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19 décembre 2017

A Ghost Story

David Lowery est l'un des nouveaux chouchous de Sundance. On lui doit déjà Les Amants du Texas, remarqué lors de l'édition 2013 du festival, un ignoble pseudo-western sous influence malickienne dans lequel Rooney Mara et Casey Affleck, en Bonnie & Clyde du miséreux, se faisaient des papouilles sous le soleil couchant, dans une esthétique m'as-tu-vu ridicule. Voici le jeune cinéaste de retour avec A Ghost Story, récompensé par trois prix à Deauville après une avant-première en grande pompe à Sundance. Cette fois-ci, David Lowery s'aventure dans le domaine du fantastique en nous racontant donc une histoire de fantôme ; en réalité, un drame intimiste supposé être bouleversant abordant la question du deuil, du temps qui passe inexorablement, de l'amour qui nous file entre les doigts et de ces tartes que l'on mange si goulûment.




Rooney Mara et Casey Affleck, encore eux, incarnent un jeune couple vivant au Texas dans une petite baraque aux bruits bizarres. Rooney, chiante de profession, est trop jolie avec sa petite tête de poupée, sa peau de porcelaine et son air constamment éberlué. Casey, musicien, est super beau gosse et sexy grâce à ses heures passées à la salle pour se tailler un corps de rêve et sa voix nasillarde, traînante, insupportable. Les deux zinzins forment donc un grand couple de cinéma, que l'on est véritablement ravis de retrouver. Ils s'aiment fort, à tel point qu'ils dorment tout collé-collé et se chuchotent des petits mots doux à l'oreille, des phrases que nous sommes chanceux de ne pas comprendre. Malheureusement, un beau jour, Casey meurt dans un accident de voiture à deux pas de chez lui. Son fantôme, sous un drap blanc lavé avec Mir Laine, revient ensuite déambuler dans sa maison pour assister, impuissant, à la détresse de sa veuve.




A Ghost Story cherche à flatter nos mirettes et se veut de nouveau très agréable à regarder. David Lowery, cinéaste au look hipster, crâne rasé, regard bleu perçant et énorme moustache brune grotesque, choisit encore une fois une esthétique très tape à l’œil qui suffira sans doute à émerveiller les plus jeunes et les plus sensibles d'entre nous. Son film lui ressemble, il est totalement à son image. Il n'opte pas pour le format 4/3 mais presque, les coins de l'image sont arrondis, ce qui rappelle inévitablement les polaroïds et, surtout, les filtres instagram ; un effet que la lumière particulière et mélancolique de ce film très maniéré vient appuyer lourdement. Buzz Twitter garanti et déjà pressenti suite à la projection à Deauville, début septembre.




Alors certes, ça n'est pas vraiment laid, mais on croirait mater la première œuvre d'un très jeune garçon à la crise d'adolescence trop récente et désireux de se faire remarquer à tout prix. On ne peut pas s'empêcher de penser que l'ensemble constituerait un excellent écran de veille pour ordinateur. On constate aussi, avec plus de bonheur, que l'on peut regarder ça en faisant autre chose, ce qui est ma foi assez pratique quand nos journées sont déjà bien chargées. J'en ai personnellement profité pour me couper les ongles des pieds (ça faisait un sacré bail et je commençais, chaque nuit, à entamer le matelas de mon lit). Des plans aléatoires sur la voie lactée, accompagnée de quelques coups de violons grandiloquents, viennent de nouveau rappeler la filiation malickienne. Incontournable hommage au Maître.




Vers la 25ème minute, David Lowery place ce qu'il a appelé lui-même une "scène-test", censée mettre à rude épreuve l'endurance et la patience de son audience. Du haut de son arrogance, le réalisateur s'attend à ce qu'une partie des spectateurs abandonne alors le film et que d'autres accrochent définitivement, pour mieux kiffer la suite. Je suis fier de vous annoncer que je fais partie des plus courageux, mais cela ne m'a hélas pas permis d'apprécier davantage le reste. Car je dois aussi vous avouer une chose : en ce qui me concerne, chaque scène de cette Ghost Story constitue un test de maîtrise de soi et de sang-froid. Dès ce long plan (tous les plans sont trop longs, exprès) sur Casey Affleck et Rooney Mara au dodo, se bécotant langoureusement, j'ai failli déclarer forfait. Ils m'ont rendu nostalgique de Demi Moore et Patrick Swayze, c'est dire !




La "scène-test" évoquée précédemment est celle où Rooney Mara, fraîchement veuve, s'empiffre une tarte en entier, en la mangeant assise sur le sol de sa cuisine, avant d'aller la vomir aux chiottes, sous le regard perplexe du fantôme d'Affleck (celui-ci passant tout le film sous un drap, son frère retardé Ben aurait très bien pu assurer le rôle). David Lowery aurait-il osé cette scène si son actrice ne portait pas, lors de celle-ci, une jupe laissant voir ses mignonnes gambas ? Rien n'est moins sûr. Admettons qu'au milieu du supplice terrible que constitue ce film, les observateurs ont raison de sortir cette scène du lot. Toutefois, une autre "scène-test", bien plus rude à mon goût, est celle où Rooney Mara se souvient de ce moment lors duquel Casey Affleck lui a fait écouter son dernier morceau, au casque. Une niaiserie électro aux paroles lamentables agresse alors nos oreilles tandis que nos yeux sont provoqués par les mouvements de tête particulièrement agaçants de Rooney Mara, au sommet de son acting. Une torture !




David Lowery, désormais adoubé par le petit monde bien triste du cinéma indépendant américain, s'apprête à réaliser un film de gangster porté par un casting quatre étoiles : Robert Redford, Casey Affleck, Sissy Spacek, Danny Glover, Tom Waits et Elisabeth Moss. Comment tout ce beau monde peut-il vouloir tourner pour un tel guignol ? Vaste mystère...


A Ghost Story de David Lowery avec Casey Affleck et Rooney Mara (2017)

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