J'aime beaucoup Justin Benson et Aaron Moorhead mais je dois reconnaître que j'ai eu un peu de mal à les suivre dans leur dernier délire. Something in the Dirt est leur cinquième long métrage réalisé en duo et, contrairement aux précédents, il ne marque guère, hélas, une évolution positive en termes d'ambition et de maîtrise. Une première déception, pour moi, dans leur sympathique filmographie. En raison de son côté un peu brouillon et de l'économie de moyens très palpable pour une fois, on sent un peu trop que ce film-là a été imaginé en plein confinement. Il aurait même pu être réalisé pendant, puisque nous sommes quasi coincés entre les quatre murs d'un appartement du début à la fin, mais je ne me suis pas intéressé d'assez près aux conditions de sa fabrication pour vous l'affirmer. On y suit donc principalement deux zigotos, incarnés par Benson et Moorhead, qui sont témoins de phénomènes paranormaux dans leur appartement, se donnent pour objectif de les documenter du mieux possible en les filmant rigoureusement et cherchent, dans le même temps, des explications. Ces phénomènes se caractérisent surtout par un drôle de cendrier en verre à la forme bien particulière qui entre en lévitation alors qu'il était posé sur le rebord de la fenêtre : un effet simple, accompagné de jeu de lumières séduisants, qui aurait pu avoir quelque chose de fascinant mais qui est trop redondant pour réellement captiver. Il y a aussi cette forme géométrique que notre duo aux aguets retrouve partout en ville et s'exprime aussi également dans leur logement.
Bref, il se passe des trucs pas nets et de plus en plus dingos chez Benson & Moorhead, mais force est de reconnaître que ça a l'air de bien plus les impressionner eux que nous autres spectateurs devant leur petit film, qui n'a rien de très vilain ni de honteux, loin de là, mais qui a échoué à me choper, une fois n'est pas coutume. Leurs œuvres ont jusqu'à présent toujours été fragiles, inégales, mais pleines de charme, d'audace et portées par la singulière personnalité de leur couple, au four et au moulin. Cette fois-ci, les failles d'un scénario trop peu engageant et l'aspect également confus de la forme, qui pioche vers le faux documentaire sans réelle conviction, ne permettent pas d'apprécier le reste et de remporter la mise. Something in the Dirt apparaît progressivement comme un catalogue sagement illustré de ces théories conspirationnistes qui pullulent sur le net, une énumération qui ne parvient que trop rarement à nous intriguer. En outre, le duo fait moins qu'à l'accoutumée l'éloge de l'amitié puisqu'ils nous mettent ici en présence de deux types régulièrement méfiants l'un de l'autre, moins aimable que d'habitude, et dont la relation ne prend pas le chemin escompté. On aime encore leur côté têtes brûlées du ciné indé de genre américain, leur ferme croyance dans le genre, toujours abordé avec quelques bouts de ficelles et la fleur au fusil, mais la forme manque trop de cohérence, aboutissant à un drôle de gloubi-boulga difficile à suivre qui m'a effectivement paumé en cours de route. Dommage donc. J'espère qu'ils se rattraperont sur leur prochain projet. Je me sens presque un peu désolé d'avoir été moins emballé par le dernier bébé de ce duo attachant que l'on suit ici depuis ses débuts...
Something in the Dirt de Justin Benson & Aaron Moorhead avec Aaron Moorhead & Justin Benson (2022)
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