Pages

7 février 2021

L'Accusé

Thriller couvert d'éloges venu d'Espagne et sorti là-bas début 2017, Contratiempo n'avait toutefois pas eu les honneurs d'une sortie en salles dans notre cher pays à l'époque où c'était encore possible. Doit-on s'en révolter ? Pas vraiment... Le deuxième long métrage d'Oriol Paulo, déjà auteur d'El Cuerpo, un thriller du même tonneau, a certes un scénario très riche en surprises, particulièrement tordu, qui vous captive de bout en bout mais, en dehors de ça, il n'en reste plus grand chose... Réintitulé The Invisible Guest pour son exploitation internationale et L'Accusé pour nous autres français, le film d'Oriol Paulo souffre d'une allure très télévisuelle et d'un casting constitué d'acteurs qui ont l'air tout droit sortis d'Un Dos Tres. Je pense surtout à l'acteur principal Mario Casas, un jeune bellâtre tout ce qu'il y a de plus lisse et sans charisme, qui incarne un businessman à succès accusé du meurtre de son amante (l'assez mauvaise aussi Barbara Lennie). Nous le voyons préparer son procès avec une avocate surdouée (Ana Wagener, légèrement au-dessus du lot) le temps d'une soirée.


Oriol Paulo tente d'expliquer le scénar à son acteur qui "n'y comprend foutre rien".
 
Le film se présente comme le récit en flashbacks des faits qui ont abouti à cette accusation. Différentes versions s'enchaînent tandis que l'avocate essaie de démêler le vrai du faux et que le spectateur tente de comprendre qui est manipulé par qui. Le décor est planté en quatre minutes top chrono, il n'y a aucun temps mort, les rebondissements ne font que s'enchaîner, et il faut bien reconnaître qu'on suit cela comme pris au piège. Oriol Paulo a au moins cette qualité : celle d'aller droit au but et de viser l'efficacité à tout prix. Hélas, quand le scénario finit par dire son dernier mot et révèle tous ses secrets, il s'avère sacrément tiré par les cheveux et nous n'aurons, à coup sûr, aucune envie de nous y aventurer encore pour de nouveau prendre du plaisir à le voir se dérouler sous nos yeux. Contratiempo est un one shot. Un film à usage unique. La garantie d'une bonne partie de Cluedo. Et c'est strictement tout. Ça suffit pour faire un tabac et conquérir le monde entier, matez donc sa note IMDb !


Petit goof ici puisque le perchman apparaît assez clairement à l'image.

Pour le reste, le talent de réalisateur d'Oriol Paulo me semble tout relatif. Peut-être le cinéaste pense-t-il que la photographie terne et grisâtre de son film suffit à lui donner du cachet. C'est tout le contraire. On en a vraiment soupé de ces filtres hideux qui uniformisent tout. Le résultat est si fade... Il filme Barcelone comme s'il s'agissait d'une mégapole américaine, nous proposant quelques plans aériens mettant en évidence la Tour Agbar mais il réussit dans le même temps à totalement délocaliser son récit, à le rendre le plus anonyme possible. Les personnages s'en vont à Paris puis au pied des Pyrénées espagnoles, mais tout se ressemble et rien ne se retient. Contratiempo semble conçu pour pouvoir être facilement vendu, puis faire l'objet d'un remake hollywoodien. Je suis d'ailleurs prêt à parier que ce remake est déjà dans les tuyaux. Entre les mains d'un cinéaste et d'acteurs plus doués, il n'aura aucun mal à surpasser son modèle.


Contratiempo (L'Accusé ou The Invisible Guest) d'Oriol Paulo avec Mario Casas, Barbara Lennie et Ana Wagener (2017)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire