Encore un film qui a défrayé la chronique cette année : Pater, qui aurait pu s'intituler Paterrible. Jeu de mots facile dont nous avons un peu honte quand on pense à la tronche que tirerait notre idole, Vincent Lindon, en le lisant. Lindon est notre idole et pourtant il nous faut prendre notre courage à deux mains pour causer de ce film ici après l'avoir découvert au cinéma à sa sortie, c'est-à-dire il y a plus de six mois, ce qui en dit long sur notre défaut d'enthousiasme au souvenir de ce film certes pas du tout désagréable mais sur lequel il y a finalement si peu à dire. L'idée était intéressante, à tel point d'ailleurs qu'elle a poussé pas mal de cinéphiles dans les salles obscures. Elle était suffisamment intéressante pour que les gens disent retrouver tout le plaisir du jeu cinématographique dans ce film. Le plaisir est double en effet, il y a celui d'être du côté de ceux qui font le film et celui de se laisser raconter une histoire dans le même temps, à la fois en coulisses et dans les gradins. Voir Cavalier et Lindon communiquer une joie de gamin à l'idée de se donner des rôles et de se filmer sans contrainte, pour leur unique bon plaisir, ça fonctionne parfois très bien, surtout il faut bien le dire grâce à Lindon, qui apparaît dans toute sa splendeur, captivant à lui seul l'attention, comme quand il nous raconte sa rencontre avec le propriétaire de son appartement qu'il présente comme un sacré connard avec une verve bien à lui qui nous conquiert sans difficulté.
C'est cette verve qui a rendu la promo du film presque plus savoureuse que le film lui-même, à tel point que le cinéaste aurait presque gagné à intégrer ces moments d'entretiens dans le montage, vu son propos. D'autant plus qu'au final on ne retient pas grand chose de Pater, ce film qui était plus une idée de film qu'un film, si ce n'est qu'on se demande ce que Cavalier - qui joue ici des relations entre réalité et fiction au point de se faire retirer son goitre et de nous déballer sa cicatrice - pourrait faire de plus intéressant avec un acteur aussi géant que Lindon et en donnant plus d'importance encore à l'acteur qui supporte le film à bout de bras au point que les scènes dont il est absent nous le rendent toujours plus indispensable.
Pater d'Alain Cavalier avec Vincent Lindon et Alain Cavalier (2011)
J'ai adoré ce film, je le trouve plein de très bonnes idées, qui représente aussi la dualité d'un homme et de son rôle, qui joue une élection au grattage, plein de petits trucs qui me donneront certainement l'envie de le revoir. Et puis vous semblez "reprocher" au film que sa qualité n'est du qu'à son acteur principal. Mais l'acteur fait bien partie du film, vous ne pouvez pas l'enlever! Surtout quand l'homme acteur et le personnage sont si proches, et que c'est une idée du film ! C'est impossible de dissocier les deux, alors pourquoi vouloir le faire en imaginant ce que serait ce film sans Lindon? Ce film sans Lindon n'existerait pas, c'est tout. C'est certainement mon film de l'année, je crois que vous avez pigé!
RépondreSupprimerBien vu, Vincent :)
RépondreSupprimerOn ne dit pas que le film est mauvais parce qu'il serait nul sans Lindon. On dit en fait que le film repose tellement sur lui, et presque uniquement sur lui (au point donc que les scènes dont il est absent sont pratiquement sans intérêt) que c'est un peu faiblard, en dehors de lui, et c'est dommage. En fait on reproche au film d'être un peu maigre/anecdotique/potache au lieu d'être quelque chose de plus marquant et de plus ambitieux, ce qu'il aurait pu être avec un tel matériau de base. J'ai l'impression que le film ne dépasse pas vraiment son idée de départ.
RépondreSupprimerC'était un "essai" plus qu'un film je trouve. Pas l'équivalent d'un roman, plus l'étalage d'une idée. J'aime bien.
