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14 mai 2009

Shrek Le Troisième

J'ai pas vu ce film et j'en ai rien à foutre. J'avais vu le premier au cinoche, traîné par mon frère qui filait un très mauvais coton à l'époque. J'avais frôlé la mort ou la taule dans une salle de cinéma comble, bourrée à craquer de trentenaires mal fagotés, hurlant de rire à chaque référence à un film ou une série pourrie chers à leurs cœurs. Chers à leurs pace-maker devrais-je dire, ces gens-là ont-ils seulement un cœur ? Vous me direz c'est pas très fin de s'attaquer aux spectateurs. On a le droit de se laisser brancher une heure et demi par un pur divertissement, de ne pas vouloir nécessairement réfléchir devant un film, d'avoir envie d'une daube qui laisse les neurones s'enculer en paix un moment, de se libérer la tête après une semaine de boulot devant une bonne grosse merde, et puis après tout chacun ses goûts, et mon gros doigt tendu au ciel ! Toute une salle de trépanés hilares à chaque vanne venue tout droit du point le plus bas de l'échelle du cerveau humain, calibrée pile poil pour tel public qui se réjouit d'être la cible enjouée d'un commerce hideux et débile à souhait.


Une des meilleures scènes du film !

J'ai entrevu Shrek 2 chez des faux amis qui foutaient ça à leurs gosses à la télé pour bouffer tranquille. J'ai plus jamais revu ces gens et je leur ai tout récemment expédié un colis de mon chien dans du papier journal enflammé. Les pauvres mômes ne pigeaient rien devant le film. Ils étaient fascinés bien entendu. Les gosses sont si cons... Et puis c'est vrai que c'est fascinant ces images de synthèse façon Pixar, c'est monstrueusement laid, c'est raté, c'est lent et risible, mais ça fascine les peuples du monde entier. Les gamins étaient captivés (comme ils l'auraient été par n'importe quelle connerie animée), mais ils ne riaient pas ni ne pigeaient un traitre de mot à toutes ces vannes. Pourquoi ? Parce que ces films-là ne sont pas faits pour les gosses mais bien pour les gros trentenaires tchiplés tous bercés aux mêmes films populaires, tous abreuvés des mêmes séries télé, tous branchés sur MTV, tous tanqués devant youtube, en somme tous drogués aux mêmes référents et qui se réjouissent d'affirmer que "non, ces films ne sont pas pour les enfants", mais bien pour eux...


Julie Andrews, sex fan des sixties, qui brillait dans Mary Poppins ou dans La Mélodie du bonheur et qui n'a plus le physique pour apparaître en chair et en os. Ces films ont au moins l'avantage de faire travailler les vieillardes

C'est un cinéma du référent permanent, de la citation érigée en système. Et c'est pareil partout. Il y a toutes sortes de référents dans ce cinéma populaire actuel, axés principalement sur deux axes. La chanson d'abord, notamment dans des films "indés" dont on a déjà beaucoup parlé ici, comme Garden State, Little Miss Sunshine, Juno, tout le cinéma de Wes Anderson, et j'en passe. Les exemples foisonnent, par exemple les très récents Nick and Norah's Infinite Playlist, dont le titre a tout dit, ou Good Morning England, film qui fait des ravages chez les jeunes gens qui l'adorent en tout premier lieu pour sa "BO de dingue". Et d'un autre côté il y a les références incessantes au cinéma lui-même ou aux séries télé, ce dont Quentin Tarantino ou Michel Gondry font leur fond de commerce. Ces deux-là pourraient se donner la main, ça serait tout naturel, réunis par leurs faces de pioche et leurs goûts de chiotte. S'il n'y avait qu'eux...


Dans Shrek, l'âne a la voix d'Eddie Murphy, autrement dit la voix d'un noir, réfléchissez bien là-dessus.

