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30 juillet 2019

Eighth Grade

Eighth Grade est le premier long métrage de Bo Burnham, un jeune américain né en 1990, musicien et comique de scène, qui a commencé à se faire connaître dès l'âge de 16 ans en tant que youtubeur. Littéralement couvert d'éloges par les critiques US, son film s'intéresse aux adolescents d'aujourd'hui à travers le portrait de la petite Kayla, une gamine qui habite seule avec son père et vit sa dernière semaine au collège (l'eight grade est l'équivalent de notre 3ème). Scotchée à son smartphone du lever au coucher, Kayla a une chaîne Youtube qu'elle alimente avec des vidéos faites maison où elle donne des conseils, cause confiance en soi et image de soi, se montrant expansive et pleine d'assurance. Immédiatement, Bo Burnham nous révèle le décalage immense entre l'image que Kayla donne d'elle-même sur les réseaux sociaux, via ses vidéos, et son attitude au collège, au milieu de ses semblables, dans la "vraie vie", pourrait-on dire. Adolescente assez mal dans sa peau, peu gâtée par l'acné, discrète et solitaire, Kayla est effectivement la première concernée par ses propres conseils, fièrement énoncées dans ses petites vidéos, dans une sorte de méthode Coué 2.0 qui finira par porter ses fruits...




Face à un personnage aussi fragile et vulnérable, j'ai bien longtemps craint le pire. J'étais persuadé qu'une pluie de saloperies allait s'abattre sur cette gamine. J'ai passé tout le film à anticiper, à imaginer les mauvaises surprises que lui réservait le scénario. Qu'elle se fasse humilier par les pimbêches de son collège, qu'un garçon profite de son envie d'avoir un boyfriend pour abuser d'elle, que son père finisse par péter les plombs et lui coller une beigne bien méritée, etc. J'ai eu les chocottes tout le long et ce n'est qu'à 10 minutes du terme que j'ai fini par me dire que la gosse était à l'abri, qu'il ne pouvait plus rien lui arriver de grave. Contrairement aux apparences, Eighth Grade n'est donc pas une version réactualisée de Bienvenue dans l'âge ingrat, le sympathique film de Todd Solondz qui nous proposait de revivre l'enfer de l'adolescence et du collège à travers les yeux d'une autre ado en manque de confiance et, quant à elle, guère épargnée par les injures et les humiliations quotidiennes. Ici, tout se passe putain de bien, et il y a là quelque chose d'étonnamment réconfortant. Bo Burnham nous a livré un bon gros "feel good movie", comme on dit, et c'est peut-être cet optimisme désarmant qui a autant plu aux critiques de son pays.




Alors certes, tout cela est assez facile, naïf et paraît un peu factice. On a par exemple du mal à croire aux agissements de cette fille, ultra réservée mais dotée d'un courage et d'une capacité à se foutre des coups de pied au cul tout à fait hors norme. On peine également à concevoir l'existence d'autres personnages aussi bienveillants autour d'elle et je fais là surtout allusion à cette lycéenne qui choisit de prendre sous son aile Kayla suite à sa journée de pré-rentrée, voire à son père, toujours patient, stoïque et aux petits soins malgré l'attitude parfois insolente de sa fille. Par ailleurs, certains effets sont un peu lourds, notamment l'utilisation de la musique, qui donne l'impression que le réalisateur est allé piocher dans le lecteur mp3 de cet ado pour surligner ses états d'âme. Mais il y a aussi de vraies qualités là-dedans. Les jeunes acteurs, à commencer par Elsie Fisher, sont impeccables et ont sans doute été bien dirigés. Le regard posé sur cette ado est d'une douceur sincère et de chaque instant. D'une certaine humilité, ce petit film assumé est porté par une tendresse plaisante, agréable, qui nous brosse dans le sens du poil, on se laisse faire sans souci.




Bo Burnham réussit même une scène sacrément casse-gueule : celle où le père et sa fille, alors au fond du trou, se retrouvent autour d'un feu, pour aboutir à un moment de confidence paternel plutôt touchant. Alors qu'il aurait pu tomber à pieds joints dans le pathos, il réussit à nous émouvoir avec plus de subtilité que prévu. Le premier rendez-vous entre Kayla et Gabe, un garçon assez perché qui lui a préparé un dîner romantique à base de frites, de nuggets et d'un impressionnant assortiment de sauces, constitue un autre moment fort qui finit de nous conquérir. Cette conclusion tranquille promet un avenir radieux au personnage principal, que nous sommes satisfaits de quitter ainsi. Bref, guilty as charged d'avoir kiffé ce teen movie, dont je comprends aisément qu'il ait su faire causer de lui outre-Atlantique. Il est étonnant qu'il n'ait pas trouvé de distributeur en France, il y avait du blé à se faire... 


Eighth Grade de Bo Burnham avec Elsie Fisher, Josh Hamilton et Jake Ryan (2019)

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