Du film culte de Leonard Kastle, qui retrace les sinistres exploits d'un couple de tueurs en série qui s'en prenait à des femmes seules à la fin des années 40, je retiendrai surtout une scène particulièrement dérangeante. On est vers la fin du film et il s’agit des terribles dernières minutes à vivre de l’ultime victime du couple, une jolie veuve qui vit seule avec sa fille. Tout se passe dans la chambre de la veuve, droguée par le couple et attachée au lit. Le cinéaste prend alors son temps pour installer une tension insoutenable. On sait que la victime si vulnérable n’en a plus pour longtemps et Leonard Kastle nous met pratiquement à sa place, nous faisant partager au plus près ses derniers instants. Il cadre en gros plan sur le haut de son visage : sur ses yeux, si expressifs, en pleine détresse, et son nez. C’est important, son nez : il est petit, fin, fragile, parfait ; il inspire et expire pour les dernières fois. C’est une évidence, on ne peut pas en douter une seconde, mais on est tout de même là, horriblement fasciné par ce qui nous est donné à voir, le temps est atrocement suspendu. Les tueurs demeurent hors champ. Leonard Kastle ne varie pas de plan, continuant de cadrer la veuve au plus près. Son regard balaie le couple laborieusement, passe de la femme à l’homme en synchronisation avec les dialogues des deux meurtriers. Puis ses globes oculaires, si fatigués et ralentis par la drogue, roulent lentement à l’opposé, s'éloignent du couple d'assassins, vers un ailleurs éphémère, comme pour avoir une ultime image neutre avant sa mort. Et l'homme tire. C’est une scène très marquante dont la cruauté sèche, sans effet, ne peut indifférer, quand bien même le reste du film peut laisser un peu dubitatif. Il paraît que c'était le film américain préféré de François Truffaut qui disait peut-être cela pour faire son intéressant.
Les Tueurs de la lune de miel (The Honeymoon Killers) de Leonard Kastle avec Shirley Stoler, Tony Lo Bianco et Kip McArdle (1970)
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