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17 février 2020

L'Appel de la forêt

Je regardais White Dog de ce bon Samuel Fuller l'autre soir. Sacré Sam. Dans l'une des meilleures scènes de ce film, qui parle de ces chiens dressés pour attaquer et tuer les noirs aux États-Unis, et dont la vedette est un chien très impressionnant (un peu comme dans Cujo dont je parlais récemment, sauf que la gueule d'un berger allemand est au départ plus crispante que celle d'un Saint-Bernard), Fuller fait dire à ce bon vieux Burl Ives "Voilà l'ennemi !" en lui faisant tirer une fléchette sur un R2D2 géant. Dans le film, le personnage interprété par Burl Ives, dresseur de bêtes sauvages, se plaint de la mode des robots à la con qui déferlent alors sur Hollywood et le privent de son partenariat avec les Majors, lesquelles se foutent désormais de filmer des animaux de chair et de sang et préfèrent des androïdes et autres bestioles en caoutchouc, bientôt en CGI. Quand on se souvient de Burl Ives entouré de bêtes terribles et en tout genre dans le génial Wind Across The Everglades de Nicholas Ray, la scène se teinte d'une nostalgie très concrète.





Or il se trouve que le même soir je découvris la bande-annonce de la nouvelle adaptation du Call of the Wild (L'appel sauvage, plutôt que L'appel de la forêt) de Jack London, avec Harrison Ford et un chien tout en images numériques. Quelle tristesse... Non seulement la bande-annonce laisse entrevoir un film qui n'a strictement rien gardé de la beauté du texte de London (ni de la beauté de la relation qui unit Buck à Thornton, qui est une relation d'amour parfois cruelle, comme lorsque Thornton pousse Buck vers une mort certaine juste pour éprouver l'amour de son chien, scène terrible dans le livre — alors que dans le film on semble plus proche de Belle et Sébastien), mais ce chien tout en images de synthèse, proprement hideux, absolument faux à l'image, aura bien du mal à renouer avec sa part enfouie de sauvagerie... Il part de loin le pauvre.





Il me semble pourtant que s'il y a bien un animal qui existe encore en nombre suffisant pour ne pas mettre en péril la survie de l'espèce sur un plateau de tournage, et que l'on sait à peu près dresser à faire n'importe quoi, c'est le iench. Encore hier je voyais un guignol qui filmait son petit chien en train de faire de la trottinette en bas de chez moi... Mais surtout, comment ont-ils osé, pour ce film, adapté de ce livre, entièrement consacré à décrire comment l'animal sauvage ancestral ressurgit au plus profond d'un clébard de compagnie, faire jouer le chien à un crétin couvert de capteurs pour ensuite nous le dégueuler en CGI ? Je pense qui plus est avec une profonde tristesse à Harrison Ford qui a passé tout le tournage seul face caméra, et qui a dû rentrer chez lui un bras en écharpe à force de le tendre dans le vide. Fallait pas signer, vieux. 


L'Appel de la forêt de Chris Sanders avec Harrison Ford et Omar Sy (2020)

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