D hier ! J'espère donc que les gens t'ont écouté, et que non seulement ils n'ont pas foutu les pieds au ciné pour voir cette merde mais qu'ils ont maté le Dracula que tu nous vantes là !

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  6. C'est bien d'avoir relevé la musique. J'ose dire que c'est la meilleure que John Williams ait jamais composée. Référence de l'Original Motion Picture Soundtrack en DVD, pour ceux et celles que ça pourrait intéresser : Dracula, Varèse Sarabande VSD-5250. Un dossier vampires et autres serait en effet bienvenu, malgré mes réticences à ce qu'on parle un peu trop de nous qui n'aimons guère la lumière.

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    1. Peu d'intérêt en ce qui me concerne pour la musique de John Williams (toutes ces marches militaires, c'est usant), mais il a tout de même également composé deux autres thèmes mémorables : celui, enlevé et magique, de 'Family Plot' (le dernier Hitchcock), et celui, saisissant, de 'Furie", de De Palma.

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    2. Je trouve très bonne aussi sa musique pour le film de Robert Altman, Images, de 1972.

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    3. Pas vu, il faut que je regarde/écoute cela !

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    4. Certaines de ses bandes originales pour Spielberg (Jaws, Indiana Jones, Rencontre du 3ème type) ne sont pas négligeables non plus. Les films à grand spectacle hollywoodiens contemporains pèchent aussi par là.

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    5. Je mentirais en disant que, en mon temps, je n'ai pas vibré au thème principal d'Indiana Jones, ainsi qu'à son thème « religieux » (celui associé à l'Arche d'alliance). Mais avec les années, la récurrence du modèle de la marche militaire qui préside à nombre des thèmes de Williams (celui de l'Empire dans les Star Wars, par exemple) m'a un peu dégoûté de sa musique. « Acquérir la délicatesse sans perdre la puissance, c'est là qu'est le problème », écrivait Raymond Chandler ; à propos de Williams (et de Spielberg-Lucas), on pourrait inverser la proposition : « Acquérir la puissance sans perdre la délicatesse, c'est là qu'est le problème. » Problème que quelqu'un comme Bernard Herrmann avait entièrement résolu !

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    6. Mais c'est vrai qu'à tout prendre, je préfère encore de très loin les musiques de Williams à la soupe que Danny Efmann nous a servie pour la série des Spiderman (alors que le thème qu'il avait composé pour Batman n'était pas si mal).

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  7. Ça y est, suite à l'incitation de Félix j'ai regardé ce 'John Badham's Dracula'. Film étrange, avec de belles scènes (le cheval blanc utilisé pour confirmer la présence d'un vampire) et des choix un peu curieux, comme celui de ne plus faire de Van Helsing, tout du moins d'emblée, un chasseur de vampires (l'alternative chasseur/proie est quand même constitutive du livre de Stoker). Mais cela vaut mieux que de fausses bonnes idées comme celle, très maladroite dans l'adaptation de Coppola, de reproduire la structure épistolaire du roman. La musique de Williams est effectivement réussie, et je crois d'ailleurs me rappeler que celle du Coppola lorgnait beaucoup du côté de celle-ci. Pour ma part, je n'ai pas été gêné par les incarnations/interprétations de Frank Langella et de Laurence Olivier, même si elles sont inattendues au premier abord. Enfin, heureusement que Félix, dans son penchant pour cette actrice, n'a pas reproduit l'image d'un des derniers visages que présente Jan Francis dans le film (dans le souterrain), car il n'est vraiment pas joli joli !

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    1. Le personnage de Van Helsing est le plus étonnant du film, oui. Les petites pointes d'humour et l'interprétation de Donald Pleasance n'y sont pas pour rien.

      Et pauvre Jan Francis... en faire ça :
      http://image.toutlecine.com/photos/d/r/a/dracula-79-badham-06-g.jpg

      :)

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    2. :) Après sa dernière prise de sang, elle aurait dû manger un sandwich : elle a vraiment une petite mine !
      C'est une des caractéristiques étranges du film, qu'on peut éventuellement mettre à sa charge : il oscille entre des influences parfois plus ou moins anciennes (le roman de Stoker, Murnau, les Dracula de la Universal et de la Hammer), parfois beaucoup plus récentes et extrêmes (en 1979) : plus encore que les films de zombie de Romero, le cinéma d'horreur italien hyper-obscène de l'époque (Lucio Fulci), dont l'apparence de Jan Francis fait salement les frais dans cette scène...

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    3. Tout à fait ! Et c'est pour moi ce mélange qui en fait un film intéressant, car ça fonctionne plutôt bien.

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