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1 septembre 2016

The Way, la route ensemble

C'est joli puisque ça se passe, je dirais même que ça déambule, dans les Pyrénées, le Pays Basque puis le nord-ouest de l'Espagne jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle. Ensuite, n'importe qui suivrait Martin Sheen n'importe où, avec ses cheveux virevoltants, sa dégaine de vétéran du Viet-Nam et ses yeux constamment exorbités, même dans un Lidl au milieu des clodos en train de charger à ras bord leurs cagettes de Finkbräu.

Martin Sheen est ophtalmo en Californie lorsqu'il apprend au milieu de son parcours de golf que son con de fils unique Emilio, avec lequel il est légèrement en froid, vient de mourir victime du mauvais temps pyrénéen. En effet, Emilio avait décidé, sans en référer à son père, de se taper le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. D'où l'étonnement compréhensif de Martin Sheen quand Tcheky Karyo, se faisant passer pour le capitaine de la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port, lui apprend le tragique mais banal accident dont a été victime son fils après seulement un jour de marche. Éploré, Martin Sheen file dans ce petit village bucolique des Pyrénées et débarque d'un TER, ce qui a dû l'éplorer un peu plus encore. Tcheky Karyo joue parfaitement le gendarme lambda français, tout en douceur et retenue, parlant sans effort un anglais châtié en faisant bien attention d'aspirer les h, ce que tout Français fait de manière naturelle, on le sait tous.


Après avoir tergiversé quelques heures, Martin Sheen décide de faire cramer son fils et d'aller répartir ses cendres le long du chemin de pèlerinage jusqu'à Saint Jacques de Compostelle, d'où le titre du film! Durant son voyage, il est rapidement harcelé par un gros hollandais fumeur de weed qui fait le pèlerinage pour perdre du poids afin de pouvoir remettre un de ses vieux costards pour le troisième mariage de son frangin. Il rencontre ensuite une canadienne jouée par Deborah Kara Hunger qui est ici tellement maigre qu'elle n'a jamais aussi bien porté son nom, et qui ressemble maintenant à un transsexuel toxicomane, canadien donc. Un peu plus tard, il rencontre un écrivain irlandais colérique et en panne d'inspiration qui a eu juste le temps de faire le pèlerinage avec toute l'équipe du film avant de s'envoler pour la Nouvelle-Zélande jouer un nain. Les rapports entre les personnages passent de cordiaux à tendus, puis de tendus à cordiaux au fur et à mesure des beignes, des insultes ou des mots d'amour qu'ils se balancent.


Le tout est illustrée par une musique survoltée choisie personnellement par Emilio Estevez! Pour notre plus grand désarroi, Emilio ne peut pas s'empêcher de nous mettre sa playlist idéale de ballade cheminantes tout au long de cette randonnée que l'on suit les yeux rougis par l'effort, cette playlist qu'il a effectivement mise sur son iPod Touch personnel et qu'il a fait subir à toute l'équipe du film le long des 800 bornes jusqu'à Santiago. Et malheureusement, entre les classiques instrumentales à la guitare, les solos violon enflammés et les ersatz de Bob Dylan gémissant des insanités nombrilistes, on a droit à l'habituel New Slang des Shins, qui est toujours ressorti par les réalisateurs à l'esprit étroit à chaque fois qu'un être humain chemine avec émotion d'un point A à un point B, que ce soit à pied, à cheval ou en voiture. Nick Drake est aussi de la partie, ce qui me fait soupçonner une certaine accointance, voire une amitié avec le démoniaque Zack Braff.


Pendant leur grande rando de plus de deux heures, nos quatre compères rencontrent des Français, des Basques et des Espagnols, tous joués par autochtones placides qui ont la particularité de parler anglais avec la facilité et la délicatesse du premier Wayne Rooney venu, ce qui leur facilite pas mal la route. On apprend aussi que l'Espagnol est voleur puisqu'à peine Martin Sheen a posé son sac devant la cathédrale de Burgos qu'il se le fait chaparder par un gamin présenté comme un Gitan. Sympa les préjugés Émilio. Il essaie de se rattraper ensuite en faisant ramener le gamin par le colbac par son père rouge de honte qui parle, lui aussi, un anglais d'Oxford sans effort. Tout ça nous raconte une bien jolie histoire, remplie de vignettes gastronomiques et de paysages montagneux et tourmentés, probablement comme l'esprit d'Emilio Estevez, qui se plait à apparaître tout le long du film, juste pour nous rappeler qu'il a une sacrée tête de con. L'arrivée sous les violons et solos guitares à Santiago de Compostela se fait par un jour gris et fade typique de la Province de La Corogne. Chacun des quatre personnages est ému, parfois jusqu'aux larmes comme notre Irlandais nain, et se fait tourner autour en contre-plongée par une caméra survoltée. C'est un film très chrétien.


TélécableSat nous dit candidement que ce film est plein d'humanité et qu'il nous permet de jouir de beaux paysages. Je ne peux pas être plus d'accord, mais j'y vois surtout la déclaration d'amour d'un fils à son père, un fils qui se rêve en cadavre et qui force son propre père dans la vraie vie à répartir ses cendres tout le long du chemin jusqu'à Saint Jacques de Compostelle ! Assez bizarre quand on y pense, et je ne sais pas comment Martin Sheen l'a pris quand son fils lui a présenté les grandes lignes de son grand projet cinématographique après son film sur la mort de Bobby Kennedy. Encore la mort, qui semble hanter Emilio Estevez, alors qu'il pourrait, comme tout le monde rêver qu'il décide de changer d'orientation professionnelle et devenir couvreur sous les ordres de Youri Djorkaeff qui serait l'un des 14 artisans couvreurs restants en France. Quatorze personnes pour plusieurs millions de toits! Au départ j'avais cru que ce film était une autre adaptation du livre On the Road de Jack Kerouac, car ça parle de route mais il n'y a pas Kristen Stewart qui dévoile sa poitrine dedans. Mais non c'est l'adaptation du livre Off the Road: A Modern-Day Walk Down the Pilgrim's Route Into Spain de Jack Hitt ! Un bon film d'ambiance, un bon film pour les fans des yeux fous de Martin Sheen. Pour les autres, je sais pas.


The Way, la route ensemble d'Emilio Estevez avec Martin Sheen, Deborah Kara Hunger, Yorick van Wageningen, James Nesbitt et Emilio Estevez (2010, sorti en France en 2013)

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