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4 janvier 2012

Blackthorn

Nous étions tentés de mettre ce film dans nos tops de fin d'année, dans l'espoir de le faire un peu mieux connaître tant il est plaisant. Mais ça n'aurait pas été très honnête parce que Blackthorn n'est pas un grand film, c'est un film modeste et réussi et qui donne envie d'en retenir les nombreuses qualités quitte à faire l'impasse sur de menus défauts qui nous rappellent que c'est un presque premier film. Premier long métrage américain de Mateo Gil, Blackthorn part de l'incertitude quant à la mort de Butch Cassidy pour élaborer une fiction sur ce qu'aurait pu être la fin de sa vie. Pour incarner cette légende du Far West, Sam Shepard, avec sa vieille tronche burinée, son profil d'aigle aiguisé par les années qui force le respect, trouve un rôle à sa mesure auquel il donne toute sa prestance. C'est un vrai beau rôle de vieil acteur, et y'en a pas tant que ça*. Shepard, heureux comme un pape, se laisse aller à pousser gaiement la chansonnette, interprétant dans son intégralité "Sam Hall", ce classique de la country que Johnny Cash nous avait rendu agréable, et il donne une vraie gueule à un Butch Cassidy sur le retour, embarqué dans une course poursuite aux côtés d'Eduardo Noriega, l'acteur espagnol abonné aux rôles de petites frappes.




Porté par le charisme de Sam Shepard et d'un casting du reste très bien choisi (Ed Noriega donc, idéal dans les rôles de petites frappes, Dominique McElligott, une splendide Etta James, et Stephen Réa, le fameux producteur de jus d'orange), Mateo Gil réalise un western droit dans ses bottes, respectueux du genre, qui chatouille le mythe et lui donne de l'ampleur, qui prend son temps pour installer personnages et récit, doté en outre d'une histoire prenante et très efficace. Tout cela nous fait dire que si nous avions vu le film plus jeunes, nous en aurions été putain de fans. C'est pas la meilleure phrase de l'article mais on est là pour vous donner envie. Le plaisir que prend Mateo Gil à fabriquer un destin humain à une légende de l'ouest est très communicatif. Et quand on donne au réalisateur le Salar de Uyuni, le plus grand lac salé asséché (qui évoque le Gerry de Gus Van Sant), pour une journée, il en profite un max pour signer la plus belle scène du film**, celle qui a inspiré l'affiche et dont on se souviendra à coup sûr toute notre vie quand on entendra dans la rue le mot "Blackthorn", ce qui n'arrivera malheureusement jamais.




Pour quand même dire un mot sur les petites maladresses du film, elles résident principalement dans l'usage du flash-back. Le film est régulièrement entrecoupé de retours en arrière sur les derniers temps de la grande épopée de Butch Cassidy et sa bande, dont le kid (que j'imaginais plus petit), ce qui n'est pas réellement gênant, d'autant que l'acteur choisi pour interpréter Cassidy jeune est très bien trouvé et que le réalisateur évite de faire du spectaculaire en filmant les moments supposément glorieux de l'histoire du héros. Mais ces flash-backs ne sont pas non plus très intéressants et donnent au film un aspect parfois un peu conventionnel. Les flash-backs qui gênent davantage sont ceux qui parsèment la séquence où Stephen Rea, qui joue le type qui a poursuivi Cassidy toute sa vie et qui le retrouve vingt après son soi-disant décès, explique à sa proie de toujours qu'il a fait la connerie de s'acoquiner avec une petite frappe interprétée par Eduardo Noriega, lequel prétend avoir volé un grand exploitant de mines malhonnête à la Jean-Michel Aulas alors qu'il a en réalité dérobé les lourdes économies d'un groupe de villageois mineurs dont c'était l'unique richesse et la raison de vivre. Cette explication arrive un peu tard dans le film et prend les atours un peu regrettables d'un twist, mais elle est intéressante car elle montre à quel point Cassidy est resté coincé dans le passé, soucieux de jouer aux grands voleurs en volant les puissants d'abord, puis fidèle à ses principes et son honneur quand il décide de rompre son pacte avec Eduardo Noriega, et de rompre ses ligaments croisés par la même occasion, à la Eduardo justement, étonnant joueur Croate à 99% brésilien, trop pourri pour être à la Seleçäo, trop blessé pour jouer dans tous les cas. Sauf que sur cette explication donc, le cinéaste choisit de monter en flash-back des images où Cassidy aidait Noriega en flinguant des paysans revanchards à tout-va, autant d'images inutiles qui nous rappellent que Mateo Gil signe là ses quasi premiers pas derrière la caméra et qu'il est peut-être soucieux, à tort, d'emporter l'adhésion des spectateurs et de sur-dramatiser la scène d'une façon un peu grossière. C'est là le principal défaut de ce film qui n'en compte pas beaucoup d'autres quand bien même on sent que son inspiration visuelle n'est pas constamment à la hauteur de ses ambitions.




Mateo Gil est désormais une moving target under the radar, autrement dit, on regardera son prochain film avec intérêt. Après avoir été le co-scénariste et l'assistant réal des premiers films d'Alejandro Gonzalez Amenabar (ce qui lui aura quand même valu de rencontrer le diable, aka Eduardo Noriega, son acteur fétiche pour les rôles de petites frappes), après s'être donc levé du pied gauche dans sa carrière, Mateo Gil vient d'apporter une belle pierre à l'édifice du film de cozboys en signant un western ni classique ni crépusculaire, un western passé à l'étape suivante, apaisé et serein, dont le héros bien que légendaire n'est ni un surhomme ni un anti-héros déclinant, juste un vieillard passé à autre chose ou presque, qui exploite sa petite ferme et qui n'aspire qu'à une chose, aller retrouver son fils puis mourir au pays.


