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16 juin 2019

L'Heure de la sortie

L'Heure de la sortie est le deuxième long métrage de Sébastien Marnier et j'aurais juré qu'il s'agissait du premier. Cette adaptation d'un bouquin de Christophe Dufossé paru en 2002 nous narre les déboires d'un prof de français remplaçant (Laurent Lafitte) qui accepte de s'occuper d'une classe d'élite de 3ème ultra chelou suite au suicide de leur prof précédent : celui-ci s'est carrément jeté par la fenêtre, en plein cours, ce à quoi nous assistons dès les premières minutes d'un film qui a le mérite de nous saisir par le colbac d'entrée de jeu. Par la suite, Sébastien Marnier se montre assez habile pour développer une ambiance singulière et entretenir le mystère. Qu'est-ce qui se trame dans ce lycée privé zarbi dirigé par un proviseur dans le gaz complet (Pascal Greggory) ? Que manigance cette petite bande de collégiens surdoués et arrogants ? Laurent Lafitte a-t-il mis, malgré lui, les pieds chez un groupuscule fachos ? dans une secte New Age ? Et comment expliquer ces cours de musique orchestrés par une enseignante survoltée (Emmanuelle Bercot) lors desquels les gamins reprennent en chorale et au synthé de vieilles chansons de Patti Smith ? Bref, il y a là de quoi intriguer... Laurent Lafitte va donc mener sa petite enquête, quitte à espionner les exactions de ses élèves, aux mœurs décidément bien étranges...





L'Heure de la sortie vaut le coup d’œil. Pendant la majeure partie du film, nous sommes vraiment curieux de savoir où cette drôle d'histoire va nous mener. Le scénario aborde des thèmes très actuels qui ne manquent pas d'interpeller, nous confrontant à une bande d'ados qui se veut représentative d'une nouvelle génération remontée à juste titre contre ses aînés, trop dégoûtée de l'état dans lequel la Terre lui a été laissée. Le choix du contexte apparaît intelligent et original, il y a quelque chose de très captivant dans ce lycée étrange et cette ville de province anonyme mais, au fond, des plus familières. Le film de Sébastien Marnier est également porté par un acteur impeccable : après sa performance étonnante dans Paul Sanchez est revenu, Laurent Lafitte confirme tout son talent pour incarner des personnages ambiguës, que l'on a bien du mal à cerner. On imagine d'ailleurs très mal ce qu'aurait pu donner un tel film avec un autre acteur.





Hélas, L'Heure de la sortie a aussi des défauts évidents, ceux-là même qui m'ont amené à penser qu'il s'agissait à coup sûr du premier long métrage de son auteur. Sébastien Marnier manque parfois de subtilité quand il s'agit d'insuffler une atmosphère fantastique à son récit, qu'il parasite de motifs surnaturels trop grossiers qui n'apportent pas grand chose à l'ensemble et aboutissent en outre à des incohérences. On sent trop les influences du réalisateur, des références que la bande originale vient aussi nous rappeler avec insistance, en lorgnant du côté d'Argento ou Carpenter (dont le duo électronique français Zombie Zombie, ici aux manettes de la BO, a d'ailleurs signé un chouette EP de reprises). Si l'ambiance est tout de même plutôt prenante et réussie, elle aurait mérité d'être travaillée davantage et d'accoucher de quelque chose de plus consistant, de moins vain. Quand le voile se lève enfin sur les motivations des jeunes et leur objectif final, dans une conclusion qui rappelle l'excellent Take Shelter de Jeff Nichols, on est plutôt déçu : c'est trop facile, trop attendu. Alors qu'il n'est pourtant pas bien long, le film finit par s'essouffler petit à petit et laisse un goût d'inachevé. Malgré ses faiblesses, on préfère toutefois en retenir les vraies qualités qui en font une proposition originale et osée pour le cinéma français. L'Heure de la sortie m'a même donné envie de m'intéresser au véritable premier film du cinéaste, Irréprochable, que je ne regarderai jamais, parce qu'on y retrouve Benjamin Biolay. 


L'Heure de la sortie de Sébastien Marnier avec Laurent Lafitte (2019)

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