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28 novembre 2021

Dune

Devinette : qu'est-ce qui est long, lisse, froid, orange et gris, dépourvu de vie et du moindre grain de folie ? Dune, bien entendu. C'est du Villeneuve quoi. Sans surprise. J'en attendais pas grand chose et je n'ai pas été déçu. J'ai même fini par pioncer, c'est dire ! J'ai loupé le dernier quart d'heure, grosso mierdo. J'ai émergé lors du générique de fin, réveillé par ce je-ne-sais-quoi... C'est vrai ça, c'est toujours un mystère : on ne sait jamais pourquoi on se réveille pile poil quand commencent à défiler les premiers noms du générique, alors qu'on dormait à poings fermés durant les longues minutes qui précédaient. Des minutes pourtant forcément plus bruyantes car, à ce propos, Hans Zimmer envoie les grosses basses tout le long et c'est bien pénible (ce type-là devrait arrêter, ça suffit, on n'en peut plus de lui, stop). J'ai donc refait surface dans un drôle d'état, ayant zappé toute la partie finale dans le sable, animé de sentiments flous et contradictoires à mon égard. J'éprouvais un mélange d'irritation et d'indulgence vis-à-vis de moi-même : je m'en voulais un peu de ne pas avoir tenu jusqu'au bout, après avoir encaissé près de 90% du métrage sans moufter, mais j'étais aussi très conscient de toutes les bonnes intentions qui m'animaient auparavant, et même plutôt satisfait de mon attitude tout à fait neutre et posée tout au long d'une séance que je qualifierais de studieuse, du moins jusqu'à ce que Morphée rapplique... Durant le film, je n'ai fait qu'un seul commentaire, récurrent certes, sur la ressemblance troublante entre la starlette Timothée Chalamet et l'animateur Eric Zemmour... Voir en notre Lisan al-Gaib le sosie rajeuni, et bien sûr embelli, d'Eric Zemmour, allié à l'incapacité patente de Villeneuve à nous rendre un brin intéressant son personnage, ça n'invite pas spécialement à l'adorer, à se projeter en lui, à suivre ses mésaventures avec entrain. Bon, j'avoue, je n'ai pas pu m'empêcher de pouffer lors des fameuses visions de notre héros... Paul Astéroïde fait des rêves plus ou moins prémonitoires (parfois ils se réalisent, parfois pas, ça ne l'aide pas beaucoup) : on y voit une jeune fille, portant un voile orange qui virevolte dans le vent, marcher en tongs dans le désert, avancer vers nulle part, filmée de dos (on voit ainsi très bien ses tongs, des Havaianas roses, et ça fait pitié, j'ai bloqué là-dessus). Celle que l'on devine être l'élue future du cœur de notre élu, incarnée par le mannequin taille enfant Zendaya, finit par se retourner face à la caméra et nous adresse un regard bleu (typique des Fremen) du genre langoureux, dans ce qu'on croirait être une pub pour parfum insérée là par erreur. Bref, des visions vraiment ridicules, sans doute ce qu'il y a objectivement de plus raté dans ce terne film. Même la maman de Denis Villeneuve fait la moue devant ça, « Didi, c'est du sérieux ? »


 
 
Aucun rêve de mon côté, je dormais d'un sommeil sans nuage, comme un bébé... A mon réveil, j'ai donc dû demander – parce que quand même, on sait jamais – et on m'a raconté la conclusion, qui n'en est pas une, car on ne tient là que la première partie introductive d'une saga (« It's just the beginning » nous annonce paraît-il Chalumet au bout de ces trois premières heures de film), bref, j'ai donc demandé, en articulant à peine, comment ça se terminait, n'étant de toute façon pas en état de recevoir la moindre information trop compliquée. Et on m'a raconté ça en deux phrases, sans la moindre passion, aucune émotion, rien qui dépasse, du propre, d'une voix monocorde que je ne saurai même plus à qui attribuer, très factuellement, très platement, et j'ignore encore si c'était par fidélité envers le style Villeneuve ou par simple pitié à mon égard. Dans tous les cas, j'ai apprécié. La fin de ce film-là est vraiment pas mal, j'ai rien à ajouter.