Shrek joue dans cette catégorie-là. Chaque scène, chaque blague, est une simple référence, parfois plate, souvent évidente et directe, pas même enrobée d'un zeste d'humour ou de la moindre trace de recul, de raffinement, ou de finesse. Les types très malins qui sont derrière ces films et qui savent comment engranger des milliards de dollars sur le dos des petites gens se contentent très bêtement de placer des références et autres citations tous les deux plans, qui, parce qu'elles évoquent quelque chose de déjà connu, déjà consommé et déjà apprécié au spectateur, lui inspirent immédiatement, machinalement, rires et passions. C'est un drôle de phénomène quand on y pense... Les types sont là, le cul vissé à leur fauteuil, et il suffit qu'on leur balance une référence ou une chanson qu'ils connaissent et qu'ils aiment pour que celui qui les balance soit aussitôt adopté, voire adoubé, sans conditions. Nous avons les mêmes goûts, aimons-nous sans réserve. Drôle de comportement. Le pire c'est que ces cons-là nomment parfois ces référents populaires et évidents des "private joke(s)", blagues si privées que tout le monde les reconnaît et les adore également, que toute une salle se marre comme une seule et énorme baleine, que des milliers d'autres types dans la confidence de cette blague et fans des mêmes chansons s'esclaffent et se dandinent tout pareil dans tous les cinémas du monde entier et par-delà les océans. A chaque nouveau Shrek (et d'ailleurs pourquoi appeler celui-là "Le troisième" ? Tas de trisos...), de nouveaux films à grand public et à grand succès sont parus, et de nouveaux référents permanents sont exploités, cités à tout va, partagés par tous et que tous croient si "privés" qu'ils en viennent à se sentir en connivence intime avec des producteurs aux dents longues rodés pour calibrer leur artisanat au plus grand nombre de cons.


Shrek Le Troisième de Pixar avec Eddy Murphy et Alain Chabat (2007)

13 commentaires:

  1. féfé fofana, l'achille talon d'emana14 mai, 2009 13:31

    Bien bel et nécessaire article qui dit de façon efficace et tétanisante quelque chose qui nous pèse sur le coeur depuis des lustres ! Aux chiottes Shrek et toute la merde qu'il symbolise si bien à lui seul. Gros con de Shrek...

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  2. fedlespath le gris14 mai, 2009 13:33

    Pour le sondage, tu n'aurais peut-être pas du mettre le film de Lynch, ce grand tocard va encore nous pourrir la vie en gagnant à tous les coups.

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  3. Trivia : "Le troisième" parce que ce film conte la paternité de Shrek, je crois bien. Comme dans Warren Worthington, Troisième du nom, tu vois ?

    Goof : T'as oublié de dire que lors de la fameuse séance de cinéma où nous étions allés voir Shrek, le public, pour le générique final, s'était dressé en une standing ovation, à grands renforts de clappements, de "bravos" et de "ouhouh!".
    Ca reste l'une des plus grandes peurs que j'ai éprouvées dans ma vie.

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  4. Cet article est vrai, très vrai, trop vrai, et me fait peur d'une certaine manière parce que j'ai parfois souscrit à ce système d'humour soi disant plus élevé, ou à cette impression de culture, qui fonctionnent tout deux par la référence permanente. Il y a ce coté "je comprend, j'ai l'oeil, le réalisateur vient de me donner une tape dans le dos en me disant 'toi, t'es un bon'" qui flatte tellement son égo. On s'adore dans ces moments là. On se trouve trop bon. Et comme ça nous met de bonne humeur qu'un film nous fasse ça, alors on l'aime. C'est terrible.

    Un article en guise d'antidote.

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  5. Ce que tu dis me fait bien plaisir. Toi au moins t'as les yeux ouverts.

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  6. Bel article, frappé par la fureur froide de son auteur, un article qui fait réfléchir, un article qui est l'exacte illustration de l'expression "les chiens ne font pas des chats".

