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8 juin 2009

Une Histoire Vraie

Avez-vous déjà passé 2 heures 30 à mater un vieux con à califourchon sur un tracteur miniature ? Moxopussy, Iowa, juin 1994. Alvin, un veillard tétu, enfourche sa tondeuse à gazon pour traverser une grande partie des Etats-Unis afin de retrouver son frère frâichement tombé malade et depuis longtemps perdu de vue. Près de 400 kilomètres parcourus sur un petit engin fort inapproprié, certes particulièrement économe en gazoline (2 litres au 100) mais d'une lenteur extrême (15km/h en vitesse de pointe).

Cette petite histoire somme toute très bête et à peine digne de figurer dans un guiness book parcourt peu à peu le pays, d'abord véhiculée de bar en bar par des vieux de la bande d'Alvin, souvent moqueurs et pas toujours admiratifs de son odysée ridicule. Il faut savoir qu'entre eux, Alvin était déjà appelé "le vieux con", et il était seulement célèbre pour avoir le gland devenu d'un vert unique avec le temps. Avec les joies du "téléphone arabe", l'histoire se déforme, et l'une de ses plus fameuses versions précise par exemple qu'Alvin a fait le trajet entièrement nu en ayant la gaule de bout en bout. Elle parvient finalement jusqu'aux oreilles décollées de David Lynch, qui y voit là un scénario miracle, l'occasion idéale pour signer son retour aussi original qu'inattendu dans un genre qu'il a déjà éclaboussé de son talent relatif par le passé : le road movie. Comme il n'est pas à une connerie près, David Lynch choisit d'intituler son film "a straight story", comme pour nous signaler qu'il racontait là l'histoire d'un homme "qui en a deux grosses". Plus consensuel, le titre français n'est pas "Une histoire d'hétéro" mais tristement "une histoire vraie".



Ce titre peut faire l'objet de bien des critiques. Rien qu'en y pensant, il m'a bouffé pas mal de mon temps. Lynch raconte une histoire vraie et il l'appelle "une histoire vraie". Il s'est battu avec les studios pour appeler tous ses autres films "fiction #1", "fiction #2", et ainsi de suite, ça n'est jamais passé, mais "une histoire vraie" est passé entre les mailles du filet. En tout cas, ça montre bien la profondeur d'esprit de David Lynch. Ça reste un mec vachement terre-à-terre, contrairement à ce que certains de ses films peuvent laisser penser aux plus naïfs d'entre nous. La petite histoire veut qu'à l'origine, le titre intégral fut peu ou prou "Une histoire vraie, réelle, tirée de faits réels, basée sur la vérité, poignante et touchante, je veux vous en mettre plein la race".

Via ce film, le réalisateur le plus lynchéen* de notre époque, Lynch himself, ne veut-il pas tâcher de lancer une bonne fois pour toutes sa seconde carrière, ou carrière perpindiculaire mainstream, déjà ébauchée avec Elephant Man, un succès mi-figue mi-raisin ? On pourrait le croire, tant cette histoire vraie est dépeinte avec le moins d'implication possible. On est quasiment face au premier "tractumentaire" de l'histoire (un docu sur les tracteurs). Lynch, qui a bâti un petit empire sur l'art de jongler entre un son intradiégétique et extradiégétique, des effets de mise en scène, des jeux de lumière, des ellipses à St Tropez, des scénarios alambiqués, triturés jusque dans leurs moelles, surprend ici avec cette histoire vraie ô combien linéaire, désespérément plate, assurée tout risques, filmée de dos, et peuplée d'acteurs certainement pas lynchéen (exit Bill Pullman et sa vieille raie sur le côté, exit Laura Dern et son fion de méduse, exit Patricia Arquette et ses dents de la mer...). Nous sommes en présence d'un UFO dans l’œuvre volante jamais identifiée d'un connard fini !



