Pages

28 février 2008

Seraphim Falls

Je l'ai maté avec la qualité d'une vieille VHS et ça donne un certain cachet au film. De toute façon moi j'écoute tous mes mp3 sur mon vieux walkman à cassettes donc ça me change guère. J'aime tout ce qui est vieux. J'aime les vieillards. Dans la rue je me surprends souvent à reluquer les vieilles. J'achète toutes mes fringues dans des friperies, je ne peux pas porter des trucs qui ne soient pas de seconde main voire de troisième main. Mes godasses sont méga trouées mais j'adore ça, mes pieds respirent. J'avais réussi à choper le film en 5.1 mais j'ai changé mes réglages sur mon ampli, je l'ai mis en 0.0 histoire de retrouver le son de la vieille téloche de mes parents quand j'étais gosse. J'entends que dalle mais c'est ma came. Je suis allé jusqu'à filer des coups de cuter sur ma télé 16\9 de sorte que les rayures me rappellent les vieilles bandes pourries d'antan. J'ai aussi réglé mon téléviseur sur pal\secam de façon à ce que l'image soit rognée sur les côtés comme c'était le cas dans mon cinéma de quartier à la vieille époque. Puis j'ai retiré les couleurs sur ma télé Daewoo DE. Et finalement j'ai maté le film juché sur un tabouret de bar pour retrouver l'inconfort de ma triste jeunesse. J'ai également retiré mes lunettes, que je ne portais pas quand j'étais gamin, et sans lesquelles j'y vois pas à un mètre. J'ai donc maté ce film flou en étant à moitié aveugle. Il manquait juste mon vieux père pour me filer de grands coups de latte dans le cou au moindre mouvement un peu bruyant.




Le début du film est très spécial. Pierce Brosnan est dans les bois, sous la neige, dans un gros manteau en peau d'ours. Il est en train de pisser et d'écrire son nom dans la neige (d'ailleurs, goof, il écrit Pierce Brosnan, son nom à lui, pas celui du personnage, une erreur qu'apparemment personne sur le plateau ou en salle de mixage n'a relevée), il pisse dans la neige donc quand Liam Neeson et ses acolytes, sans crier gare, lui tirent des balles dans le bras. Plusieurs dizaines de balles, dans le même bras, à plusieurs centaines de mètres de distance. Une précision peu commune et sans fondement. Pourquoi se focaliser sur ce bras ? Le scénario ne nous le dira jamais. Disons-le carrément, le screenplay n'est pas près de nous dire pourquoi ces types s'acharnent ainsi à crever la paillasse du vieux Pierce qui pendant les 15 premières minutes du film subit donc un parcours du combattant éprouvant pour le spectateur pris en otage. Cette cavalcade infernale s'achève quand Pierce, après avoir escaladé plusieurs falaises et traversé un fleuve à la nage, s'arrête cinq minutes dans une clairière pour retirer les quelques douzaines de balles, une cartouchière complète, que trois types étranges lui ont logées dans l'épaule gauche. Nouveau goof, d'un plan à l'autre Pierce voit le couteau qu'il portait dans la main droite se transformer en grande branche d'arbre. Ce goof qui paraît anodin mettra sans doute Pierce en grand danger quand il s'agira de faire face à un Liam Neeson remonté comme une pendule.




Ce film est un western de neige, un western des plus simples. Un western qui ne s'encombre pas avec le début d'un scénario. C'est une course poursuite, une chasse à l'homme, un type seul traqué par des tueurs sans foi ni loi, sans motif, sans mobile, pour le plaisir du sport. David Von Ancken a de toute évidence adapté le scénario écrit par son fils de 6 ans qui lui dictait sa trame narrative allongé au milieu de ses playmobils. Qui dit western dit canassons. Or quatre canaris qui galopent à toute allure et côte à côte dans le désert ça fait vibrer le sol. Ne vous étonnez donc pas de voir la caméra trembler sans ménagement sur son pied. De temps à autres le pied de caméra se casse même la gueule et Von Acken n'a semble-t-il pas jugé nécessaire de couper ces ratés au montage. La traque est si longue que l'on voit les saisons défiler. Au bout de 45 minutes c'est l'été Indien sur les Rocheuses et Pierce n'a toujours pas semé ses poursuivants, ni passé sa tête sous l'eau. Il transpire de la boue, il suinte la terre. Mais après une heure et demi de métrage, nous voilà rendus. Le mexican stand off arrive enfin. Empruntant le chemin biaiseux du flashback, Von Ancken nous explique le fin mot de cette poursuite endiablée. À la fin de la guerre de sécession, Pierce Brosnan a foutu le feu à l'épouse de Liam Neeson ainsi qu'à ses deux enfants. Celui qu'on croyait être le gentil traqué par de vilains bandits est en fait un affreux assassin poursuivi par la main vengeresse d'un veuf qui a vu ses gamins cramer à ses côtés. C'est un twist infernal que même mon clébard allongé à côté de mon tabouret pendant toute la séance avait su deviner dès le générique d'ouverture.




Mais pas de ça entre nous Von Ancken, le bien et le mal, cette vision manichéenne du monde, c'est pas la mienne et tu le sais. Eh bien ce n'est pas non plus celle de Van Hallen qui, et là accrochez-vous bien, rallonge son film de 45 minutes, oui pas moins que ça, histoire de faire durer ce duel de pacotille, parsemé de scènes oniriques dans le désert d'un ennui prodigieux, avant de voir les deux ennemis jurés s'en aller côte à côte face au soleil couchant. Parce qu'au fond Pierce n'avait pas fait exprès d'enflammer la petite famille au complet de Liam, et lui-même regrette bien fort ce douloureux événement du passé. Alors Liam le croit sur parole et croit bon d'ajouter : "De toute façon j'ai plus de balle pour te descendre ni d'allumette pour t'enfumer". Ce western partait bien mais il a fini en grosse queue de poisson. Une queue de poisson de deux plombes qui m'a rappelé Le Grand bleu de Luc Besson en cela qu'il m'a lui aussi fait vivre l'extase des profondeurs.


Seraphim Falls de David Von Ancken avec Liam Neeson et Pierce Brosnan (2006)

6 commentaires:

  1. L'intro de cette critique est excellente !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Joseph Von Sternberg27 novembre, 2012 10:45

      Pas que l'intro !

      Supprimer
    2. Non, le reste de l'article est marrant pour qui n'a pas vu le film, mais un peu injuste. Ce western certes traîne en longueur et part en vrac sur la fin, mais il est quand même assez efficace.

      http://tepepa.blogspot.fr/2009/10/seraphim-falls.html

      Supprimer
  2. J'ai bien aimé ce western, de mémoire je crois qu'il est sorti direct-to-dvd ce qui est un peu injuste vu la qualité du film.

    L'intro m'a bien fait rire ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Effectivement, très belle entrée en matière

    RépondreSupprimer