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  7. Mon cher Rémi,
    Je suis au regret de t'annoncer que ta copine est une de ces trépanées de trentenaires mal fagotées qui se marrent devant Shrek (le 1, pas vu les autres, faut pas abuser). A croire que tu l'as trouvée en soldes.

    Mais comme je suis d'accord avec toi dans les grandes lignes, je ne rigolerai plus jamais devant Shrek ou autres merdes pixariennes. Que tu m'en sois témoin.

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  8. Powaaa! Dis moi, si tu avais besoin de cracher de la bile qui se coincé dans la trachė, je pense que c'est chose faite. Je pense que en gros,pour toi, ta façon de penser est la meilleure, tu n'es pas un mouton et tu tiens à le faire savoir. Mais pour ça tu as besoin de dégueuler sur tous ceux qui ne pensent pas pareil. Donc laisse moi te dire, tout en évitant les éclaboussures de merde qui sort de ta bouche, que j'adore shrek, j'adore les grosses productions américaines qui anesthésient mon humanité le temps d'un bon ciné. Toi tu es juste un de ses moutons qui se prend pour un loup, et ceux qui comme toi croient faire parti de la meute, finiront par se rendre compte qu'ils font partit du seul et même troupeau de mouton schizophrène en route vers l'abattoir. En espérant que le réveil ne soit pas une boucherie. ..

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    1. Passionnant commentaire, dont le rédacteur reproche à l'auteur du texte ci-dessus son nombrilisme supposé (car c'est bien connu, quand on écrit une critique on le fait au nom de sa voisine de palier, ou de son boucher) alors qu'il n'avance aucun argument qui irait plus loin que le bout de son propre nez — sinon de misérables métaphores de boucherie animale, qui se croient puissantes et qui ne sont que vaines.

      De certains aspects du texte de Rémi, on peut discuter (i.e. : ne pas forcément être d'accord avec eux), mais votre intervention soi-disant vengeuse, ce n'est rien, nada, niet, c'est zéro comme malheureusement une part immense des commentaires numériques. (Le Café du Commerce, c'est quand même autrement plus sympathique et intéressant dans un vrai bistrot.) Si au moins vous répondiez à l'une des idées avancées ci-dessus (la référentialité à outrance, par exemple), cela rendrait votre intervention un peu moins nulle et non avenue.

      « J'adore les grosses productions américaines qui anesthésient mon humanité le temps d'un bon ciné ». En général, les gens qui disent ce genre d'horreur le font d'autant plus aisément qu'il n'y a plus grand chose à anesthésier, à quelque niveau que ce soit : intellectuel, affectif, esthétique et moral. Quand bien même ma grand-mère, ouvrière dans une usine de fabrication d'ampoules de son état (je ne devrais pas avoir à préciser cela, mais c'est pour éviter le procès en boboserie rétrospective), vit 'Metropolis' en 1927 et resta marquée à vie par ce qui fut pour elle le plus grand spectacle auquel elle eût assisté, elle n'aurait JAMAIS employé ce genre d'argument démissionnaire pour décrire son expérience de spectatrice : cela lui aurait fait honte. Et pourtant, quelque chose me dit qu'elle avait autant besoin que vous de se « divertir ».

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    2. Cher Hamsterjovial, tu n'as pas ton pareil pour répondre à cette fameuse immense part des commentaires numériques !

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    3. Merci ! Des fois, c'est minable au point qu'on préfère laisser courir (cf. les commentaires du dernier article en date — 'Date limite', justement), et d'autres on se dit qu'on ne va quand même pas toujours accepter le devenir poubelle des forums numériques. La décision se joue à peu de choses... En l'occurence, je crois que c'est l'adoration revendiquée par l'Anonyme de ce qui « anesthésie son humanité » qui m'a décidé à réagir, tellement c'est à vomir.

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    4. Et rectification, au passage : « intervention soi-disant vengeRESSE », pas « vengeuse » !

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