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27 août 2011

Propriété interdite

Cet horror flick a obtenu de très bonnes critiques, parfois dithyrambiques, dans une presse d'un certain calibre qui se veut plutôt estampillée de gauche et qui aime à dénicher les symptômes de notre société dans un moyen métrage de derrière les fagots. C'est donc avec l'espoir de tomber sur un bon film de genre français qu'on s'est lancé à l'abordage du combientième (?) long métrage d'Hélène Angel. L'affiche, la bande-annonce, les éloges de certains papiers, tout laissait présager un film de maison hantée de qualité avec un sous-texte pertinent à la clé. Au lieu de ça, Propriété interdite se vautre sur tous les tableaux. A cumuler les ambitions, la réalisatrice échoue absolument de partout. Hélène Angel aurait gagné à commencer son film sur un rythme plus tendu et à nous immerger tout de suite dans un univers beaucoup plus effrayant pour ensuite nous cueillir avec son drame social à deux euros. Le début du film s'avère ô combien laborieux quand il nous dépeint ce couple au bord du gouffre, et notamment cette femme (Valérie Bonneton) qui, hantée par le souvenir de son frère récemment décédé, sombre dans la boulimie (la scène où elle se fait vomir m'est restée là !), puis finalement dans la pure folie. C'est ce fameux frère, Michel (Bob Bonneton ?), dépressif, pas maniaque pour un sou et dont on croit comprendre qu'il s'est suicidé, qui s'occupait de la grande maison de campagne où le couple débarque au début du film afin de remettre la demeure familiale en état pour mieux la vendre. Quelques bruits et autres coupures d'électricité (la seule scène à peu près réussie du film, car même si elle fonctionne sur des clichés elle parvient à ne pas trop s'y embourber) foutent les jetons à l'héroïne qui est persuadée d'être visitée par le fantôme de son regretté frère. Mais dès le départ nous savons à quoi nous attendre : à pas grand chose.


 Le seul plan à peu près intéressant du film, qui dure 1,15 secondes

Au bout d'une demi heure (dans un film qui ne fait qu'1h10 et qui semble en durer le double), on découvre sans surprise que l'esprit fantomatique du frère n'est rien d'autre qu'un sans-abri qui s'incruste dans la maison par un tunnel creusé entre le jardin et la cave. Exit la problématique auto-centrée et ultra psychologisée typique du cinéma français tel qu'on se le représente et que le film semblait aborder en peignant le portrait de cette femme endeuillée malmenée par sa propre psyché via un pseudo tunnel introspectif symboliquement matérialisé par un trou dans la cave et menant tout droit à son cerveau, la maison de l'enfance, le lieu de la mémoire. Hélène Angel semble vouloir mêler cette veine psycho-familiale franchouillarde à des préoccupations plus directement humanistes et actuelles en introduisant un personnage de squatteur Roumain. Ce revirement du scénario n'apporte rien d'étonnant ni d'intelligent à un film terriblement chiant dont la réalisatrice grossit le trait et appuie tous les sobres effets. Après la rencontre avec son nouvel ami des Balkans, l'héroïne pète un plomb et s'enfonce dans sa démence, le mari (Charles Berling), quant à lui, a les boules : leur couple se déchire et le sans-papier se comporte comme un clébard. Il frappe, vole, boit des gamelles de lait chaud préparées par Bonneton, crache au visage des gens bienveillants et il aboie plus qu'il ne parle, car les sons qu'il produit ne sont pas simplement la manifestation d'un manque de maîtrise de la langue française mais presque ceux d'une absence de capacité au langage. Remarquez cet être franchement détestable vaut presque plus cher que sa famille de romanichels qui, quand ils voient arriver Bonneton aux abords de leur campement, innocente et même souriante, la fracassent tous ensemble à coups de bâtons et de jets de pierre jusqu'à la mettre en sang. Joli portrait d'une communauté de sans-papiers que nous dresse là Hélène Angel... Et c'est pas la symbolique de fond de placard que déploie la réalisatrice à la fin du film quand le mari - qui contrairement à sa folle de femme demandait simplement à l'étranger de ne pas lui foutre la chiasse en ruant dans les brancards de sa cave et de ne pas démolir les murs porteurs de sa maison - crève comme un salop dans le tunnel qu'il avait condamné côté sous-sol et où pionçait le jeune sans-papier, tunnel qui devient alors sa propre sépulture puisque sa femme le rebouche avec du béton côté jardin. Ce retour de flamme plein de sens est d'un lourd... On n'en voudra même pas à Angel pour ses messages foireux car son vrai problème c'est la somme de maladresses qui constitue son film, un tas de défauts qui le rendent imperméable, inefficace et épuisant.


