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9 juillet 2021

Columbus

J'aimerais revenir sur deux dialogues qui en disent long sur le talent de Kogonada, le type qui a fait ce film et qui n'a donc pas de prénom. Pour que vous les compreniez, il faut bien une petite remise dans le contexte. Le film se déroule à Columbus, une ville que tente visiblement de nous vendre le réalisateur puisque les deux personnages principaux passent leur temps à s'extasier devant la beauté supposée de chaque édifice (ils ont chacun des velléités d'architecte). Cela nous rappelle à quel point les américains sont doués pour faire la publicité de leur pays, quand bien même ce qu'ils nous donnent à voir ressemble surtout à un terne et interminable lundi matin dans le trou de balle bétonné de leur si vaste territoire. Bref. Le scénar miteux de Columbus adopte le modèle bien connu du return home movie si cher au pire de l'indiewood (Garden State, La Famille Hollar et tant d'autres). Un type (John Cho) est de retour dans sa ville car son enflure de père est dans le coma, il y rencontre une jeune étudiante (Alley-oop Richardson), plutôt mignonne, rêvant de devenir architecte. Bon an mal an, ils se mettent à zoner ensemble et à échanger sur la vie et ses grands mystères ; un rapprochement s'opère entre eux, teinté d'une attirance sexuelle réciproque évidente, malgré les années (une bonne quinzaine) qui les séparent.




Kogonada nous fait subir cette parenthèse de quelques jours durant laquelle ces deux personnages imbitables vont se tourner autour, se jauger mutuellement, sans jamais passer à l'acte. Rien de neuf donc, on s'est déjà farci ce genre d'idylles platoniques environ 200 fois. Une mise en scène soi-disant chiadée faite de longs plans fixes et privilégiant la lumière naturelle (généralement grisâtre) a suffit à exciter la critique américaine et quelques autres curieux. Passons plutôt aux deux extraits si significatifs que j'évoquais plus haut. Le premier révèle pitoyablement toutes les intentions du cinéaste. Il faut savoir que sa si douce protagoniste aime mijoter des petits plats à sa mère qu'elle surveille d'un œil inquiet car c'est une ancienne toxico prête à retomber à tout moment dans la came. Elles aiment toutes deux se retrouver chaque soir et bouffer devant la télé, recroquevillées sur leur assiette dans leur canapé mollasson, histoire d'être dans les dispositions optimales pour rendre hommage au prétendu talent culinaire de la gosse. Lors d'un de ces maudits repas, voici le dialogue que l'on peut savourer :
- Tu aurais pu mettre un peu plus d'épices, ose la mère.
- Tu trouves ? demande sa fille, un peu ébranlée dans son for intérieur.
- Peut-être...
- Je voulais que ça soit un peu plus subtil, précise la jeune.
- Je sais même pas ce que ça veut dire, répond pathétiquement sa débile de daronne.
- Moins évident, l'aide sa fille.
- Pourquoi ?
- Parfois, ça a plus de saveur et un meilleur arrière-goût...
 
*soupir* 
 
Il est évident que Mr Kogonada nous livre ici un commentaire sur sa propre œuvre. A travers cet échange a priori anodin, il nous donne les clés pour mieux comprendre son merdier de film, son trop long métrage au rythme si lent, qui prend son temps à révéler pleinement sa débilité absolue et espère marquer le spectateur pas habitué à se taper un tel chemin de croix. Ces clés, qu'il nous livre de façon faussement nonchalante, l'air de rien, on a seulement envie de les lui renvoyer à la gueule car tant d'orgueil pour une si petite daube, ça fout la rage !




Le second extrait vous donnera enfin une idée plus précise de la profondeur abyssale des conversations entre nos deux tourtereaux. Pour se mettre la jeune tocarde dans sa poche, le zonard en chef lui sort une grande phrase qui ferait déjà pitié griffonnée dans l'agenda d'un collégien rebelle : "La religion, c'est comme la monarchie... Il peut y avoir de bons rois, mais le système en soi est pourri". Joli, vieux... T'as rien d'autre ? Cela suffit à emballer l'étudiante, qui le regarde alors avec un air béat qui peut vous donner des envies d'extinction massive de l'espèce humaine. Devant ce triste spectacle, on pense forcément à Dick Linklater et à sa très verbeuse trilogie amoureuse (Before Sunrise, Before Sunset, Before Midnight). Kogonada a d'ailleurs consacré un court-métrage documentaire à son modèle, auquel il n'arrive toutefois pas à la cheville, et la cheville de Dick Linklater, c'est pourtant pas bien haut. 


Columbus de Kogonada avec John Cho et Haley Lu Richardson (2017)

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