Après Le Cochon de Gaza, De l'eau pour les éléphants et Les Chèvres du Pentagone, voici Des Saumons dans le désert, qui s'ajoute à la liste de ces films qui par leur seul titre dégoûteraient même un cinéphile tel que Laurent Weil du cinéma de quartier. Que fait-on avec des saumons dans le désert ? Un gros casse-dalle peut-être mais pas un film. Les saumons dans le désert sont chose rare, dans la flotte un peu moins, et sur l'affiche on peut voir que McGregor n'est pas en reste pour les pêcher avec ses deux gros panards épilés de près, que des saumons auront tôt fait de prendre pour des congénères : c'est l'une des meilleures scènes de ce long métrage. Dès qu'il sent que ça mord à l'hameçon, McGregor, en digne héritier de Chris Waddle, fait un retourné acrobatique pour se ramener le poiscaille dans le gosier, à la Gollum (à la Cotillard, synonyme), avant de hurler : "Des saumons pour le dessert !" Afin d'un peu retirer le voile de désagréable mystère planant autour de ce titre, on va vous révéler l'origine d'un tel intitulé : 59ème minute du film, après s'être tourné autour pendant 58 minutes, Ewan McGregor et Emily Blunt finissent par se retrouver assis à la Daurade, les pieds dans l'eau, quand le bellâtre McGregor s'étonne de cette étrange destinée qui est la leur et lâche à sa future partenaire sexuelle : "On est un peu comme deux gros saumons dans le désert", à quoi la belle répond : "Pas faux". En effet, McGregor, incarne un Erasmus issu de la riche aristocratie, étudiant dans le désert, tandis qu'Emily Blunt joue une orpheline de père en fille, roturière de son état, qui gagne sa vie en cousant de beaux tapis persans et propose du thé vert aux passants dans le désert.
Tout ça pour ça. Alors qu'on croirait à une référence littéraire haut perchée, c'est juste un dialogue de la clique Apatow, sorti par un personnage masculin en pantacourt. McGregor déballe cette ligne en se roulant un gros bédave assis en terrasse, sous la castagne et sans parasol. Zoom avant sur Emily Blunt, qui sur l'affiche est photoshopée au maximum, apparaissant presque en noir et blanc à force de retouches, d'anti-cernes et autre anti-yeux rouges. Voilà trois ou quatre ans qu'Emily Blunt gâche les films. Sur cette affiche (j'y reviens), elle est tellement retouchée qu'elle ressemble à un jellyfish humain sur lequel on viendrait de péter. En dehors de ce poster, l'actrice a son vrai petit charme, indéniablement, avec ce regard en biais, cet air ahuri et sa raie du cul au menton (ça peut être beau sur certains hommes aussi : Aaron Eckhart, Cary Grant ou Kirk Douglas, le roi du pot d'échappement au menton, du tout-à-l'égout perso). Et puis l'accent anglais à couper au couteau, l'accent cockney, pour être pointu, ça peut passer, même doublé d'une voix suraigüe de vieillarde qui te fera sursauter à chaque mot à coups de remarques chiantes, une voix faite pour pomper l'air en résumé, ce n'est plus possible, et notre réquisitoire se justifie d'un seul coup. Pure pendaison de crémaillère, crucifixion gratuite pour mini délit de sale tronche sur un poster, mais ce petit délit devient gigantesque sur une affiche comme celle de ce film, format A5.
Des Saumons dans le désert de Lasse Hallström avec Ewan McGregor et Emily Blunt (2011)
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