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21 mars 2023

En corps

2021 : Cédric Klapisch découvre la danse hip hop. 
2023 : son film à la noix est encore sur tous les écrans de province et de Navarre, après deux ans d'exploitation forcenée. 
 
A ce rythme-là et à la stupeur générale, Avatar 2 sera bientôt détrôné en tête du box office annuel. Et pourtant... Si le second opus des aventures des Na'vi sent très fort les égouts, En Corps, dans un genre bien différent, n'est guère beaucoup mieux. Klapisch, ça ne s'arrange pas. C'est toujours la même chose. Toujours la même chose. Jusqu'aux jeux de mots pourris qu'il nous assène dans chacun de ses titres. Il s'en va chercher de l'inspiration ailleurs, situe ses scénarios dans des contextes nouveaux et des contrées inédites pour lui : avant-hier les vignes de Bourgogne et la viticulture, hier les combats de MMA de l'UFC Que Choisir, aujourd'hui les salles de spectacles prestigieuses, la Bretagne et la danse contemporaine. Pour bien faire, la Klap s'entoure de collaborateurs experts dans leurs domaines. Jadis le vigneron et alcoolique de profession Jean-Marc Roulot. Entre temps le phénomène Jon Jones, le plus gros bagarreur de la catégorie poids-poutre, vaincu une seule fois, par ses propres soins, d'un auto-uppercut dévastateur, aller-retour dans le menton et les roubignoles, produisant un bruit de noix cassée et un KO technique immédiat sur le tatami. Aujourd'hui le chorégraphe et grand danseur Hofesh Sphinchter, artisan charcutier la semaine, patineur artistique le samedi et proctologue du dimanche. Le danseur prodigieux a malheureusement été contrôlé positif à la dope pendant vingt ans. Résultat, toutes ses médailles en chocolat obtenues aux JO de Sydney, de Canberra et de Wollongong ont été annulées semaine dernière par le comité olympique suite à un simple check de sa gaule line technology. (Nota bene : parmi ces trois projets de la Klap, les trois derniers en date, deux seulement ont vu le jour, celui sur le pif et celui sur le hip-hop, l'autre, sur le patron de l'octogone sans règles, le seul qu'on voulait bien voir à la rigueur, a fini aux oubliettes après que Jon Jones a maté un seul des films de Klapisch, la petite histoire ne dit pas lequel, mais ça revient au même et on le comprend...).


Jon Jones, frôlant ici l'upskirt gê(n)ant, en train de poursuivre ses rêves et de "profiiiiiiiiter" de la vie selon la méthode Klapisch et les règles de l'UFC Que Choisir.

Cédric Kalipisch (jeu de mot inspiré par le fait que notre cinéaste français préféré possède un cul de compétition très rebondi : trouvez une photo en pied et osez nous contredire) nous ressert donc la même tambouille, tout en essayant manifestement de coller à son époque, de rester dans l'air du temps, ignorant qu'il est plus ringard que jamais et pose sur la jeunesse et le monde actuel le même regard que notre tonton Scefo : à la ramasse de naissance, ce dernier flingue les repas de famille avec ses interventions toujours à côté de la plaque, en retard minimum d'environ 200 ans. Comme tonton Scefo, que l'on salue au passage, Klapisch n'est pas un mauvais bougre et il s'y connaît en piquette. C'est simplement dommage qu'il soit cinéaste et qu'on aille voir ses films. Tonton Scefo se contente de pêcher derrière sa maison de Salin-de-Giraud, juste après le bac de Barcarin, dans le ruisseau-décharge à l'eau saumâtre contrôlée radioactive qui abreuve les "légumes" label bio de son "jardin" (je mets légumes entre guillemets car c'est plutôt de l'alcool à brûler sous acide - quant aux guillemets cernant le mot "jardin", ils viennent du fait qu'on ne peut pas en faire l'économie pour qualifier ainsi ce que d'autres appelleraient "zone d'exclusion nucléaire", soit l'AOP des territoires évacués suite à une catastrophe nucléaire, exemples : Tchernobyl, Fukushima, Salin-de-Giraud. Pas de guillemets à bio en revanche, c'en est bien). Tonton Scefo a bien chopé une alose ou deux en 95 ans de vie et de pêche quotidienne, ces poissons immondes et bourrés d'arêtes, planqués entre deux pneus de monster truck (leurs écailles luisaient d'huile de vidange et elles étaient affublées d'un gilet jaune avant-gardiste pour l'époque) mais il ne nous a jamais fait chier avec des films, lui qui se dit même allergique à l'art "comptant pour rien", et dont un seul œil peut dans tous les cas suivre des images animées, l'autre restant désespérément fixé dans le vide de ses souvenirs des camps, où il était kapo et très ami des officiers en place. Scefo se vante encore parfois, dans de brefs moments d'égarement, en général après son dixième digestif à base de verveine perso (d'un beau vert fluo) et son deuxième ou troisième spliff de la soirée, d'avoir été le "chouchou" de l'obergruppenführer du camp où il a passé trois ans et dont il est ressorti plus gras qu'en y entrant. Et à moi de préférer m'arrêter là dans cette petite slice of life de tonton Scefo.


