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29 février 2020

Maria's Lovers

En 1985, Andreï Konchalovsky a réalisé un véritable chef-d’œuvre du cinéma d'action dont je vous ai déjà parlé ici : Runaway Train. Toujours en Amérique, il a également signé, un an plus tôt, un film plus méconnu et d'un tout autre genre mais tout aussi remarquable, Maria's Lovers. Maria, c'est Nastassja Kinski, alors au faîte de sa beauté. On comprend donc aisément que le titre soit au pluriel... Le film d'Andreï Konchalovsky s'intéresse au retour au pays d'un soldat (John Savage), traumatisé par sa longue captivité dans un camp japonais pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Une fois revenu en Pennsylvanie, son rêve est d'épouser Maria, son amie d'enfance devenue la fille la plus convoitée de la ville, mais leur histoire d'amour sera contrariée par son impuissance sexuelle.




De prime abord, Maria's Lovers rappelle étonnamment Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino. L'action se déroule à la fin des années 40 et non autour de la guerre du Vietnam, mais le cadre de l'histoire se situe également dans une petite ville ouvrière de Pennsylvanie, et plus précisément dans une communauté d'immigrés venus de Yougoslavie dont nous assistons aux rites orthodoxes. La présence de John Savage, en vétéran qui doit gérer son choc post-traumatique, renforce évidemment l'étrange parenté des deux films. Comme on pourrait légitiment le redouter étant donné la grandeur du film de Cimino, ce rapprochement ne porte pas préjudice à Maria's Lovers, le style ample et raffiné d'Andrei Konchalovsky et son casting impeccable supportent sans souci cette si flatteuse association.




Maria's Lovers est en effet un mélodrame bouleversant qui montre parfaitement l'attrait que peut exercer sur les hommes, quel que soit leur âge, une femme à la beauté exceptionnelle. Nastassja Kinski, au charme et à l'élégance sidérantes, ne laisse ici personne indifférent. Du père du soldat, incarné par un excellent et très touchant Robert Mitchum (pour une de ses dernières apparitions au cinéma), au crooner charmeur de passage en ville campé par Keith Carradine, en passant par le collègue de travail qui ne fait pourtant que croiser très brièvement la dame, tous n'ont d'yeux que pour Nastassja Kinski dont la sensualité fascinante et l'immense beauté sont parfaitement saisies par la caméra délicate d'Andrei Konchalovsky.




Le cinéaste russe traite aussi de façon très habile du traumatisme de son personnage principal, offrant sans doute l'un de ses plus beaux rôles à John Savage, impressionnant de fragilité et de sensibilité. Konchalovsky aborde le sujet rarement traité si frontalement de l'impuissance sexuelle en le plaçant au cœur d'une histoire d'amour réellement émouvante. Il montre le sentiment amoureux dans tout ce qu'il peut avoir de violent et d'absolu, un amour si fort qu'il ne peut être concrétisé, consommé. Ce soldat de retour de la guerre n'a fait que penser à Maria pour tenir le coup et survivre, se réfugiant dans ses pensées et ses rêves avec elle pour échapper à l'horreur qu'il vivait chaque jour. En associant si intimement son amour à son terrible trauma, il a malheureusement condamné le premier et fait perdurer le second.




Cinéaste talentueux à la carrière assez bizarre partagée entre la Russie et l'Amérique, Andreï Konchalovsky s'avère aussi doué et inspiré pour mettre en scène un pur film d'action qui vous scotche à votre fauteuil que pour filmer une histoire d'amour qui vous terrasse par sa déchirante beauté. Il est amusant de remarquer quelques motifs récurrents entre les deux films successifs du réalisateur, par exemple lorsque John Savage fuit la ville en montant sur les wagons d'un train de marchandise de passage et reste debout, filant dans l'horizon à la manière de John Voight dans Runaway Train. Traversé par quelques scènes et des images magnifiques et illuminé par la sensualité hors norme de la radieuse Nastassja Kinski, Maria's Lovers est un film rare qui ne laisse guère indifférent. 


Maria's Lovers d'Andreï Konchalovsky avec John Savage, Nastassja Kinski, Keith Carradine et Robert Mitchum (1984)

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