RépondreSupprimerNous moins. :(
RépondreSupprimerBen tu voulais quoi? Tu trouves ça assez potache (!!!!), je trouve ça intelligent. Les moments géniaux avec Lindon, quand il s'enerve après son pote qui passe premier ministre sans l'appeler, à sa place en le traitant de fils de pute, tel un acteur qui doit se voir virer d'un premier rôle ou d'un premier ministre prévu qui se fait dégager finalement par le chef (le président de la république/ le réalisateur du film, qui prend bien soin de se remettre en avant quand le film tourne autour de son premier ministre), la rencontre du jeune de banlieue reconverti dans le cinéma, du boulanger qui restera boulanger mais qui fait son effort documentaire, l'écriture d'un texte de président qui se termine finalement par l'écriture du texte du film, toutes ces choses dans lesquelles il y a cette dualité entre la réalisation d'un film et la course à une élection etc... Je ne vois pas ce qu'il pouvait faire de plus, en gardant la patte Cavalier (dont j'avais vu Irène qui m'avait un peu plus laissé de marbre), et sans tomber dans une lourdeur faite d'évidences.
RépondreSupprimerJ'aime bien la comparaison de joe entre film/essai. Ca résume bien ce que j'en pense, et que c'est un très bon essai. "Un essai transformé" aurait été mon titre. Je vais peut-être voter pour les snobs.
RépondreSupprimerPour moi c'est ça : une super idée de départ, un super acteur, quelques super scènes, donc un super potentiel, mais que Cavalier a du mal à faire vivre sur un long-métrage. Comme si il était au bout d'un moment un peu embarrassé avec son idée, qu'il ne savait plus vraiment quoi en faire.
RépondreSupprimerMais je pige ce que tu dis Vin. :)
Certes tout ça est intéressant sur le papier, tel que tu l'écris c'est intéressant, mais le film ne fait que le dire, comme tu le fais toi-même, et il a le tort à mon sens de ne pas mettre vraiment en scène cette idée avec des moyens de cinéma qui surpasseraient le discours ou l'idée pour la transcender un peu et en faire autre chose qu'une idée vaguement sympathique (et plus sympathique que géniale, parce que comparer le cinéma à une élection présidentielle, si ça marche plutôt bien sur quelques points que tu évoques et que le film exploite, c'est pas non plus l'idée la plus pertinente ou la plus bouleversante qui soit).
RépondreSupprimerEt si Cavalier ne pouvait vraiment pas en faire quelque chose de plus, c'est peut-être qu'il fallait que cette idée reste une idée, ou alors qu'il attende un peu pour qu'elle devienne autre chose qu'un film fait sur le pouce et qui en a l'aspect à chaque instant, au point qu'on le regarde en dilettante, tel qu'il a été réalisé.
RépondreSupprimerCes deux messages répondaient donc à Vincent.
RépondreSupprimerSimon > On est bien d'accord :)
Pour moi aussi c'est l'un des films de l'année. Je partage le point de vue de Vincent.
RépondreSupprimerEt puis, justement, que ce soit Lindon qui tienne le film n'est pas anodin. Lui connait un grand succès alors Cavalier a toujours été plus underground (à part Thérese il a pas eu de succès commercial). Toute l'idée du film est aussi résumée dans ce principe : la différence entre les bas salaires et hauts salaires veut être réduite tout comme la différence entre l'acteur banckable et le réalisateur moins connu. C'est du métacinéma mais pas chiant ... et ça c'est plutôt rare.
Mais bon, c'est un film "ovni" aussi donc qui ne peut pas plaire à tout le monde ...
Le parallèle entre le programme politique consistant à réduire l'écart entre les bas et les hauts salaires et la relation entre un acteur bankable et un réalisateur peu connu serait plus pertinent si dans le film Lindon ne se présentait pas comme un type presque sans le sou, en tout cas très loin de faire des choix populaires ou commerciaux et donc très loin d'être riche, notamment dans la super scène du récit de la rencontre avec son proprio, où il dit que son propriétaire lui aurait fait une remarque du type : "Ouais mais pour les gens comme vous, une augmentation de loyer, c'est que dalle", à quoi il réagit en disant qu'il est loin d'être riche parce qu'il ne fait pas de concessions dans son métier et qu'il choisit les films par passion plutôt que par intérêt, autrement dit parce qu'il choisit des films qui marchent peu, ce qui ne semble vrai qu'en partie, vu qu'il lui arrive quand même de tourner dans quelques gros navets ("Mes amis, mes amours", de Loraine Levy, ou "Je crois que je l'aime" de Pierre Jolivet, sont de bons exemples), et surtout de tourner dans des films qui font beaucoup d'entrées. J'émets l'hypothèse à mon avis peu risquée que Lindon doit être relativement plein aux as...
