11 mars 2015

I Used to be Darker

Deux ans après le beau Putty Hill, Matthew Porterfield continue de jouer sa petite musique folk venue de Baltimore. Un air singulier, frais, discret et agréable, que l'on reconnaît de plus en plus rapidement, qui nous devient étrangement familier. On retrouve en effet la même délicatesse, la même douceur, la même sensibilité dans ce regard porté sur des personnages paumés, pour la plupart tout juste sortis de l'adolescence, et qui ne rentrent dans aucune des cases habituelles du mauvais cinéma indé US. Des personnages que le cinéaste américain prend le temps de nous dévoiler pour mieux les faire exister, et auxquels on finit naturellement par s'attacher. Alors que Putty Hill empruntait beaucoup au documentaire, ce nouveau film nous donne encore l'impression de montrer la vie telle qu'elle est, d'être une simple mais belle photographie d'un instant donné dans l'existence de ses personnages. Ici, on suit surtout Taryn (Deragh Campbell), adolescente en crise qui se retrouve chez sa tante après avoir fui le foyer familial. La jeune fille atterrit dans une petite famille en pleine dissolution. Son oncle et sa tante, musiciens de Baltimore, se séparent, sous le regard impuissant et réprobateur de leur fille unique, Abby (Hannah Gross), du même âge que Taryn. 




Matthew Porterfield filme tout ça patiemment, élégamment, et parvient peu à peu à nous captiver, à nous intéresser à ces existences qui se défont. Le réalisateur n'a même jamais dû ressentir la tentation de transformer cette rupture en un spectacle facile, d'en faire un prétexte à un enchaînement forcément captivant de scènes dérangeantes faites de vives engueulades et de coups de sang. Rien de spectaculaire ici, simplement la réalité telle qu'elle est le plus souvent, sans éclat. Kim, la tante, et Ned, l'oncle, se quittent, et c'est comme ça. La vie continue. Ils chantent chacun leur mal-être, lors de moments musicaux toujours très beaux où leurs voix sont uniquement accompagnées d'une guitare (les deux acteurs, très bons, sont des musiciens confirmés - d'ailleurs, Ned Oldham n'est autre que le frère de Will, plus connu sous le nom de Bonnie "Prince" Billy et déjà croisé chez Kelly Reichardt). On retient bien quelques scènes, quelques passages plus mémorables, mais le film semble toujours suivre un fil tranquille, une évolution toute naturelle. Porterfield parvient à nous maintenir en alerte malgré un rythme assez langoureux et des circonvolutions discrètes, et il réussit parfois à capturer quelques vrais mais discrets moments de grâce. I Used to be Darker, dont le titre est emprunté aux paroles d'une superbe chanson de Bill Callahan, dégage une calme mélancolie, une beauté effacée ; la douceur du regard d'un cinéaste dont on continuera à écouter et regarder les petites histoires.


I Used to be Darker de Matthew Porterfield avec Deragh Campbell, Hannah Gross, Kim Taylor et Ned Oldham (2013)

12 commentaires:

  1. Ce sont ces articles qui font il a osé ! Très beaux pour des films qu'on aurait pas forcément été voir !

    RépondreSupprimer
  2. Une petite interview sympa de Matt Porterfield : https://www.youtube.com/watch?v=R26p6XGKoVA

    RépondreSupprimer
  3. José Mourinho12 mars, 2015 00:39

    Je ne suis pas très bien en ce moment...

    Bon article sinon.

    RépondreSupprimer
  4. Très hâte de découvrir les deux films de ce cinéaste au drôle de blaze.

    RépondreSupprimer
  5. J'espère qu'ils te plairont ! Je commence à vraiment bien aimer ce cinéaste, et le petit interview posté ci-dessus continue de me le rendre sympathique.

    RépondreSupprimer
  6. Merci José !

    Et merci aussi pour hier soir...

    RépondreSupprimer
  7. José Mourinho12 mars, 2015 19:48

    Je suis assez atteint par la défaite ça ne se voit pas trop j'espère : http://www.yvelines1.com/wp-content/uploads/2014/04/les-jose-mourinho-apres-psg-chelsea-3-1-020414.jpg


    Sinon le film ce n'est pas une caricature sortie de Sundance non? Je te fais confiance

    RépondreSupprimer
  8. "Matthew Porterfield filme tout ça patiemment, élégamment, et parvient
    peu à peu à nous captiver, à nous intéresser à ces existences qui se
    défont. Le réalisateur n'a même jamais dû ressentir la tentation de
    transformer cette rupture en un spectacle facile, d'en faire un prétexte
    à un enchaînement forcément captivant de scènes dérangeantes faites de
    vives engueulades et de coups de sang. Rien de spectaculaire ici,
    simplement la réalité telle qu'elle est le plus souvent, sans éclat."
    Est-ce que c'est un reproche que tu ferais à Blue Valentine, ou bien est-ce que ce film (Blue Valentine) t'a juste laissé indifférent (Blue Valentine) ?

    RépondreSupprimer
  9. Blue Valentine y allait un peu fort, c'est sûr. Mais ce qui m'avait gêné, surtout, c'est le personnage de Michelle Williams. Vraiment imbuvable, dans mon souvenir... Un souvenir assez flou d'ailleurs, j'avoue.

    RépondreSupprimer
  10. Marrant, pour moi c'est le personnage de Gosling qui est imbuvable. Mais tu connais ma passion pour Michelle...

    RépondreSupprimer
  11. Extravoyance Voyance de Luxe16 mars, 2015 16:27

    Franchement vous êtes formidable d'avoir fait un
    site pareil, vous êtes une personne merveilleuse d'idées et de partages merci
    beaucoup, j'adore les gens qui veulent partager leurs savoirs et ne pas les
    garder pour eux même.

    voyance gratuite par mail

    RépondreSupprimer
  12. On est loin de la caricature venue de Sundance.

    Tente-le !

    RépondreSupprimer