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5 novembre 2015

Invictus

J’étais passé à travers Invictus. Je me suis empalé sur la plupart des dernières grandes purges du grabataire Eastwood, mais Invictus, j’étais passé à côté. Parfois le hasard fait bien les choses. Le film vient s’ajouter à la liste de tous ceux, récents, qui me font me demander, à propos d’Eastwood, s’il y a encore quelqu’un au volant… Le bonhomme n’a ici strictement rien à raconter, mais il le raconte quand même. L’histoire est au fond assez simple, sans grands rebondissements : en 94, Mandela est élu président de la république en Afrique du Sud et met fin à l’Apartheid. Pour réconcilier le pays, il décide de miser (et de tout miser, semble-t-il) sur un succès des Springboks, l’équipe de rugby nationale blanche à 99%, lors de la coupe du monde 95, qui se déroule justement sur ses terres. A la fin ils gagnent. Dur de bâtir un scénario costaud là-dessus, encore plus quand on a l’idée débile de faire durer le film 2h12. 




Du coup, entre deux conversations insipides entre Nelson Mandela (Morgan Freeman, qui aura donc tout joué, de Winter le dauphin à Jules César en passant par un chauffeur de taxi sans permis, un prisonnier ultraviolent, un flic tueur en série, une nurse nommée Betty, Dieu himself et donc Mandela, ce qui revient au même) et François Panard, le capitaine des Boks (Matt Damon, teint en blonde), Eastwood essaye de faire monter la tension sur du vent. Combien de fois nous montre-t-il les gardes du corps de Mandela qui balisent, se mettent en garde les uns les autres, briefent et débriefent, s'invectivent (d'où le titre), zieutent dans tous les sens ? Sauf que Mandela n’a pas l’air d’être profondément menacé et que, dans la réalité, il ne s’est rien passé concernant la sécurité du président qui mériterait d'être raconté. Autant de scènes ultra redondantes et totalement inutiles donc (et ce n'est qu'un exemple). A un moment, on voit Mandela qui danse dans une soirée, et Eastwood fait un plan rapide, tendu, inquiétant, sur son garde du corps qui roupille un peu plus loin, pour nous mettre en alerte, nous dire : "ça sent le sapin !" Mais rien ne se passe. Au mieux Mandela fait un malaise, du moins les vigiles le croient-ils : il tapait juste un roupillon au milieu de l'allée qui mène à sa baraque. Eastwood est en roues libres. Le vioque multiplie les effets d’annonce bidons pour créer d’une manière ou d’une autre un semblant de suspense dans une histoire qui en est totalement dépourvue. 




Le seul suspense que l’on pourrait attendre, à condition de ne pas être au courant de l’histoire du rugby, concerne l’issue de la coupe du monde, mais Eastwood ne filme pratiquement pas les matchs, qui semblent se gagner sur tapis vert (il préfère nous montrer les bodyguards, dans les tribunes, qui suent des torrents et doivent régulièrement se relayer pour changer de slip). Tant mieux cependant, car quand Clint décide de filmer un match, la finale bien sûr, c’est une pure horreur. D’abord la scène dure 80 minutes, soit la durée d’un vrai match. Celui-ci n’est pourtant pas filmé en temps réel : on doit voir, disons entrapercevoir (Eastwood filme vraiment ça comme un manche), trois ou quatre temps de jeu à tout casser, mais ils sont si dilatés par des effets de ralenti hideux que cela représente la durée de deux bonnes mi-temps d'un match officiel.




Les mêlées notamment sont sublimées par des ralentis parfaitement inutiles (on ne ressent rien de chez rien) et monstrueusement moches. Et le pire c’est que le son aussi est dilaté, ce qui nous donne à entendre des sortes de lents meuglements difformes de vaches folles. Un supplice. J’ai rarement été aussi dérangé par un bruit quelconque. Sauf peut-être par les petits cris de plaisir rauques, nasillards, réguliers, que poussait mon Tonton Scefo (celui que mon arrière-grand-mère traitait encore de "putanier" sur son lit de mort) à travers le trop maigre mur qui séparait la chambre d’amis de la mienne quand j’étais petit… France 2 a cru bon de diffuser ce film entre les demi-finales et la finale de la coupe du monde de rugby 2015, mais cernée par les beaux matchs que nous ont offert les professionnels sur le terrain, la vision du rugby (et du cinoche !) que nous offre Eastwood en est parue plus navrante encore.


Invictus de Clint Eastwood avec Matt Damon et Morgan Freeman (2009)

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