Pages

12 juin 2016

Sherlock Holmes

Ce film atteint le plus bas degré de nullité. Même dans la catégorie des films d'action tout public populaires pour adolescents lobotomisés, et même pour ces gens pourtant adultes et si nombreux qui passent leur temps à se vanter d'aimer ce qui se fait de pire (ceux qui répètent : "Mais tu te prends trop la tête, les films bien cons c'est cool aussi, et puis ça plaît à la majorité des gens ! C'est quand même agréable, en semaine, après une grosse journée de boulot bien abrutissante de pouvoir s'abrutir un peu. Il faut se détendre, se laisser aller, regarder une merde, scruter de la chiasse, pour se vider le cerveau un bon coup… Ou alors le week-end, pour se délasser enfin après tout le boulot de la semaine, c'est quand même agréable de mater une grosse daube infâme pour ne penser à rien, juste consommer une maxi-merde, peinard comme un poiscaille rouge dans l'eau, un petit poisson, avec une mémoire de cinq secondes chrono, etc. etc. etc."), même pour ces gens-là, pour qui il semble donc primordial de se ruiner la caboche devant de grosses saloperies nulles à dégueuler les soirs de semaine ainsi que le week-end, même pour eux, ce film et ses semblables devraient devenir indigestes à la longue. Mais soyons tolérants, après tout, ceux qui ont envie de se délester de leur cervelet pendant deux heures et de se ruiner les yeux devant une bonne grosse merde ont le droit de le faire. Il ne reste plus qu'à espérer pour eux qu'ils savent ce qu'ils regardent, qu'ils ne prennent pas les grosses vessies de Guy Ritchie pour des lanternes et savent que ces films sont indignes d'eux, indignes de nous tous.


Devant ce genre de film je me surprends à rêver de voir le personnage de Bob Danette Junior se faire descendre en mode "bullet-time", mais le héros ne meurt jamais.

Godard a dit il y a peut-être 30 ans que depuis 30 ans on ne voyait jamais que le même film avec un titre différent (et encore), un "nouveau" film qui n'est que la reprise à l'identique de tous les précédents mais qui parvient pourtant à leurrer les spectateurs. Hollywood notamment veut nous faire croire qu'on va voir quelque chose d'à peu près neuf à chaque fois alors que, sauf très rare exception, on fixe du regard le même film nul depuis 30 longues années au moins, basé sur la recette des succès précédents et calibré pour faire un nombre d'entrées, assurant aux producteurs de rentrer dans leurs frais. La phrase de Godard s'applique à ravir à ce type de gros film d'action populaire surfait et rachitique qu'Hollywood régurgite chaque année sans se lasser et, apparemment, sans lasser sa large audience. Il faut peut-être féliciter les faiseurs qui arrivent à vendre le même et unique film absolument médiocre depuis 30 ans et qui ont su fidéliser le public au point qu'il paye systématiquement et indéfiniment pour le revoir des millions de fois.


Caffi de tablettes de chocolat pour un rôle pourtant fort laid, et filmé par un Guy Ritchie légèrement concupiscent (qui lui chantait la superbe chanson de son frère troubadour à l'oreille avant chaque plan "all night lo-ong, all niiight... all night lo-ooong, all niiiight...), Robert "Down on my knees, i'm bagin' you ! Please, please don't leave me..." Junior apparaît ici dans toute sa splendeur.

Mais revenons à Sherlock Holmes, encore que ce soit dispensable. Il y a tellement tout et rien à dire sur ce film, et sur tous ceux qui sont sa copie conforme, parmi lesquels il faut compter le deuxième épisode évidemment, Sherlock Holmes jeu d'ombres, qui répète la même histoire avec les mêmes personnages, les mêmes effets spéciaux hideux, les mêmes filtres colorés, les mêmes costumes ridicules, les mêmes cascades pourries, le même scénario miteux, les mêmes fausses blagues pour rythmer les mêmes scènes d'action et ainsi de suite. On commence à connaître la chanson. Le titre de la franchise se revendique d'une icône du polar pour en faire toute autre chose, une version soi-disant modernisée mais en réalité simplement écervelée : adieu les détectives anglais fumant la pipe habillés de velours façon Wes Anderson et résolvant des affaires criminelles par l'astuce et un esprit retors, bonjour les deux gros cons (Jude Law et Robert Downey Jr, respectivement Hercule et Sherlock), les deux playboys de mes deux revêtus par Laggerfeld qui niquent à tours de bras et qui gagnent à la fin en foutant des pains à droite à gauche et en réduisant gaiement la ville à feu et à sang.


 Quelque chose vient de tomber, sur les lames de ton plancher, toujours le même filmeu qui passe, Le mèèm filmeu qui pass.

Mais il faut quand même une plus-value pour espérer ébahir le public : cette mise en scène ultra maniérée et infecte qui fait la "patte" Guy Ritchie et qui consiste à utiliser jusqu'à la lie l'effet "bullet-time", ridicule à souhait et d'une laideur maximale, complètement has-been depuis la première projection-crash-test de Matrix. Ce pauvre Guy refait exactement et inlassablement tous les films qu'il a déjà faits, avec ses tics horribles, et il imite en prime Fight Club et mille action flicks beaucoup plus nazes, en pire. Qui aurait cru qu'un jour le distingué et brillant Sherlock Holmes serait incarné à l'écran par Bob Downey Junior ? Que dire de ce vide abyssal qui caractérise ce film minable et ses semblables, de la violence gratuite et volontiers séductrice affichée à l'écran dans une esthétique vendeuse, publicitaire, parfaitement calamiteuse et qui, pire, fait des petits (le Stalingrad de Fyodor Bondarchuk, succédané du style Guy Ritchie, que nous n'avons pas vu et qui nous fait encore plus amèrement regretter le film que Leone voulait tirer de cette bataille), que dire de l'intelligence (prétendue) du personnage uniquement reléguée à une intelligence du combat physique glorifié, de ces dialogues à se pendre, de cette histoire abominable, de ces plans monstrueusement nuls. Bref, on sait tout ça, on l'a déjà vu, revu, revu, revu, revu, revu, revu, revu...


Sherlock Holmes de Guy Ritchie avec Robert Downey Junior et Jude Law (2010)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire