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30 janvier 2021

Felicità

Felicità
, le deuxième long métrage écrit et réalisé par Bruno Merle, produit un très drôle d'effet : il donne l'impression qu'il démarre à peine au moment même où il se termine, au terme de ses 82 minutes que nous n'avons pas vu passer. Et ce n'est pourtant pas là un reproche que j'adresse au film, bien au contraire. Felicità produit cet effet étrange parce qu'il s'agit d'un petit film continuellement surprenant et déroutant, dont on ne sait jamais ce qu'il va bien pouvoir nous réserver ni où il nous amène, à tel point qu'il nous maintient sur le qui-vive, éveille et entretient tout du long notre curiosité, prenant soin de ne jamais entamer notre espoir de savoir enfin à quoi nous avons véritablement affaire. Bruno Merle le reconnaît, son mot d'ordre lors de l'écriture du scénario était de surprendre : il dit avoir fabriqué son film "comme un jeu de pistes dont on ne sait jamais s’il va partir à gauche ou à droite". Le souci, pour ce cinéaste qui n'avait rien tourné depuis 2007 (Héros, pour lequel j'ai désormais une certaine curiosité) et a vu l'un de ses projets lui échapper (il a écrit Le Prince oublié, avant de devoir en laisser la réalisation à Michel Hazanavicius), était aussi de signer une histoire à taille humaine, aux besoins très modestes, pour mieux en garder le plein contrôle. Avec ses trois personnages facétieux, son récit, mené tambour battant et à la construction ingénieuse, concentré sur 24 heures et sa si courte durée, Felicità est un petit film tout à fait assumé, et c'est encore là une belle qualité. Aussi petit qu'il soit, on peut même se féliciter qu'un tel film, si original, joli et malin, puisse exister aujourd'hui.




Pour ce qui est de surprendre, force est de reconnaître que Bruno Merle a donc réussi son coup haut la main. En vérité, son film ressemble à ses trois personnages, des parents imprévisibles et fantasques qui ont promis à leur fille qu'elle pourrait enfin faire une rentrée normale, comme les autres gamins de son âge. Nous les suivons tous les trois, lors de ce dernier jour mouvementé, riche en surprises et en rebondissements, de leurs vacances d'été, découvrant chacun d'eux petit à petit. A l'image de ce trio, Felicità est difficile à cerner et on se méfie d'abord de lui, la faute à toutes les mauvaises comédies françaises passées avant lui, mais il devient rapidement plaisant, attachant et, surtout, très amusant. Les acteurs sont à l'avenant. En tête de gondole, Pio Marmai se montre de nouveau très à l'aise dans un registre où nous commençons à vraiment l'apprécier, lui qui apportait déjà toute sa verve comique et son énergie brute à une autre production modeste et très louable dont je vous avais aussi dit du bien récemment (Je promets d'être sage). Il est crédible dans le rôle de ce type un peu trop impulsif, échappé de taule alors qu'il ne lui restait plus que six mois à tirer, qui a un rapport très spécial avec sa gamine (incarnée avec talent et fraîcheur par la propre fille du cinéaste, Rita Merle) et qui est le premier à alimenter le petit jeu de farces et de bobards énormes dans laquelle toute la famille s'adonne à cœur joie, se faisant marcher les uns les autres (la première scène donne le ton) et mettant surtout la crédulité du spectateur à rude épreuve. En fin de compte, si sa narration chamboulée et ambiguë lui donne un côté un peu brouillon et fragile, Felicità n'en demeure pas moins une petite chose singulière, délicate et pleine de charme, qui fait passer un très bon moment. A l'évidence l'une des agréables surprises de cette année de cinéma si spéciale où, faute de grives, on aura au moins pu se taper un très bon Merle. 
 
 
Felicità de Bruno Merle avec Pio Marmaï, Camille Rutherford et Rita Merle (2020)

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