Je sais que j'avais bien aimé ce film à l'époque, il y a une bonne
quinzaine, une vingtaine d'années ? En le revoyant tout récemment, je me suis
demandé pourquoi. Il se trouve aussi que j'ai revu, quelques jours
avant, Unforgiven du même papi Eastwood, qui est d'une autre trempe. Tout ce qui fait le sel de ce dernier manque à Pale Rider,
à commencer par la complexité des personnages. Sept ans avant de
réaliser ce qui reste aujourd'hui comme son grand western, film sombre
dont les personnages sont tous humiliés les uns après les autres, dont
ne ressort grandi que le plus pourri d'entre tous après un de ces
massacres dont il a le secret et l'échec cuisant que constitue le retour tout schuss vers ses pires démons, Eastwood tourne un
western dont chaque personnage, cliché de son état, est bien à sa place et
sert la soupe au sien, au personnage Eastwood, lequel débaroule dans le
film venu de nulle part dans une pseudo-ambigüe incarnation du bien et
du mal confondus (une fillette l'invoque dans une prière, espérant
l'arrivée de son sauveur qui, selon les mots de la bible, viendra "l'enfer avec lui"), mi-prêtre mi-tueur, sans que rien de cette
contradiction faite personnage n'ait d'intérêt pour le film. Et ce n'est
pas l'écho entre cette scène, au début, où l'on voit cinq cicatrices,
littéralement cinq trous de balle dans le dos d'un
Eastwood en pleines ablutions et qui ne sait plus par où chier, et cette scène à la fin où il transperce
de cinq balles le dos de sa nemesis, suggérant que notre ange de la mort est mort avant que
d'être, qui donneront au personnage plus d'épaisseur ou de
qualités.
Le personnage d'Eastwood est tout
feu tout flamme, irrésistible, tous autour de lui sont des minables en
désespoir de charisme, du petit chercheur d'or (Michael Moriarty) au physique ingrat
d'arrière-gauche du FC Sochaux Montbéliard, affublé d'une voix pâle
digne de celle d'un Casey Affleck en lendemain de cuite, au tueur à gages venu lui rappeler
son passé et se confronter à lui, à la fin du film, le Marshal Stockburn (interprété par le pourtant classe John Russell, ici falot) en passant par le fils du
gros homme d'affaire luttant pour éradiquer le camp des petits orpailleurs afin
de récupérer le lopin où ils creusent et de se faire des couilles en or, incarné par Chris Penn.
Tous sont plantés là tels des endives à regarder passer le bel Eastwood
avec une langue déroulée jusqu'aux bottes pour lui lécher la pomme.
Sans parler des femmes, la promise du chercher d'or en chef (Carrie Snodgress) et sa fille (la juvénile Sydney Penny), qui rêvent du début à la fin de passer dans la position
du tireur couché avec l'étalon Eastwood, acteur et metteur en scène, content de s'offrir ici une hagiographie
perso et pas chère (à 92 ans il continue sur la même lancée dans Cry Macho, étrillé ici par mon associé, dans lequel il continue de faire tomber les dames d'un simple regard ; pas belle la vie ?).
Au point qu'au final, on s'attache davantage au
personnage censé être le plus minable du film qu'à notre héros
solitaire, à savoir le gros dodu qui veut tout racheter sur son passage
ou foutre les gens dehors en arrosant de biftons des mercenaires
pour défoncer dame nature à coups de geysers d'eau afin de dégoter
quelque magot : Coy LaHood. Et il suffit de deux répliques à Richard A. Dysart (le
docteur Copper dans The Thing) pour nous conquérir. Il est à la
fenêtre de son office, regarde toute une tripotée de ses hommes entrer
dans la boutique où se planque Eastwood, sûr du résultat de leur chasse à l'homme, entend une
bonne trentaine de coups de feu retentir puis voit ressortir qui ? Je
vous le donne en mille : le Pale Rider, qui vient de fumer toute la
bande. Et là Richard A. Dysart lâche, avec la voix du type scié,
magnifique interprétation, ces deux répliques : d'abord un long
"Jeeeeeeesus !", où le "j" est prononcé à la française, puis un
magnifique "Whaaaaaat the hell is he up to noooooow ?" (autrement dit "Qu'eeeeeeest-ce
qu'il va encore nous fouuuuuutre ?"), qui m'a fait la soirée. Merci monsieur Richard A. Dysart.
Pale Rider de Clint Eastwood avec Clint Eastwood, Michael Moriarty, Chris Penn, Richard A. Dysart, Sydney Penny, Carrie Snodgress, John Russell et Billy Drago (1985)
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