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30 décembre 2012

The Day He Arrives

Après nous avoir fait le nécessaire éloge de In Another Country, notre collaborateur Simon revient pour nous parler du film précédent du même auteur, également sorti en France en 2012, et cette fois-ci je me joins à lui afin de déclarer de concert notre amour commun pour un film enchanteur :
 
The Day He Arrives, avant-dernier film en date du très prolifique Hong Sang-soo, raconte l'histoire de Seongjun (joué par Yu JunSang, le génial "lifeguard" de In Another Country), un réalisateur dont la carrière est sur pause, qui vit en province, mais qui vient passer quelques jours à Séoul, où il ne s'est pas rendu depuis un certain temps. Il y vient flâner, voir son meilleur ami, avec qui il passe plusieurs soirées à boire et à faire des rencontres, va rendre visite à son ex-petite amie à l'improviste... En bref on retrouve les personnages, les thèmes et les "non-intrigues" habituelles de Hong Sang-soo, dans un Séoul hivernal glacé, filmé dans un très beau noir et blanc, cadré et "recadré" par les mêmes zooms rapides et violents que ceux qui rythment et parsèment ses précédents films.




Le film est drôle et enchaîne des situations parfois grotesques (il faut voir Seongjun fuir de jeunes admirateurs sympathiques en les insultant sous prétexte qu'ils l'imitent), souvent gênantes pour le personnage (quand un ancien collègue de travail l'accuse de l'avoir écarté d'un projet), perpétuel indécis sentimental et insatisfait professionnel. Nous disons enchaînement mais devrions plutôt dire déclinaisons de situations. Si le principe narratif du film est moins schématique que dans In Another Country (qui est clairement découpé en 3 parties "miroirs" qui se répondent et communiquent entre elles), beaucoup de situations de The Day He Arrives semblent se répéter, se décliner, les personnages reviennent toujours dans les mêmes lieux, faire les mêmes choses... Comme Isabelle Huppert dans le dernier film en date du cinéaste, une jeune et belle comédienne coréenne, Kim Bokyung, incarne même deux femmes différentes, l'ex-petite amie et une nouvelle conquête du personnage principal. Il en résulte l'impression à la fois agréable et malaisante de flotter dans les méandres d'un esprit indécis et tourmenté, dans ce mélange de drôlerie et de gravité mélancolique qui fait la particularité et le prix des films de Hong Sang-soo.




La répétition des actions et des rencontres participe de ce mélange en créant une sorte d'élégante ritournelle à la fois tendre et maussade, accentuée par les choix musicaux du cinéaste, de la Nocturne de Chopin jouée au piano par le héros ivre à la jolie mélodie qui ouvre et clôt le film. Avec des scènes d'une simplicité biblique, Hong Sang-soo nous transpose dans ses ambiances personnelles et nous émeut profondément. Quand Seongjun se met à pleurer devant son ancienne compagne, qui veut voir ses larmes pour y croire et qui les verra, replongeant alors comme lui dans une relation à distance sans séparation effective, ou quand il embrasse soudainement et à pleine bouche la patronne du restaurant à peine rencontrée et jouée par la même actrice, au milieu d'une ruelle, de nuit et sous la neige, pour débuter sans préavis une histoire d'amour heureuse qu'ils décideront finalement de ne pas continuer, un même sentiment d'empathie pour cet homme obsédé par une figure inaccessible nous étreint et l'émotion affleure sans prévenir. Retournant sur ses traces pour poursuivre une histoire finie ou empruntant des chemins nouveaux pour en inventer une autre, hasardeuse et sans lendemain, le héros de Hong Sang-soo passe comme souvent à côté de son existence tout en la vivant pleinement à coups de beuveries, de festins, de larmes et de baisers. On ne s'attend pas forcément à trouver tant de vie et de chaleur dans un film en noir et blanc à la poétique enneigée.


The Day He Arrives de Hong Sang-soo avec Yu Junsang, Kim Bokyung et Kim Sang-soo (2012)

9 commentaires:

  1. Ah bah y'en a qui ont lu mon top 2012, ou alors c'est un hasard si tu viens de le voir.
    Sang-soo est clairement un des derniers vrais cinéastes qui filment pour faire des oeuvres d'art. Je te conseille aussi Oki's Movie si tu l'as pas déjà vu.

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    1. Rien à voir avec ton Top non, auquel je viens de jeter un coup d’œil du coup !

      Je n'ai pas encore vu Oki's Movie mais mon collègue Simon si, et je ne veux pas parler pour lui mais je sais qu'il l'a beaucoup aimé aussi.

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    2. J'ai toujours pas vu In Another Country à ce propos, pas faute d'avoir le dvd pourtant !
      Rien que la phrase du prof dans Oki's Movie "le cinéma en tant qu'art est mort" est affreusement vraie. Après tout n'est pas à garder, le film est aussi universitaire que son personnage principal et Sang-soo l'a écrit comme à son habitude sur un coin de table tout en tournant autre chose. C'est aussi ça que j'aime chez lui, il tourne lorsqu'il a une idée, et pas de façon académique et procédurière (le cinéma est-il régit par les Vogons ?) comme les autres.

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    3. J'aime beaucoup Oki's Movie en effet. Et je ne peux pas être d'accord avec toi, Mr Méchant, quand tu qualifies le film d'universitaire. Le cinéma d'Hong Sang-soo, et ce film en particulier, est tout sauf "scolaire" au sens péjoratif communément utilisé. Dans sa liberté, sa légèreté et ses obsessions, il m'évoque au contraire la flânerie, la rêverie, le voyage, les vacances !

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    4. C'est aussi un film très libre et qui ne ressemble pas à grand chose d'autre (à part évidemment et dans une certaine mesure à un autre film de Hong Sang-soo), qui n'a rien enfin d'un exercice de faiseur besogneux, mais alors rien.

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  2. Will I Am feat Britney Spears30 décembre, 2012 23:37

    you're gonna turn the shit up
    you're gonna turn the shit up
    you're gonna turn the shit up

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  3. Je connaissais pas les films d'Hong Sang-soo et je m'en veux, en lisant votre article, d'avoir loupé The Day He Arrive.
    Je vais remédier à cette erreur très vite.
    Merci pour votre critique qui permet de découvrir des réalisateurs de talents (a priori).

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  4. C'est un joli film qui vieillit bien dans la mémoire mais j'avoue que sa poésie tranquille m'a moins touché que celle, plus imagée, d'In Another Country.

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