Je regardais White Dog de ce bon Samuel Fuller l'autre soir. Sacré Sam. Dans l'une des meilleures scènes de ce film, qui parle de ces chiens dressés pour attaquer et tuer les noirs aux États-Unis, et dont la vedette est un chien très impressionnant (un peu comme dans Cujo dont je parlais récemment, sauf que la gueule d'un berger allemand est au départ plus crispante que celle d'un Saint-Bernard), Fuller fait dire à ce bon vieux Burl Ives "Voilà
l'ennemi !" en lui faisant tirer une fléchette sur un R2D2 géant. Dans
le film, le personnage interprété par Burl Ives, dresseur de bêtes sauvages, se plaint de la mode des robots à la con qui déferlent alors sur
Hollywood et le privent de son partenariat avec les Majors, lesquelles se foutent
désormais de filmer des animaux de chair et de sang et préfèrent des
androïdes et autres bestioles en caoutchouc, bientôt en CGI. Quand on se souvient de Burl Ives entouré
de bêtes terribles et en tout genre dans le génial Wind Across The Everglades de Nicholas Ray, la scène se teinte d'une nostalgie très concrète.
Or il se trouve que le même soir je découvris la bande-annonce de la nouvelle adaptation du Call of the Wild (L'appel sauvage, plutôt que L'appel de la forêt) de Jack London, avec Harrison Ford et un chien tout en images
numériques. Quelle tristesse... Non seulement la bande-annonce laisse
entrevoir un film qui n'a strictement rien gardé de la beauté du texte
de London (ni de la beauté de la relation qui unit Buck à Thornton, qui
est une relation d'amour parfois cruelle, comme lorsque Thornton
pousse Buck vers une mort certaine juste pour éprouver l'amour de son
chien, scène terrible dans le livre — alors que dans le film on semble
plus proche de Belle et Sébastien), mais ce chien tout en images de
synthèse, proprement hideux, absolument faux à l'image, aura bien du mal
à renouer avec sa part enfouie de sauvagerie... Il part de loin le
pauvre.
Il me semble pourtant que s'il y a bien un animal qui existe encore en nombre suffisant pour ne pas mettre en péril la survie de l'espèce sur un plateau de tournage, et que l'on sait à peu près dresser à faire
n'importe quoi, c'est le iench. Encore hier je voyais un guignol
qui filmait son petit chien en train de faire de la trottinette en bas
de chez moi... Mais surtout, comment ont-ils osé, pour ce film, adapté
de ce livre, entièrement consacré à décrire comment l'animal sauvage ancestral ressurgit au
plus profond d'un clébard de compagnie, faire jouer le chien à un crétin couvert de capteurs pour ensuite nous le dégueuler en CGI ? Je pense qui plus est avec une profonde
tristesse à Harrison Ford qui a passé tout le tournage seul face caméra, et
qui a dû rentrer chez lui un bras en écharpe à force de le tendre dans
le vide. Fallait pas signer, vieux.
L'Appel de la forêt de Chris Sanders avec Harrison Ford et Omar Sy (2020)
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