Lynch a souvent répété en interview (après avoir corrigé la prononciation de son nom, qu'il faut prononcer "David Linge") que selon lui, chaque film est une expérience et doit être vécu comme tel, dans les conditions idéales et propices à son expression la plus totale que réunit une salle obscure hi-tech. D'après lui, écran géant, image optimale, son dts à te défenestrer la gueule, et fauteuils aquagyms sont nécessaires et indispensables pour apprécier un de ses films à sa juste valeur. Quand on prend ces directives en considération pour Une Histoire vraie, on sort seulement du film la gueule ravagée par le bruit incessant et assourdissant du moteur diesel HS du tracteur en rade d'un vieillard aux portes de la mort.

J'ai un pote de la fac, celui qu'au foyer on surnomme l'Hélicoptère, qui a traversé Toulouse d'est en ouest du Mirail au Jardin Jap', à cloche-pied, nu comme un ver, avec une grosse plume au cul. J'attends fébrilement une Histoire Vraie #2 par le même Dave Lynch, à jamais et pour toujours mon idole !



*Lynchéen : adj. masc. Se rapporte à tout film glauque.
[hist] Dave Lynch est l'un de ces rares réalisateurs qui, à l'instar d'Hitchcock, ont droit à un adjectif propre.
[sens figuré] Merdeux.
Exemple: "Fils, va nettoyer les chiottes, ils sont dans un état lynchéen".


Une Histoire Vraie de David Lynch avec Sissy Spacek et Richard Farnsworth (1999)

19 commentaires:

  1. ben moi il me donne envie ce film, j'ai envie de me le foutre sur mon 5.1, comme écran de veille pendant que je bosse. Je suis sur que ça marche. De toute façon, pour l'instant, j'ai pas de problème avec Lynch, ces films je les ai kiffé, sa série je l'ai archi-kiffée, ce mec il est cool.
    Et putain, moi je lisais "je lis des histoires vraies" gamin, et je trouvais ce titre couillu. Personne ose te dire ce que tu vas faire. Ce film s'appelerait "je vais voir un film au cinoche", puis "je vais voir un film en DVD" pour le DVD, ben je l'aimerai encore plus.

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  2. Pas con ça !

    "Je guinche un film".

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  3. Ahah, Vincent, en plus c'est typiquement le genre de film que tu encaisserais en position foetale, calfeutré dans un de nos fauteuils inconfortables, ton gros cul en bombe, sans dire un mot, en lançant parfois discretos des parties de Serpent sur ton portable. Je sais jamais si tu joues vraiment à Snake II ou si t'es pas en train d'avancer l'heure sur ton mobile pour faire passer le temps plus vite. Franco mate-le !

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  4. Guilty as charged de haïr de David Lynch, pas vrai les gars ?
    Perso je n'ai pas vu "Une Histoire de tracteur", mais, si je comprends votre désamour à l'aune de la hype attribuée à Lynch à chacun de ses films, je trouve chez lui mon compte d'intérêt, ouaip.

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  5. Vous avez vu Blue Velvet ?

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  6. Alors une question de conrad... Vous avez vu Blue Velvet?

    NON !

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  7. J'avais l'impression que l'espace temps se dilatait dans mon salon et que je me tapais les 600 douloureux km de route avec le vieux Alvy. J'ai même failli abandonner au bout de la 5e crevaison, à 250e minute du film.

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  8. wé fast and furious cé tro mieu lol.

    Buzz.

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  9. UN FILM FANTASTIQUE QUI DONNE ENVIE DE PLEURER ET MUSIQUE DIVIN

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  10. Il faut beaucoup plus de recul et de marurité que n'en font preuve les rédacteurs de ce "blog" pour apprécier ce film.
    J'en suis à me demander si ce ne sont pas des disciples de Hugues Dayez.

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    1. Morgane Amalfitano24 juin, 2012 18:59

      Laisse un peu courir, on peut rire de tout et de nawak. Ici, en l'occurrence, de l'intouchable David Linge.

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  11. J'ai pas réussi à lire ce texte d'une seule traite tellement je riais! Et pourtant j'avais assez aimé ce film...

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  12. Le seul vrai connard est l'auteur de cet article...J

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  13. l'auteur de l'article peut traiter david lynch de connard mais lui s'il se fait traiter de connard on ne publie pas! Belle mentalité

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    1. Si si, t'en fais pas. Mais en ce qui me concerne, sache que je n'emploie pas vraiment le mot "connard" au premier degré.

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