L'héroïne lunaire du film, de retour de sa petite visite amicale chez les Roms

J'ai pas dit un mot de Charles Berling. C'est peut-être parlant. Je me demande si c'est pas lui le fantôme du film. J'ai simplement remarqué qu'il s'est laissé aller à un léger embonpoint sans renouveler sa garde-robe, mais je ne lui en veux pas. Aux manettes de ce film, deux femmes, Valérie Bonneton, la Shelley Duvall française, et Hélène Angel, dont j'étais persuadé de découvrir là le premier film. Vous aurez sans doute tiqué sur le mot "combientième" au début de l'article, et c'est pas un hasard. J'étais parti pour écrire "premier film", sûr de moi, quand mon professionnalisme m'a poussé à aller vérifier pour m'apercevoir qu'elle avait déjà réalisé deux œuvres : Peau d'homme cœur de bête et L'Année du dragon, avec Auteuil quand même ! Quand personne n'entend causer d'un film avec Auteuil c'est que c'est un film de merde pour lequel la star elle-même n'a pas daigné bouger son gros fiac afin d'en faire la promo sur tous les plateaux télé où on l'accueille habituellement à bras raccourcis. Quoique, il est bien allé défendre le Donnant donnant d'Isabelle Mergaux le mors aux dents... Pour moi ça reste le premier film d'Hélène Angel, car on ne peut pas réaliser un tel fiasco d'une heure dix quand il ne s'agit pas d'un premier film. Bon bref, j'ai un demi-melon dans le bide là, donc ciao !


Propriété interdite de Hélène Angel avec Valérie Bonneton et Charles Berling (2011)

13 commentaires:

  1. Critique sympa qui me donne envie de ne pas croiser ce film !

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  2. Tout cela m'a donné envie de voir Saint-Ange (qui, en comparaison, doit être un chef d'oeuvre). Vous l'avez vu ?

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  3. Moi je l'ai vu à la fête du cinéma 2005, donc pour seulement 1€. Et je peux te dire que je regrette encore cet euro perdu devant ce film de merde.

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  4. C'est marrant que tu parles de "Saint-Ange" Arnaud. J'ai pensé à le fusiller pour ce dossier, puis finalement non, faut pas pousser. Je l'ai vu exactement dans le même contexte que Poulpard, fête de la musique 2005 à 1 euro. Ce film était une saloperie intégrale (même si on voyait Ledoyen nue dans une baignoire, affublée d'un faux gros ventre de femme enceinte). A côté de "Saint-Ange", "Propriété interdite" est fameux, pour te donner une idée. Quequoi... C'est deux merdes.

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  5. Merci pour l'information, Poulpard et Rémi (et Bob ?). Je suis des fois pris de curiosité imprévisible et néfaste à la santé mentale mais la curiosité est ainsi faite.

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  6. "Fête de la musique" ahah

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  7. Saint-Ange c'est typiquement le film que j'ai toujours su éviter. Comme quand on me propose d'aller à St-Agne, toujours je sais l'éviter. Mais en jour, j'y passerai !

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  8. Saint Ange est un des pires films que j'ai pu voir au cinoche.

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  9. Pas pu le voir jusqu'au bout... chiant
    D'accord avec le fait que ça a l'air de durer 3 heures.

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  10. Les interactions entre les personnages sont aussi sacrément dégueulasses, dans leur interprétation (toujours cette impression désagréable de regarder un téléfilm) mais aussi dans leur écriture (les répliques du roumain squatteur m'ont fait rire, et vomir)

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