 
 
Je dois donc le reconnaître : je n'ai pas correctement fait mon travail de blogueur ciné. Pas en entier. Au bout d'un moment, je me suis calé la tête contre l'épaule de ma chère voisine, qui a gentiment accepté de la supporter (ce n'est pas si courant, elle pèse lourd, presqu'autant que celle d'un Harkonnen). J'étais bien rangé, au fond du canapé, avec le gros chat de mes amis qui était venu s'étaler de tout son long contre moi et me tenait chaud (cette énorme bestiole, plus impressionnante qu'un ver des sables, doit bien peser 12 kilos, et tant qu'on ne lui touche pas le ventre ou d'autres zones aléatoires de son gros corps tout doux, on n'a pas trop d'emmerde avec elle). J'étais bien, et j'ai progressivement laissé tomber mes paupières (j'avais pourtant fait une bonne sieste dans l'après-midi !). Jusque-là je regardais Dune sans souffrir ni rien, soyons honnête, certes bien aidé par le saladier de Kit Kat Ball's généreusement mis à ma portée, mais avec un désintérêt quasi total pour l’œuvre en tant que telle projetée face à moi. En soi ce n'est peut-être pas vraiment mauvais, je l'ignore ; je ne savais même pas quelle note mettre sur SensCritique, pour vous dire à quel point cela m'a laissé indifférent... Je savais que ça n'aurait pas la moyenne car je n'allais pas me forcer, comme pour ne pas faire de vague, à filer la moyenne à un truc insipide qui m'a si peu captivé, subissant l'influence d'autres notes excessives elles-mêmes dictées par les médias, l'effet de masse ou que sais-je, mais je trouvais qu'un 2 était tout de même sévère, un 4 généreux, donc bam 3, pour rétablir un semblant d'équilibre global et de vérité en ce bas monde (et, surtout, parce que je me tape complètement de Denis Villeneuve – dont le visage ressemble à la filmographie, sans tomber dans le  délit de sale gueule, mais c'est vrai quoi, regardez-le, attardez-vous sur sa figure plus de vingt secondes, comme personne ne le fait, pas même lui ni sa propre maman : il est si fade et quelconque, il a l'air niais, le pauvre...).


 
 
Comme je joue aujourd'hui la carte de l'honnêteté, je vais tout vous dire et même procéder à mon auto-critique. Je constate que j'ai un mal fou à accrocher à tout ce qui relève de cette branche importante, car symbolique et populaire, de la science-fiction qu'est le space opera (et ce même en littérature, après m'être essayé à des classiques, alors que je peux être très client d'une SF autre). Le space opera est un genre périlleux mais a priori très cinégénique, un genre que Denis Villeneuve, par son approche si sérieuse, figée et glacée, me semble bien loin de transcender. Cette SF-là au cinéma ne me semble pas faite pour les élèves trop appliqués, pour les premiers de la classe, à moins d'être un génie, de s'appeler Kubrick. Il faut y mettre du cœur, oser, y aller franco, quitte à se planter, avoir quelque chose à dire, et non se contenter de raconter platement une longue histoire, qui se veut pourtant épique et parfois complexe, en donnant l'impression que l'on est surtout soucieux qu'elle puisse être comprise de tous. Bref, tout ça pour vous dire que je n'étais pas le meilleur client pour ce Dune, dont le nom du réalisateur m'inspire depuis longtemps une indifférence polie, comme celui de son ami Nolan, et dont même l'affiche, montagne de tronches classique, est rebutante d'emblée. Un tel film me semble complètement hermétique et cela m'étonnera toujours qu'il puisse bénéficier d'un tel accueil, que tant de monde aille le voir, que la majorité des critiques applaudisse (« Monumental », vous dites ? Ornemental, au mieux...). C'est si difficilement accessible à mes yeux... Et malgré ça, toute la famille, belle-famille incluse, va le voir au cinéma, la fleur au fusil, ressortant très satisfaite du spectacle, de ce long spectacle inhumain, interminable et assommant.


