Cinéaste australien d'origine aborigène récompensé à Cannes d'une Caméra d'Or en 2009 pour son premier film (Samson et Delilah), Warwick Thornton a depuis continué son petit bonhomme de chemin, en officiant en tant que chef opérateur ou en réalisant quelques documentaires, sans se faire trop remarquer. Jusqu'à son troisième long métrage, Sweet Country, grand vainqueur à l'équivalent des oscars australiens et récipiendaire du prix spécial du jury à Venise en 2018. Malheureusement non distribué dans nos salles, les prix récoltés par le film sont tout à fait justifiés. Warwick Thornton nous livre là un western beau et intelligent qui, s'inspirant d'une histoire vraie, a la noble ambition d'exposer au grand jour et sans ambages les tensions racistes sur lesquelles son pays s'est construit.
Ce film, que l'on pourrait facilement diviser en trois parties, nous plonge d'abord dans la région inhospitalière du nord de l'Australie, au début du siècle dernier, dont on découvre le triste fonctionnement. Des aborigènes sont exploités par des anglais qui, alcooliques ou traumatisés par la guerre, semblent avoir échoués là contre leur gré. Employés pour les travaux agricoles et comme homme et femme à tout faire, ils sont le plus souvent traités comme des esclaves. Seul le grand Sam Neill, un saint homme à l'écran comme dans la vie, se comporte avec la plus grande dignité. Il commet toutefois l'erreur fatale d'autoriser l'un de ses cons de voisins à user des services de son ami aborigène, Sam Kelly (incarné par l'impressionnant Hamilton Morris). Après avoir dû tuer, en état de légitime défense, cet homme raciste, ivre et particulièrement belliqueux, Sam Kelly sera contraint de prendre la fuite avec sa femme...
Rien de très original à première vue, et le scénario nous propose effectivement beaucoup de situations assez prévisibles, familières, ce qui empêche peut-être Sweet Country d'accéder à un autre rang, mais Warwick Thornton fait ça très bien et son film a vraiment belle allure. Sur un rythme très tranquille, peut-être un peu trop, on suit donc avec plaisir la fuite et la traque de Sam Kelly, à travers les paysages si cinégéniques de l'outback australiens, que le cinéaste filme avec talent et un sens du cadre évident. Autre particularité de sa mise en scène : des affèteries de montage, intéressantes mais pas toujours pertinentes, sous la forme de flashforwards très fugaces qui produisent un effet de déjà-vu lorsque les événements arrivent bel et bien. Ainsi, quand frappe la terrible fatalité, on ne peut guère reprocher à Thornton de ne pas nous avoir prévenus...
Sweet Country prend une subtile nouvelle tournure et regagne un plus vif intérêt dans sa dernière partie, où se déroule le procès de Sam Kelly et sa femme. Nous sommes alors pendus aux lèvres de chaque personnage, le cœur serré, espérant que la justice ne se trompe pas. Le film parvient alors à développer une assez forte tension dramatique, jusqu'à une fin cruelle qui ne manque pas de nous ébranler. On ne peut alors que reconnaître que Warwick Thornton a atteint son but. Les derniers mots reviennent à Sam Neill qui, désespéré, lâche "What chance have we got ? What chance has this country got ?" résonnant encore quelques temps après la fin du film.
Sweet Country de Warwick Thornton avec Hamilton Morris, Shanika Cole, Bryan Brown et Sam Neill (2018)
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