Berceau de notre enfance, classé AOP "zone d'exclusion nucléaire".

Ce n'est que par intermittence que le film (pour en revenir à lui, et ce n'est pas de gaieté de cœur) échappe à la médiocrité totale, et il le doit beaucoup à ses comédiens, exception faite de Muriel Robin (horrible). En corps (ça nous brûle les doigts d'écrire le titre) ne trouve son salut que grâce au talent de certains de ses acteurs : Denis Podalydès, qui a bien sûr gâché de sa présence tous les autres films de l'année scolaire 2022-2023 (de sept. à sept.), parvient presque ici, à la toute fin, à être un peu touchant dans le rôle de ce père déconnecté de ses filles, une sacrée prouesse devant la caméra morte-vivante de Klapish. Au centre du film, Marion Barbeau, la danseuse de métier, actrice occasionnelle : à la toute fin, elle impressionne sur scène lors d'un solo où son corps désarticulé reprend vie, et par ailleurs, elle est d'une crédibilité qui fait défaut à tout le reste. C'est encore côté comédie que Klapisch s'en tire le moins mal, quand il essaie juste de nous faire un peu marrer et non vibrer (lors de son ciné-club Konbini, Klapish ne faisait que répéter qu'il voulait "vibro-masser" ses spectateurs). Côté rire, donc, c'est François Civil qui tire son épingle du jeu. Et quand François Civil est le plus bel atout de ton film, c'est mauvais signe. Force est de reconnaître que les apparitions de l'acteur, désormais habitué du cinéaste, sont les petites bouffées d'air frais de ce nouveau Klapisch. Kiné peu crédible mais formidable andouille, on ne veut plus jamais le voir dans un autre rôle que celui-ci.


On ne peut pas recenser tous les propos dérangeants que tient Klapisch dans son vidéo-club Konbini. Exemple, première minute, il pointe le rayon "gonzo hardcore" et dit, avec le sourire que vous voyez sur cette image : "Tout ça (grand mouvement des bras de type englobant), c'est très bien".

Soucieux d'être toujours dans l'air du temps, Klapisch bouffe à tous les râteliers. On trouve ici une petite scène consacrée au regard misogyne posé sur les femmes, un dialogue abscons au sujet des vegans, bref, tout ce que Klapisch aura capté des journaux télé depuis deux piges : des tartines de lieux communs qui seront peut-être encore plus douloureuses aux oreilles des spécialistes de la danse quand elles concernent leur sujet de prédilection. Comme d'habitude, les clichés ne sont pas que dans le propos mais aussi à l'image : quelques plans carte postale de Paris et de la Bretagne assurent la vente du film à l'étranger. Toujours les mêmes fadaises sur l'importance de vivre sa vie, de profiiiiiiiiter à fond, de donner une vraie chance à sa passion malgré les obstacles et le manque de talent (Klapisch se parle à lui-même), et gnagnagna, c'est à nous rendre fou. 

Si vous aimez les petites recettes de Klapisch, allez-y.
Si vous aimez le cinéma...


En corps de Cédric Klapisch avec Marion Barbeau, François Civil et Denis Podalydès (2022)

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