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13 février 2015

Le Corbeau

Film mineur dans la série des adaptations de Poe par Corman, Le Corbeau sort tout de même du lot par sa qualité de comédie. Le film ne nous fera pas marrer comme des baleines, mais il est clairement léger et voué à distraire tranquillement. Pas d’horreur ici, pas de véritables créatures maléfiques ni aucune zone d'ombre. On retrouve bien quelques motifs récurrents (un tombeau, un amour perdu, un château en flammes), mais Corman et son scénariste attitré, Richard Matheson, se fichent un brin du poème éponyme d'Edgar Allan Poe, cité au début et à la fin du film par principe. L’œuvre s'éloigne ainsi allègrement des vers mélancoliques du poète pour nous offrir en spectacle les conflits de trois magiciens, incarnés par des acteurs qui aident à se sentir bien : Vincent Price, bien sûr, qui en fait des tonnes, mais aussi Peter Lorre, dans le rôle d’un magicien raté, alcoolique et maniganceur, et ce cher Boris Karloff, dans la peau du vilain. Sans oublier Jack Nicholson, collaborateur de Corman et déjà acteur pour lui dans le célèbre et plus directement potache La Petite boutique des horreurs, qui est ici producteur en plus d'incarner le fils un rien benêt du magicien aux yeux globuleux joué par l’éternel M le maudit.



Ce geste de Vincent Price résume assez bien la position de Corman vis-à-vis de tout esprit de sérieux dans cette adaptation.

Le film, tourné avec un budget extrêmement maigre (comme d'habitude ; d'ailleurs le cinéaste recycle quelques stock-shots, notamment un plan en contreplongée sur un château gothique vu plusieurs fois dans La chambre des tortures, tourné un an plus tôt, plan qu'il recyclera de nouveau l'année suivante dans La Malédiction d'Arkham), souffre de quelques longueurs (comme beaucoup d'épisodes de la série, y compris parmi les meilleurs), mais aussi d'un manque d'efficacité, y compris dans la trivialité. Corman nous livre une suite de situations cocasses devant lesquelles on se contente de sourire. Mais on peut prendre quelque plaisir devant cette scène où Vincent Price va couper une mèche des cheveux du cadavre verdâtre de son père (qui n'est pas sans évoquer l'incroyable Hulk) puis mitonne une potion magique sous les conseils d’un Peter Lorre transformé en corbeau (d'où le titre). Idem avec cette autre scène où Boris Karloff transforme le même malheureux Peter en flaque fumante de confiture de framboise, et, surtout, celle, clou du film, malheureusement un poil trop longue, où les deux véritables magiciens du film, Price et Karloff, s’affrontent dans un duel à mort plus pépère que cruel, assis face à face dans des fauteuils et s’envoyant toutes sortes d’objets au visage qu’ils évitent par mille ruses et autres tours de magie. Les effets spéciaux sont ce qu'ils sont, le jeu des acteurs est plus souvent grotesque que burlesque, et on aurait pu espérer mieux – quitte à rester dans le genre comique – de la réunion de tels comédiens, mais tout cela conserve le petit charme des immenses acteurs en présence et des choses idiotes que Corman leur donne joyeusement à faire.


Le Corbeau de Roger Corman avec Vincent Price, Peter Lorre, Boris Karloff, Jack Nicholson et Hazel Court (1962)

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