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20 janvier 2018

Moonlight

J'ai voulu profiter du festival Télérama pour revoir La La Land avec un pote dealer sorti de sa banlieue difficile mais on s'est trompé de salle pour tomber sur Moonlight de Barry Jenkins. En voyant la première scène, on s'est dit "cool, un film de gangsta dealer, c'est carrément pour nous !" Le film est assez beau mais mon pote était un peu gêné : surement qu'il s'identifiait un peu trop au personnage gay et peut-être qu'il découvrait enfin une nouvelle part de sa sexualité... Bref. Il a passé la séance à vendre son shit dans la salle et à répondre au téléphone. Il a saoulé tout le monde mais il a fini par amasser en beau petit pactole et en sortira peut-être un peu plus ouvert. C'était en tout cas une très belle expérience de cinéma vécue à ses côtés. J'ai ainsi pu cocher un nouvel Oscar du Meilleur Film à mon tableau de chasse, il ne m'en reste plus que 85 à voir.




Le film de Barry Jenkins est construit en trois parties, comme toute dissertation d'un élève sérieux et appliqué. Chacune d'elle est consacrée à un période-clé de la vie du personnage principal : l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte (cf. l'affiche, qui parvient à fondre les tronches successives du personnage aux trois stades de sa vie pour un résultat véritablement bluffant). Enfant et ado, le pauvre Chiron est constamment humilié par ses camarades et n'est pas beaucoup plus heureux à la maison puisque sa mère, qui l'élève seule, est une véritable toxico. Le sympathique dealer du coin (incarné par le charismatique Mahershala Ali) finit donc par prendre le garçon sous son aile et lui propose un refuge chez lui, auprès de sa délicate compagne (Janaelle Monàe). Bien que les épisodes de violence subis par le garçon soient trop attendus, le cinéaste a le mérite de nous montrer tout ça sans en faire trop, sans tomber dans le pathos, en nous livrant un film assez silencieux, au rythme lent, qui épouse toujours le point de vue de son personnage auquel il colle aux basques.




Malheureusement, c'est là aussi la grosse limite du film. Barry Jenkins semble obnubilé par la retenue, la distance, et tout cela paraît finalement assez superficiel. A force de nous montrer un jeune homme qui tâtonne, qui s'ignore, qui chasse sa réelle personnalité et ne s'accepte pas tel qu'il est, Moonlight fait de même et, si Barry Jenkins fait aussi preuve d'une certaine finesse, son film ne touche jamais autant qu'il devrait, condamnée à une pudeur trop stricte, à une sobriété trop affichée. C'est dommage, car Moonlight dégage une certaine sincérité, voire une simplicité, tout à son honneur, et nous aurions aimé nous emballer davantage. Les acteurs sont tous excellents (même si Naomie Harris, la maman, est rude à supporter, ce qui est sûrement dû à son personnage), à commencer par ceux qui incarnent successivement Chiron. Barry Jenkins a aussi un vrai talent pour filmer les couleurs, la lumière et l'ambiance de la nuit en Floride. C'est surtout cela que l'on retiendra de Moonlight, qui porte finalement bien son nom.


Moonlight de Barry Jenkins avec Alex R. Hbbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes et Mahershala Ali (2016)

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