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22 janvier 2021

Quien a hierro mata

Le titre mérite une petite explication. Ceux qui ont deux trois notions d'espagnol sauront à peu près le traduire mais seront tout de même embêtés : on dirait qu'il manque un bout. En effet, l'expression espagnole complète est "Quien a hierro mata a hierro muere", l'équivalent de notre un peu plus tranchant "Celui qui vit par l'épée périra par l'épée". Remplacez "l'épée" par "la drogue", "la came" ou "l'héroïne" et vous obtiendrez un résumé succinct mais très fidèle du film de Paco Plaza. En anglais, le titre de ce thriller, au scénario si tordu qu'il pourrait effectivement conquérir le monde, est devenu Eye for an eye, soit "œil pour œil", ce qui en change et réduit sensiblement le sens. Mais l'idée est là, car Quien a hierro mata est un film de vengeance, ni plus ni moins. Un assez bête, de surcroît.




Un infirmier en maison de retraite est amené à prendre soin du vieux baron de la drogue local, fraîchement sorti de taule et atteint d'une grave maladie dégénérative. Ayant perdu son frère il y a des années des suites d'une overdose, l'infirmier met au point une vengeance aussi terrible que minutieuse : il va injecter chaque soir à son patient impuissant une perfusion d'héroïne aux doses croissantes pour le faire clamser à petit feu du même mal que son frangin. Ce petit manège finira bien évidemment par se retourner contre lui... 




Comme vous pouvez le constater, Paco Plaza s'attache donc à illustrer l'expression éponyme. Il l'illustre lourdement, avec une multitude d'exemples à l'appui. Son thriller captive mais pèse une tonne. Le réalisateur espagnol n'a pas beaucoup progressé depuis Rec. Bien que l'on soit jusqu'au bout curieux de découvrir où le film va nous mener, et désireux de connaître tous les aspects de son scénario de malheur qui ne tient d'ailleurs pas trop debout, on ne peut pas faire l'impasse sur la laideur visuelle régulière de la mise en scène. Paco Plaza ne fait pas dans la dentelle, notamment lors de ces flashbacks inutiles, véritables flashs aux couleurs faisandées, qu'ils nous assènent brutalement pour nous rappeler le passé douloureux du personnage principal. Cela ne nous aide guère à mieux comprendre ses motivations, à compatir avec lui, mais si le but était de produire des images moches et pénibles, il est atteint haut la main.




Dans le rôle de l'infirmier, nous retrouvons, heureusement, Luis Tosar, un acteur galicien doué qui ne choisit hélas pas toujours bien ses rôles au point d'avoir tourné, consécutivement, pour Jaume Balaguero puis Paco Plaza, l'association de malfaiteurs derrière les deux premiers Rec. Il y a peut-être du masochisme là-dedans... Luis Tosar fait ce qu'il peut dans un rôle très mal écrit. Son personnage d'abord intriguant finit par nous blaser sévère. Il fait tout simplement nawak, allant jusqu'à mettre sa femme enceinte en danger pour satisfaire son insatiable besoin de vengeance. On suit d'un œil de plus en plus critique ses faits et gestes imbéciles et Luis Tosar apparaît comme le malheureux pantin d'un Paco Plaza bien déterminé à nous faire comprendre que la vengeance ne résout pas tout. Message reçu.




C'est dommage car l'idée de départ, qui consiste à délocaliser l'intrigue habituelle dans un milieu inédit (la maison de retraite) et à faire du plus grand salop en présence un homme âgé vulnérable et grabataire, n'est pas mauvaise. On imagine déjà le remake américain s'en saisir et peut-être en faire quelque chose d'encore pire. Le suspense est parfois au rendez-vous et les acteurs sont bien choisis. Le vieux baron, campé par Xan Cejudo, est très loin des clichés associés à ce genre de personnages. Ses deux cons de fils, qui essaient de maintenir son commerce à flot malgré leur QI limité, sont crédibles et joués par deux acteurs aux grosses tronches amusantes qui mettent du cœur à l'ouvrage (l'un deux, Enric Auquer a même été récompensé d'un Goya). Ils ont presque quelque chose de pathétique et le fort amour fraternel qui les unit les empêche d'être complètement négatifs et haïssables. On préfèrera retenir ces petites qualités là, si l'on retient vraiment quelque chose de ce thriller balourd.


Quien a hierro mata de Paco Plaza avec Luis Tosar, Enric Auquer et Xan Cejudo (2020)

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