* RIP Al Pacino et Rest in Peace Bob De Niro avec tes rôles comiques foireux, va chier Morgan Freeman, l'abonné aux voix off avariées, idem pour Dustin Hoffman qui rejoue tous les jours Rain Man dans un asile pour vieux chiasseux, Robin Williams est son Docteur Patch attitré, Jean Rochefort, toujours perdu dans la Mancha, nous rend fou avec l'expression "A ma guise", Christobal Walken, à deux doigts du trépas, joue à la roulette russe tous les matins au ptit déj en souvenir du bon vieux temps et il finira pas se faire sauter la caisse entre deux pétales de Chocapic.

** Quand il y a une note de bas de page il en faut forcément deux pour être crédible. La voici. Juste pour dire que dans cette scène le réalisateur a su donner toute sa valeur au cheval en tant que moyen de locomotion noble et vital dans le Far West. Habituellement, dans les westerns, quand un cow-boy paume son canasson il s'en tape, et dès le plan suivant il en a un autre sous le cul, le frère jumeau de sa jument. Le cheval est alors réduit au statut de tas de viande méga utile mais peu précieux, comme les flingues qui, à peine déchargés, sont jetés au sol sans plus d'égards. Alors qu'ici, Mateo Gil nous fait éprouver la nécessité de posséder un cheval. Le perdre, dans le plus grand désert salé du monde, ce n'est pas un événement anodin, c'est un véritable cauchemar pour le futur piéton qui parcourt ce paysage morbide. Et pour qu'on retienne un tel détail, c'est que la scène est épique. Banco Mateo (Gil).


Blackthorn de Mateo Gil avec Sam Shepard, Eduardo Noriega, Stephen Rea et Dominique McElligott (2011)

21 commentaires:

  1. Ca donne envie de le voir. Tres bon article en tous cas et bravo pour avoir osé publier la vanne sur Rea...

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  2. Celle sur les ligaments croisés d'Eduardo est bonnarde aussi. :)

    Très chouette article ouais, qui donne très envie de voir le film.

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  3. L'article est chouette, même si, dès la sortie de la salle, j'ai eu envie de revoir ce film épatant. Vous savez le truc qui m'a le plus touché ? Le fondu final n'est pas noir. Il est blanc. Il pète les yeux et il est magnifique. Et ça, ça vrille le bide.

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  4. Drôle de truc "touchant" mais pourquoi pas ! :)

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  5. Je le verrai, je le verrai, n'en jetez plus, c'est boooon !

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  6. P'tin première * qui n'est pas une celio*

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  7. L'article est entre autres pour Joe, les étoiles sont pour toi !

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  8. Bravo pour cet article qui donne envie... :-)

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  9. C'est un joli film en effet, passé inaperçu et qu'on a donc envie de sur-côter. J'avais moi-même hésité entre 2 et 3 étoiles à l'époque, parce qu'il a quand même des maladresses (les flashs-back nazes en effet), mais au final il dégage un tel amour de son sujet et du cinéma qu'on se laisse emporter, allez...

    Et une belle critique, qui m'a faite beaucoup rire même si elle ne descend pas le film : une rareté !
    La mienne : http://www.avoir-alire.com/blackthorn-la-critique

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  10. Merci beaucoup !

    Je vais lire ta critique sous peu :)

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  11. Ça fait plaisir oui !
    Et très belle critique aussi, fredastair ! :)

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  12. Je confirme après lecture, joli papier cher collègue !

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  13. L'acteur bien choisi pour le jeune Cassidy n'est autre que Nikolaj Coster-Waldau, le Jaime Lannister du Trône de fer :D (Réference qui ne parle peut être qu'à moi, mais tant pis !) Ce qui ne fait qu'augmenter mon envie de voir ce film !

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  14. c'est un très bon film je confirme !

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  15. RIP Etta James :(

    http://pitchfork.com/news/42859-rip-etta-james/

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  16. David (@realrickdeckard)19 février, 2012 14:43

    Bonjour,

    votre article est très bon mais erroné, en effet, ce n'est pas le premier film de Mateo Gil mais bien son second. Son premier film étant une oeuvre fantastique (trop) ambitieuse réalisé en Espagne, son pays d'origine, avec déjà le génial Eduardo Noriega et la somptueuse Natalia Verbeke. Mais "Blackthorn" est bien son 1er film US...

    A bon entendeur ;-)

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  17. On nous avait déjà fait remarquer cette erreur mais merci :)

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  18. Absolument de acuerdo avec esta critica :-)

    http://tepepa.blogspot.fr/2012/03/blackthorn.html

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  19. "quand il décide de rompre son pacte avec Eduardo Noriega, et de rompre ses ligaments croisés par la même occasion, à la Eduardo justement, étonnant joueur Croate à 99% brésilien, trop pourri pour être à la Seleçäo, trop blessé pour jouer dans tous les cas"

    "un grand exploitant de mines malhonnête à la Jean-Michel Aulas"

    Vous êtes cons :-)

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