 
 
La fin d'année approche, les fêtes avec elles, et on devra en reparler, c'est sûr. Je sais ce qui m'attend et j'ai une réputation à ne pas ternir (notamment auprès de la belle-famille, les autres c'est mort, ils savent), celle d'un gars fiable, calme et mesuré. Si je sors juste un « Franchement, rien à foutre de Dune » pour couper court et passer vite à autre chose, ça va pas le faire, ça va choquer et jeter un froid... Faut que j'adopte un discours diplomate, fait de petites phrases peinardes qui passent nickel, et que je la joue finaude, en prenant garde de ne froisser personne. Je travaille là-dessus depuis quelques jours déjà, je pense même avoir commencé à y réfléchir pendant le film. Je ne veux pas décevoir, ni passer pour snob ou que sais-je. Mais à l'oral, sous le coup du stress, ou pris par surprise, je peux être moins à l'aise... Et voilà, je sais comment ça va se finir, je vais bafouiller un truc qui ressemblera à rien et sans doute un peu à ça : « Ouais – je démarre par une note positive, toujours – les effets spéciaux sont pas mal, très cleans, sans bavure, y'a du taff de pro là derrière, ça se voit. Les vaisseaux sont énormes, pas évident à garer j'imagine ! – p'tit trait d'humour, j'enchaîne – Et j'ai remarqué un truc marrant : les persos sont soit à pied comme des cons, soit dans d'énormes vaisseaux hideux, y'a jamais d'entre-deux, la bagnole ou les deux-roues, ils connaissent pas en l'an 10191, c'est chelou... – flop assuré, bon, j'essaie de me rattraper en montrant que j'ai suivi le truc quand même – Quoique si, y'a les fameux hélicos 2 places qui ressemblent à des libellules, ouais ouais c'est pas mal ça, c'est LA création visuelle du film que j'ai kiffée. Ça vient du bouquin ? Ah, tu sais pas non plus ?... Il t'est tombé des mains toi aussi ? – hop, y'a de la complicité là, alors je peux glisser quelques piques, tranquille – Bon, par contre, pas ouf le plan répété sur les tongs de la zonarde dans le désert là... Ça faisait un peu tâche, j'ai trouvé. Et la BO, un poil relou, non ? Ils ont vu du sable et du soleil, alors ils ont mis des tam-tams et des chants africains, quand c'est pas les grosses basses habituelles... Brillant. Puis j'ai pas compris le ver des sables... C'est sa bouche ou son trou de balle ? – je suis clairement allé trop loin, j'essaye de remonter la pente, mais ça va être compliqué... – En revanche, j'aime bien Rebecca Ferguson, la daronne de Paulotréïde, mais c'est purement physique, ça va pas plus loin entre nous. Si j'étais lui, j'aurais un gros crush sur ma propre daronne, ça craindrait ! – je m'enfonce là, c'est clair – Ah, et les intérieurs m'ont fait kiffer aussi, bon, ils ont l'air de s'y emmerder comme des rats, mais y'a de sacrées pièces, de beaux volumes, rarement très éclairé, bizarre ça, puis une déco minimaliste, des meubles gigantesques : leur longue table de réunion notamment, elle est dingue, pas vrai ? Tu peux réunir quoi, 50-60 personnes tout autour ? Bien pratique d'avoir ça chez soi sur une planète où ils sont 12 à tout casser ! – j'en trouve des choses à dire sur ce film, mine de rien, mais c'est mal reçu, à l'évidence, ça passe pas, alors je rame, je rame – On pige mieux la taille des vaisseaux hein ? – je suis au fond du trou, et malgré ça, on me relance, par politesse peut-être... – Chalamet ? Ouais il est mimi... Bon, on verra dans 20 ans hein, dans 20-30 ans je dis pas, perso j'ai bien ma p'tite idée sur la tronche qu'il finira par se trimballer avec l'âge, mais on verra, qui sait, la nature peut surprendre... – ah non, je ne prononcerai pas le nom de Zemmour, pas à Noël, un Noël sans Zemmour, par pitié ! – Pour l'instant il est un peu malingre mais au moins ça nous change des gros costauds sans front, puis il va forcément s'épaissir dans les suites, non ? Il va grandir, prendre des épaules... Il a quoi, 14 ans ? – aïe... erreur fatale – Mais... – gros blanc – j'sais pas, j'ai eu du mal à m'intéresser vraiment au film, j'ai pas grand chose d'autre à répondre là-dessus... C'est vraiment tout ce que j'ai à dire sur ce sujet. »

Dune risque de tomber aux repas de Noël, préparez-vous aussi.
 
 
Dune de Denis Villeneuve avec Timotée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac et Zendaya (2021)

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