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18 septembre 2024

Au-delà des cimes

Catherine Destivelle, l'une des plus grandes grimpeuses de tous les temps, méritait bien qu'un beau documentaire lui soit entièrement consacré. C'est le spécialiste réunionnais Rémy Tezier, passionné de mer et de montagne, qui s'y est collé, avec un certain talent. Au-delà des cimes nous propose de suivre l'escaladeuse française au cours de trois ascensions de sommets alpins mythiques qu'elle choisit de réaliser en compagnie de quelques-uns de ses proches, ceux-là même qui l'ont accompagnée tout au long de sa si brillante carrière. Nous la voyons donc arpenter le Grand Capucin, imposant obélisque de granit qui fait le bonheur des grimpeurs de tout poil, avec l'une de ses anciennes élèves devenue une amie ; puis grimper l'Aiguille du Grépon, crête crénelée de plusieurs pointes où trône une statue de la Vierge Marie, auprès de sa sympathique et toute guillerette sœur cadette ; et enfin monter tout en-haut de l'Aiguille Verte, le plus difficile du lot, aux côtés de deux de ses mentors, d'amusants alpinistes chevronnés et septuagénaires, animés d'une affection évidente pour celle qui les a toujours épatés. Ces trois sommets ont chacun leur particularité mais ont en commun une beauté esthétique saisissante, joliment mise en valeur par les caméras de Rémy Tezier, qui viennent rappeler sans fanfaronnade toute la richesse et la splendeur des Alpes.



 
 
Le simple récit de ces trois ascensions successives, accomplies en toute tranquillité, dans une ambiance chaleureuse et légère, récit émaillé de rares et brefs flashbacks sur quelques-uns de ses exploits passés, narrés par le phrasé envoûtant de Bernard Giraudeau, dessine touche après touche un portrait délicat et juste de Catherine Destivelle, sacré bout de femme digne du plus grand respect. Au bout des 80 agréables minutes de ce documentaire, nous éprouvons même une sorte d'admiration pour la dame, personnalité discrète au charisme naturel, que nous avons presque l'impression de réellement connaître. Dans sa façon très simple, humble et concise d'évoquer son parcours, ses choix et son amour de l'escalade par quelques phrases prononcées en voix off, dans sa manière attentive mais jamais maternelle de veiller à la sécurité et à la bonne progression de ses compagnons de cordée, dans ses échanges, ses petits gestes et ses regards furtifs adressés aux autres, saisis par la caméra, c'est toujours la sincérité qui semble primer. On est rapidement captivé, curieux de la comprendre.



 
 
Il y a aussi quelque chose de très plaisant ici, et que l'on relève inévitablement en amateur du genre : le film de Rémy Tezier est totalement vierge des attributs habituels de la plupart des films de montagnes, bien plus souvent consacrés à nous dépeindre des performances masculines. Au-delà des cimes, aucun sensationnalisme, aucune volonté d'en mettre plein la vue, quand bien même certaines images sont effectivement impressionnantes et que le talent et la maîtrise de Cathy Destivelle (ouais, je l'appelle Cathy maintenant) sont proprement hallucinants. Elle qui a l'air aussi à l'aise qu'une araignée, une araignée qui serait inoffensive et gracieuse, sur les parois verticales vertigineuses, gravies vitesse grand V, précise qu'elle n'est en rien "suicidaire", bien que le danger puisse aussi la stimuler. En réalité, on la sent d'abord et surtout éprise de liberté. Le film colle avec la personnalité de notre vedette, elle qui aurait pu collectionner tous les trophées possibles et épingler à son palmarès les plus dangereux sommets du monde, mais n'avait pas spécialement l'esprit de compétition et était simplement portée par son amour pour l'escalade et la montagne. La douceur et la sincérité de ce film, apaisé et apaisant, contrastent avec le tout-venant et font du bien, tout simplement.
 
 
Au-delà des cimes de Rémy Tezier avec Catherine Destivelle (2008)

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