RépondreSupprimerAprès on est d'accord pour dire que c'est du métacinéma plutôt intéressant et globalement plus sympa que désagréable ou mauvais. "Pas chiant" c'est une autre affaire, perso j'étais pas non plus passionné devant le film et j'ai pas tellement envie de le revoir sous peine de vraiment m'ennuyer (à part dans les trois scènes où Lindon assure le spectacle). Dans le genre métatextuel y'a quand même un milliard de fois mieux. Et ce film, tout ovni qu'il est, aurait pu être lui-même beaucoup mieux, c'est tout ce qu'on lui reproche.
T'as beau être riche quand tu crèches dans un appart parisien où le loyer coûte 10 bâtons par mois, une augmentation ça fait chier !
RépondreSupprimerDe mon côté je préfère simplement quand l'aspect métacinéma est moins offert sur un plateau et qu'il faut un peu plus creuser sous les apparences pour dénicher un sens plus riche à un film. Je me trompe peut-être mais Pater me semble assez pauvre, j'aime le côté "essai" et tout ce qu'il montre et raconte n'est pas inintéressant du tout, mais c'est cette pauvreté qui fait que je ai vite oublié ce film.
RépondreSupprimerCe film m'a rappelé certains moments terribles de mon passage à Matignon.
RépondreSupprimerTu t'emmerdes à l'Île de Ré, Lionel ?
RépondreSupprimerOui, mon voisin Bernard, le président du CNAR est parti hier à Paris pour s'occuper de ses petits-enfants. Il m'a dit qu'il avait en ce moment du mal avec son gendre qu'il trouve un peu con...
RépondreSupprimerCe film nous parle t-il de la vieillesse de Pater Pan ? Est-ce un remake français de Hook ?
RépondreSupprimerLe film est tout de même intéressant à regarder.
RépondreSupprimerPareil
RépondreSupprimerUn film à part.
J'arrive un peu après la tempête, mes canards, mais voilà, je me sens le besoin de rajouter mon grain de sel. Je ne suis absolument pas d'accord pour dire que les scènes sans Lindon (même s'il est excellent) sont inintéressantes (d'autant que c'est un peu con de dire ça parce que le film tourne un peu autour de lui, qu'il soit ou non présent). J'en veux pour preuve :
RépondreSupprimer- les scènes avec le chat, craquantes.
- les scènes avec la nourriture.
Il y a une manière de s'attarder avec grâce et humour (quand il s'embête à nous présenter le menu du pique-nique, ou ses différentes considérations sur les couleurs de cravate, je trouve ça très drôle et j'en jubile assez) sur les petites choses qui est tout à fait touchante, c'est assez bête à dire mais suffisamment important pour le souligner.
Il y a aussi, derrière cet attachement aux choses modestes, c'est un peu une évidence également, l'idée charmante que la politique se doit d'être avant tout rattachée aux choses modestes et aux principes clairs. L'égalité des pauvres et des puissants certes, mais surtout le bonheur simple. J'ai lu qu'Alain Cavalier avait supprimé énormément de séquences tournées (notamment une où Lindon dissertait sur le nucléaire et la bombe atomique) où les deux s'attardaient sur des questions politiques plus techniques. Le choix est compréhensible dans ce sens : il s'agit avant tout de ne jamais paraître trop lourd, totalement "anti-tragique". Il faut montrer avant tout la politique, et par delà la vie, comme un jeu, certes ferme dans ses idées mais toujours sage et mesurée, délicate et surtout assez joyeuse. Et ça me convient assez comme approche.
