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14 mars 2012

Faust

J'ai découvert ce film pour la première fois sur écran géant accompagné en improvisation au piano par Jean-François Zygel, autrement dit dans les conditions optimales pour recevoir ce que l'on sait tous être un grand chef-d’œuvre du cinéma, et le terme n'est pas trop fort pour qualifier le Faust de Murnau. Le plan reproduit ci-dessous, qui survient assez tôt dans le film après que Dieu a lancé un défi au Diable consistant à corrompre le bon et vieux Faust pour posséder le Monde, est gigantesque. Ce n'est jamais qu'Emil Jannings portant des ailes et des cornes devant une maquette, et pourtant c'est le Démon incarné qui s'apprête à abattre ses maléfices sur les hommes. La séquence qui contient ce plan est admirable, où Mephisto fait la nuit sur la ville et interrompt un jeu d'ombres chinoises orchestré par un troubadour sur une scène de la place publique, avant de répandre un poison sur la cité, qui tuera en premier un danseur tombant à la renverse et perdant son masque devant une rue désertée et balayée par le vent dans une composition qui n'a rien à envier aux plus beaux tableaux des grands maîtres, et notamment de Rembrandt.



Murnau compose des tableaux incroyables et des scènes de foule merveilleuses qui achèvent de pousser à lire enfin la thèse de Rohmer sur le traitement de l'espace dans ce film, Rohmer qui commençait d'ailleurs son étude par l'évocation du mouvement incessant de l’œuvre, du fourmillement absolu de chaque image, de l'occupation intégrale de chaque cadre du film de Murnau. C'est vrai par exemple du moment où les citadins se lamentent des ravages de la peste et implorent l'aide de Faust, dans la scène où Mephisto envoie son protégé rajeuni faire la cour à la plus belle femme d'Italie, quand les enfants jouent autour de Faust et de Gretchen et puis dans la scène finale du bûcher. L'humour parfois potache (notamment quand le Diable séduit la tante de Gretchen, et il faut voir le costume de Méphisto ainsi que ses postures menton levé et bras croisés) se mêle à une poésie lyrique sans complexe. Il y a des scènes particulièrement puissantes, comme celle où Faust pousse les fenêtres de Gretchen pour aller lui faire l'amour, Gretchen dont l'ombre de profil se dépose sur le verre et qui tient ses carreaux fermés depuis l'intérieur de sa chambre avant de céder d'un seul coup, l'image s'ouvrant littéralement pour propulser le spectateur à l'intérieur. C'est tout simplement magnifique.



Les jeux d'ombre et de lumière évoquant les clairs-obscurs de Rembrandt ou le travail sur le mouvement du Caravage, sont fascinants. Le premier mot du film "Vois !", puis les premières images sur les quatre cavaliers de l'apocalypse progressant face à un soleil immense ont donné le ton et lancé l’œuvre sur les rails de la démesure et du sublime. C'est le plus grand écrivain et le plus grand roman allemands adaptés par le plus grand cinéaste allemand du muet, et c'est grandiose, y compris la fin presque surchargée avec l'effet spécial quasi grotesque des amants qui s'envolent et avec l'archange Gabriel qui apprend le mot "Liebe" (Amour) à Méphisto. Le tout accompagné par les improvisations de Jean-François Zygel, c'était encore plus beau. Aujourd'hui sort sur les écrans un nouveau Faust, celui du cinéaste russe génial Alexander Sokurov, adaptation plus libre a priori mais qui promet, et c'est le moment où jamais de revoir le film de Murnau, pour s'imprégner de la légende de Goethe avant d'aller en découvrir une réappropriation contemporaine.


Faust de Friedrich Wilhelm Murnau avec Gösta Ekman, Emil Jannings et Camilla Horn (1926)

14 commentaires:

  1. http://www.maitre-eolas.fr/public/portraits/Zygel_jean_francois.jpg

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    1. il a déjà essayé de me choper derrière l'église de mon village, dans le Vaucluse

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  2. Le second plan ici reproduit aurait suffi, même sans un mot, à me faire courir vers ce film que je n'ai pas su voir. Un véritable tableau de maître !

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  3. Je vais voir le Sokurov ce soir et tu m'as foutu encore plus la trique avec ce papier !

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    1. Héhé, j'espère que tu vas te régaler, mais j'en doute pas !

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  4. Excellent papelard "internet" qui donne foutrement envie, sachant que Faust est également le meilleur opéra du monde.

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  5. Je ne veux pas le voir

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  6. N'importe quoi cet article, Rembrandt il peignait en couleur.

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    1. Et en plus l'image elle bougeait pas dans ses tableaux. Trop con ce papelard !

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  7. Un film d'une beauté et d'une noirceur incroyable. Je n'ai pas eu la chance de le découvrir sur grand écran mais il a réussi à me tenir éveillé à une heure tardive de la nuit, juste après avoir visionné un autre chef d'oeuvre du maître : Nosferatu.

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