Quant à la question du "métacinéma", c'est très bien et très plaisant ici mais la question m'intéresse moins.
Merci pour ce grain de sel particulièrement intéressant :)
RépondreSupprimerLa sensibilité politique et épicurienne des sieurs Cavalier et Lindon ne nous a pas échappé et nous correspond également. Ton point de vue sur l'importance accordée par le film à une volonté politique qui se doit d'être simple et très claire se défend, mais la dimension "métacinématographique" qui t'intéresse peu nous intéresse davantage, du moins aurions-nous peut-être aimé qu'elle parvienne à nous intéresser davantage, précisément pour que le film ne se limite pas à d'agréables et modestes considérations sur la politique ou la nourriture, pour finalement se contenter quelque peu de nous représenter sans souffle le simple bonheur des petites choses, ce que ce film nous apparaît être en définitive, une petite chose, et nous le regrettons.
Oui, d'accord, mais il faut quand même reconnaître que l'attention portée aux "petites choses" va un peu plus loin que ça. On est loin des considérations têtes-à-claques genre "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules", quand même! Ici, c'est avant un tout un goût -presque un peu gratuit, et c'est tant mieux, encore un point pour la légèreté du propos- pour le motif documentaire (quand on nous montre précisement le menu des pique-niques, par exemple). Je sais pas trop comment expliquer mieux ça, mais c'est cette chose qui fait que les films de fiction d'Herzog me touchent autant, par exemple.
RépondreSupprimerJe vous aime, au moment où j'ai vu le tweet, je me suis dit "tout le monde a déjà du dire "paterrible", mais je vais oser le refaire dans les commentaires", mais finalement, vous l'avez déjà fait dès la première ligne, c'est beau.
RépondreSupprimerLindon fait son show à Deauville :
RépondreSupprimerhttp://youtu.be/teE1kyssuRw
Il est tout là-haut. Au-dessus c'est le soleil.
SupprimerPour les fans de Lindon :
RépondreSupprimerhttp://www.france2.fr/emissions/13h15-le-samedi-le-dimanche/diffusions/09-02-2014_188766
Je pense objectivement que c'est un bon film. Le problème si il en est un , est qu'il soit "franco-français". Il lui manque cette dose d'universalisme propre aux très grands films. Mieux vaut une tentative de création artistique originale plutôt que du plagiat sous forme d"hommage".
RépondreSupprimer"Mieux vaut une tentative de création artistique originale plutôt que du plagiat sous forme d'hommage'."
SupprimerTu fais allusion à The Artist je suppose ? Nous sommes évidemment d'accord pour préférer "Pater" au minuscule film d'Hazanavicious. Mais on peut difficilement comparer les deux films (encore moins que, au hasard, "Une femme sous influence" et "Rachel Rachel", smiley clin-d’œil-de-malade), et si la critique de "The Artist" tente de terminer sur une touche bienveillante quand celle de "Pater" au contraire se montre assez rude, c'est tout simplement parce qu'on n'attend rien du premier (qui n'est pas si dégueulasse qu'il aurait pu être) et beaucoup du second (qui n'est pas si génial qu'on l'espérait).
Pas spécialement. Je pensais plus à Honoré ( le plan du film de Truffaut dans Les Biens aimés..) , Assayas etc. Hazanavicius me semble sympathique j'ai du mal à vouloir lui cracher dessus. Son OSS 117 Rio ne répond plus était bon à la première vison , mais la seconde a été un mi figue mi raisin.. il reste bien des blagues assez drôles mais j'ai comme l'impression de m'être fait avoir...
SupprimerJe suis encore une fois d'accord avec toi sur le fond. L'idée de Cavalier est pour moi très bonne. Se confronter de manière ludique face à la politique et à certains enjeux sociaux ( l'épisode du jeune parlant du dopage est assez significatif). Après si on est pas francophone , j'imagine que la compréhension globale du film peut en être affectée. Si on doit reprocher un truc à ce film c'est en premier lieu ça je pense.